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04/06/2024 | FRANCE | N°21NC01987

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 04 juin 2024, 21NC01987


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement le centre hospitalier Saint-Charles de Wassy et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser la somme de 105 800 euros au titre des préjudices subis du fait de l'absence de validation de ses services accomplis en qualité de contractuelle.



Par un jugement n° 2000708 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Châlon

s-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement le centre hospitalier Saint-Charles de Wassy et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser la somme de 105 800 euros au titre des préjudices subis du fait de l'absence de validation de ses services accomplis en qualité de contractuelle.

Par un jugement n° 2000708 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2021 et le 1er mars 2024, Mme A..., représenté par la Selas Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner conjointement et solidairement le centre hospitalier Saint-Charles de Wassy et la CNRACL à lui verser la somme de 105 800 euros au titre des préjudices subis, subsidiairement, à lui verser la différence entre la somme qu'elle aurait dû verser pour procéder à la validation des services à la date de sa demande initiale le 4 octobre 1993 et la somme correspondante à la date de rachat du 16 décembre 2019, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de leur capitalisation ;

3°) de condamner conjointement et solidairement le centre hospitalier Saint-Charles de Wassy et la CNRACL à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge conjointe et solidaire du centre hospitalier Saint-Charles de Wassy et de la CNRACL une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que postérieurement à l'introduction de son recours, elle a formé une demande préalable de régularisation en date du 5 décembre 2020, implicitement rejetée avant que le juge ne statue ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation des faits ; si le tribunal a, à juste titre, considéré que le centre hospitalier et la CNRACL avaient commis une faute de nature à engager leur responsabilité, c'est à tort qu'il a considéré que le lien de causalité avec ses préjudices était rompu dans la mesure où elle aurait pu présenter une nouvelle demande de validation de ses services de contractuelle sans condition de délai, en application du décret du 9 septembre 1965 ; elle ne pouvait supposer, avant sa demande de simulation de pension en 2019, qu'il n'avait pas été procédé à la validation de ses services de contractuelle dès lors qu'elle avait effectué les démarches afférentes le 17 mars 1993 et n'a fait preuve d'aucune négligence susceptible de rompre le lien de causalité ;

- le centre hospitalier reconnaît expressément sa faute et les conséquences financières qui en résultent, de sorte que sa responsabilité doit être engagée ; la faute de la CNRACL qui ne lui a pas adressé directement le décompte des retenues et contributions rétroactives est également établie ; en outre, c'est en méconnaissance des dispositions de l'article 46 du décret du 9 septembre 1965 que la CNRACL a rejeté son recours gracieux et refusé la validation de ses services de contractuelle puisqu'à la date de sa demande initiale, aucune condition de délai ne lui était opposable, de sorte que son accord parvenu le 12 juin 1995 ne pouvait être regardé comme hors délai ;

- elle a subi un préjudice économique tiré de la baisse significative de ses droits à pension, présentant un différentiel de 300 euros par mois ; sur la base d'une durée de pension de 28 ans, elle est ainsi fondée à solliciter la somme de 100 800 euros ; subsidiairement, il y aura lieu, en application du II de l'article 46 du décret précité, de mettre à la charge du centre hospitalier la différence entre la somme qu'elle aurait dû verser pour procéder à la validation des services à la date de sa demande initiale du 17 mars 1993 avec la date de rachat à la date du 16 décembre 2019 ; elle s'est, par ailleurs, trouvée contrainte de différer son admission à la retraite et cette situation lui a causé un préjudice moral dont elle sollicite réparation à hauteur de 5 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 5 août 2021, la Caisse des dépôts, en sa qualité de gestionnaire de la CNRACL, conclut, à titre principal, à la transmission du dossier au Conseil d'Etat, subsidiairement au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- aux termes de l'article R. 811-1 7° du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les actions indemnitaires relevant d'un litige en matière de pensions, le jugement attaqué n'est donc susceptible que d'un pourvoi en cassation, de sorte que la requête est irrecevable ; elle est également irrecevable faute de présentation d'une demande indemnitaire préalable ;

- la procédure de validation, en vigueur en 1993, prévoyait que la demande de validation soit transmise par l'employeur du fonctionnaire ; après étude par la CNRACL, le décompte était adressé à la collectivité employeur chargée de le vérifier et de le communiquer à l'agent pour acceptation avant de procéder au précompte des retenues rétroactives sur son salaire ; il ne saurait donc être reproché à la CNRACL de ne pas avoir adressé directement le décompte de validation à l'intéressée ; il y a lieu de retenir une faute exonératoire de la victime, dès lors que Mme A..., qui l'a accepté, a nécessairement eu connaissance du décompte de validation et de la date limite de transmission indiquée au verso ; l'intéressée n'a en outre jamais cherché à obtenir des renseignements concernant sa demande de validation ; si tel avait été le cas elle aurait pu présenter une nouvelle demande de validation, sachant qu'aucune condition de délai n'était exigée jusqu'au 1er janvier 2004 ;

- la requérante ne démontre pas davantage la réalité de son préjudice ; en effet, les services de contractuelle non validés auprès de la CNRACL demeurent valables auprès du régime général de la Sécurité sociale et de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et lui donnent droit à pension auprès de ces deux organismes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, le centre hospitalier Saint-Charles conclut, à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable, subsidiairement, à son rejet comme non-fondée et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable faute de demande indemnitaire préalable ;

- il n'a commis aucune faute ; aucune disposition légale ou réglementaire n'a pour objet ou pour effet de faire peser sur l'employeur d'un agent sollicitant la validation de ses services de non-titulaire la responsabilité de lui adresser directement le devis de la CNRACL qu'il appartient à cette dernière de transmettre directement à l'agent ;

- le préjudice financier invoqué n'est pas certain ; seul le différentiel entre la somme totale que la requérante aurait perçu de la CNRACL si ses services de non-titulaire avaient été validés, et la somme actuellement perçue en additionnant les pensions de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques et de la CNRACL peut constituer un préjudice financier, or, ces éléments ne sont pas connus, sachant que la validation des périodes par la CNRACL n'est pas nécessairement à l'avantage de l'agent ;

- en outre, il apparaît que Mme A... a commis des fautes dans la gestion de sa demande de validation, en ne s'informant pas des modalités de mise en œuvre de la validation de service et de la réglementation applicable ; elle a nécessairement eu connaissance du devis de validation qu'elle a finalement accepté le 12 juin 1995 ; le fait qu'elle ait disposé de près de 10 ans pour reformer une demande suffit à considérer sa carence comme fautive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

- et les observations de Me Jacquemin, substituant Me Devarenne, pour Mme A....

Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 15 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a exercé au centre hospitalier Saint-Charles de Wassy des fonctions d'agent contractuel du 1er juillet 1981 au 31 août 1981, puis du 15 mars 1982 au

30 avril 1989, avant d'être titularisée dans le grade d'aide-soignante le 6 mai 1990. A l'occasion de sa demande d'admission à la retraite à compter du 1er décembre 2019 et d'une simulation de pension, elle s'est aperçue que la demande de validation de ses services en qualité de contractuelle sollicitée en mars 1993 n'avait pas été prise en compte et a différé son départ en retraite à la date du 1er mai 2020. Elle a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement le centre hospitalier Saint-Charles et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser une indemnité en réparation des préjudices afférents à l'absence de prise en compte de ses services accomplis en qualité de contractuelle pour la liquidation de sa pension de retraite et au préjudice moral subi. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-1 du même code : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... recherche la responsabilité de la CNRACL et du centre hospitalier Saint-Charles de Wassy en raison, d'une part, des fautes qu'a commises la caisse en ne lui adressant pas directement le devis établi à la suite de sa demande de validation de ses services en qualité de contractuelle et le centre hospitalier en ne lui transmettant pas ce devis et, d'autre part, de la faute qu'a commise la CNRACL en rejetant, par des décisions des 16 janvier et 3 février 2020, sa demande du 16 décembre 2019 tendant à la prise en compte de ces services pour la liquidation de sa pension de retraite. Ces conclusions constituent un litige en matière de pension de retraite au sens des dispositions précitées du 7° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, sur lequel le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Par suite, il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative citées au point 2 de transmettre le dossier de la requête au Conseil d'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le dossier de la requête de Mme A... est transmis au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., au centre hospitalier Saint-Charles et à la Caisse des dépôts et consignations.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 21NC01987 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01987
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;21nc01987 ?
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