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04/06/2024 | FRANCE | N°23NC01091

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 04 juin 2024, 23NC01091


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.



Par un jugement n° 2103555 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 avril 2023 et le 17 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 2103555 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 avril 2023 et le 17 novembre 2023, M. C... A..., représenté par Me Brigitte Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de B... du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, et en tout état de cause de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1.800 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé ;

- il n'est pas justifié de la qualité et de la compétence de l'auteur du rapport d'expertise documentaire ;

- le préfet s'est cru à tort en compétence liée ;

- elle s'appuie sur un rapport d'expertise documentaire ne présentant pas les garanties d'une expertise judiciaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L.423-22 et L.811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions de l'article 47 du code civil ; le préfet ne renverse pas la présomption d'authenticité des actes d'état-civil produits ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- le préfet s'est cru à tort en compétence liée ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les observations de Me Jeannot, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement sur le territoire français au mois d'août 2018, selon ses déclarations. Par deux jugements du 22 octobre 2018 et du 30 mars 2020, le juge des enfants de B... a confié l'intéressé aux services de l'aide sociale à l'enfance et a maintenu ce placement jusqu'à sa majorité. Par un courrier reçu par les services de la préfecture le 7 décembre 2020, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 24 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des visas du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés devant eux, ont énoncé précisément les motifs qui les ont conduits à écarter les moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté du 24 septembre 2021. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment l'article 47 du code civil, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L.423-22, L.423-23, L.435-1, L.811-2 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur lesquels il se fonde et fait état des circonstances de fait relatives à la situation personnelle de M. A... et, notamment, des documents d'état civil produits à l'appui de sa demande de titre de séjour ainsi que de la durée et des conditions de son séjour en France. Il comporte ainsi de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour prendre à l'encontre de M. A... la décision qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu valablement s'approprier dans son arrêté les termes du rapport d'examen technique documentaire de la police aux frontières du 28 juin 2021, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée qu'il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle et familiale de M. A... ou qu'il se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité.

5. En troisième lieu, si le rapport d'expertise documentaire établi par les services de la police aux frontières ne constitue pas une expertise judiciaire et n'a pas été établi contradictoirement, il a été communiqué au requérant au cours de l'instruction en première instance et en appel et constitue un élément d'appréciation parmi ceux versés au dossier de la requête par les parties. Il n'y a par suite pas lieu de l'écarter des débats.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L.421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ". Selon l'article R.431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L.811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " lequel précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité". Le II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 dispose que : " La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ".

8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, que lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

9. Il s'ensuit, qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question qu'ils aient fait l'objet d'une légalisation ou non. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. En outre, en cas de contestation, par l'administration, de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

10. Pour établir son identité et sa minorité à la date de son entrée en France, M. A... a produit un extrait du registre de l'état civil n° 231 du 29 juin 2020, un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 798 du 15 juin 2020 délivré par le tribunal de première instance de Kindia et un certificat de nationalité n° 1277 du 17 juillet 2020 délivré par le tribunal de première instance de Conakry II. Il ressort cependant des pièces du dossier et, notamment, du rapport d'examen technique documentaire établi le 28 juin 2021 par la direction zonale de la police aux frontières zone-est que ces documents sont marqués par de nombreuses irrégularités. En admettant que l'absence de sécurité documentaire du papier utilisé et de l'impression, la qualité moyenne des cachets humides et la présence d'une faute d'orthographe ne suffisent pas à établir le caractère falsifié de ces actes, en revanche l'absence de certaines mentions prévues par les articles 314 et 554 du code de procédure civile guinéen et les articles 184 et 204 du code civil guinéen, la mention erronée de l'article 193 du code civil en référence à la loi du 16 février 1983 abrogée par la loi du 26 juillet 2019 à la suite de la promulgation du nouveau code civil guinéen et la présence de grattages et de modifications dans les mentions de personnalisation en tête du jugement supplétif, un autre nom et une autre date de naissance apparaissant de plus en arrière-plan, sous les prénom, nom et date de naissance de M. A..., ne permettent pas de considérer les documents produits comme probants.

11. Si M. A... se prévaut de la légalisation du jugement supplétif, de l'extrait d'acte de naissance, et du certificat de nationalité par un membre du personnel diplomatique de l'Ambassade de Guinée en France le 6 octobre 2020, le 8 février 2022 et le 17 juillet 2020, l'autorité légalisant un acte se borne à attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Par conséquent, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation selon laquelle ces documents seraient faux.

12. Si l'appelant se prévaut enfin d'une carte consulaire délivrée le 31 mars 2023 et d'un passeport biométrique délivré le 10 avril 2022, ces documents, qui ne constituent pas des actes d'état civil, ne sont pas de nature à justifier de son identité dès lors qu'ils ont été établis sur le fondement d'actes d'état civil non probants.

13. Il s'ensuit que le préfet a pu légalement considérer, sans être tenu de saisir les autorités guinéennes, que les éléments dont il disposait étaient précis et suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les documents fournis par le requérant. Il a pu ainsi en déduire que l'intéressé, en l'absence de certitude sur sa date de naissance, ne démontrait pas qu'il avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans. Dans ces conditions, le préfet doit être regardé comme ayant renversé la présomption posée à l'article 47 du code civil et a pu légalement, pour ce seul motif, refuser de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ne peuvent donc qu'être écartés.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. M. A..., présent sur le territoire français depuis août 2018, confié à l'aide sociale à l'enfance depuis octobre 2018, a bénéficié de plusieurs contrats de jeune majeur dont le dernier a expiré au 1er janvier 2024. Il a également obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en " réparation des carrosseries ", un certificat d'aptitude professionnelle en " peinture en carrosserie ", s'est spécialisé en " maintenance véhicule option A voitures particulières " et est désormais inscrit en 1er année de baccalauréat professionnel de " réparation de carrosserie ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ait développé des attaches personnelles particulières depuis son entrée sur le territoire français. Son apprentissage et sa scolarité pour laquelle il ressort notamment des témoignages de ses professeurs versés au dossier qu'il fournit des efforts et a des bons résultats ne suffisent pas à établir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée alors qu'il a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où résident toujours ses parents, et qu'au surplus, il ne démontre pas ne pas pouvoir poursuivre ses études et mettre à profit les compétences professionnelles acquises en France dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. A... en France, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas non plus méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel dont il dispose.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".

17. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.

18. D'une part, si M. A... fait état de sa vulnérabilité en raison de son isolement et de son jeune âge, il ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui se bornent à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

19. D'autre part, outre les circonstances mentionnées au point 15 ci-dessus, M. A... se prévaut de ses stages en entreprise et de ses perspectives d'insertion par le travail dans un domaine d'activité où la main d'œuvre manque. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à démontrer que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ou une erreur de droit ou qu'il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier en estimant que son admission au séjour ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi

20. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour obliger le requérant à quitter le territoire français, ni qu'il aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation du requérant avant de prendre une mesure d'éloignement à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 qui, en tout état de cause, a été intégralement transposée en droit interne et ne peut en conséquence être utilement invoquée, doit être écarté.

21. En deuxième lieu, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour étant suffisamment motivée, ainsi qu'il a été exposé au point 3, la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

23. Si M. A... évoque l'instabilité politique que connaît la Guinée depuis le coup d'État qui a eu lieu le 5 septembre 2021, il ne fait valoir aucun élément personnel et contemporain de la décision en litige qui établirait qu'il court un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

24. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (..) ".

25. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi, que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative, et75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC01091 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01091
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23nc01091 ?
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