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04/06/2024 | FRANCE | N°21NC01399

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 04 juin 2024, 21NC01399


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Magnum Immobilière a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Montigny-lès-Metz à lui verser la somme de 29 045,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2019 et de leur capitalisation, ainsi que celle de 2 000 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive commise par la collectivité en lui faisant supporter indûment le coût des tra

vaux de raccordement au réseau public d'électricité.



Par un jugement n° 1902605 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Magnum Immobilière a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Montigny-lès-Metz à lui verser la somme de 29 045,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2019 et de leur capitalisation, ainsi que celle de 2 000 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive commise par la collectivité en lui faisant supporter indûment le coût des travaux de raccordement au réseau public d'électricité.

Par un jugement n° 1902605 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2021, la société Magnum Immobilière, représentée par Me Duchet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902605 du tribunal administratif de Strasbourg du 25 mars 2021 ;

2°) de condamner la commune de Montigny-lès-Metz à lui verser la somme de 29 045,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2019 et de leur capitalisation, ainsi que celle de 2 000 euros, au titre de ses préjudices financier et commercial ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montigny-lès-Metz la somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable et fondée à exercer une action en responsabilité à l'encontre de la commune de Montigny-lès-Metz, dès lors qu'un tel recours est en principe ouvert contre une décision préalable relative à la demande indemnitaire formulée par le titulaire d'une créance, qu'elle justifie d'un intérêt lésé, que sa demande indemnitaire n'est pas tardive, que la décision préalable n'est pas confirmative et que sa créance n'est pas prescrite ;

- la longueur du raccordement au réseau public d'électricité étant finalement supérieure à cent mètres, contrairement à l'estimation initiale, il devait être regardé, non pas comme un équipement propre à son projet de construction, mais comme une extension de ce réseau, qui aurait dû être financée, à hauteur de 60 %, par la commune de Montigny-lès-Metz, les 40 % restant étant supportés par la société concessionnaire en charge des travaux et répercutés sur les tarifs d'utilisation du réseau ;

- si cette société a commis une faute en ne s'assurant pas de la longueur exacte du raccordement, la commune de Montigny-lès-Metz a également commis une faute, qui engage sa responsabilité, en se fondant sur l'estimation erronée de cette société, en refusant de procéder au remboursement de la somme qu'elle a réglée et en lui faisant supporter indûment, à hauteur de 60%, le coût des travaux de raccordement au réseau public d'électricité ;

- elle ne pouvait agir en répétition de l'indu contre la société concessionnaire dès lors que la commune de Montigny-lès-Metz est débitrice à hauteur de 60 % du coût des travaux ;

- il ne résulte pas de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme que l'action en répétition de l'indu serait exclusive de l'action en responsabilité contre la collectivité publique redevable d'une quote-part du coût des travaux ;

- elle a subi un préjudice matériel équivalent à 60 % du coût des travaux, soit 29 045,80 euros ;

- elle a également subi un préjudice commercial de 2 000 euros du fait de la résistance et des refus opposés par la commune de Montigny-lès-Metz.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2021, la commune de Montigny-lès-Metz, représentée par Me Ponseele, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société Magnum Immobilière à lui verser un euro en réparation du préjudice résultant d'une citation abusive et à la mise à sa charge de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante n'est pas recevable à exercer une action en responsabilité à son encontre dès lors qu'il lui appartenait de solliciter auprès de la société concessionnaire la répétition des sommes indument versées sur le fondement de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ;

- l'action en répétition de l'indu est exclusive de la possibilité d'engager la responsabilité pour faute de la collectivité en vue d'obtenir la restitution des sommes indûment versées ;

- en tout état de cause, l'action en responsabilité est tardive en raison du caractère confirmatif de la décision rejetant sa réclamation préalable ;

- la créance de la société Magnum Immobilière est prescrite ;

- à titre subsidiaire, l'action en responsabilité n'est pas fondée en l'absence de faute de sa part et de préjudice réel et certain subi par la requérante ;

- compte tenu du caractère abusif de l'appel formé par la société Magnum Immobilière, elle est fondée à réclamer, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Magnum Immobilière à lui verser la somme symbolique d'un euro en réparation du préjudice tiré d'une citation abusive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Ponseele pour la commune de Montigny-lès-Metz.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 octobre 2010, la société Magnum Immobilière a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment à usage d'habitation collectif de vingt-six logements, de bureaux et de commerce d'une surface hors œuvre nette de 3 313,80 mètres carrés sur un terrain situé 325 rue de Pont-à-Mousson à Montigny-lès-Metz. Par un arrêté du 7 avril 2011, le maire de cette commune a fait droit à cette demande en assortissant son autorisation de prescriptions. Le raccordement du projet de construction à l'électricité impliquant une extension du réseau public de distribution jusqu'au droit du terrain d'assiette, la société URM, en charge de la gestion de ce réseau, a estimé, dans son avis technique du 28 février 2011, que cette extension, d'une longueur inférieure à cent mètres, devait être regardée comme un équipement propre et a adressé à la pétitionnaire, le 26 juin 2012, un devis d'un montant de 29 045,80 euros correspondant aux 60 % du coût des travaux devant rester à sa charge. Postérieurement au règlement de cette somme auprès de la gestionnaire, la requérante a été informée par son géomètre expert de l'existence, selon lui, d'une erreur de métré et de ce que, l'extension présentant une longueur supérieure à cent mètres, elle constitue un équipement public, dont le financement aurait dû être assuré par la collectivité à hauteur de 60 %. Après avoir adressé à la commune de Montigny-lès-Metz, le 2 janvier 2018, une mise en demeure demeurée sans effet, puis, le 4 mars 2019, une réclamation rejetée le 13 mars suivant, la société Magnum Immobilière a, le 5 avril 2019, saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de cette commune à lui verser la somme de 29 045,80 euros au titre de son préjudice financier, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2019 et de leur capitalisation, et celle de 2 000 euros au titre de son préjudice moral. Elle relève appel du jugement n° 1902605 du 25 mars 2021 qui rejette ses conclusions à fin d'indemnisation.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. / Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. / (...) / L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures / En cas de classement ultérieur dans la voirie et les réseaux publics, les travaux exigés au titre des équipements propres n'ouvrent pas droit à l'action en répétition prévue à l'article L. 332-30. ".

3. Il résulte de ces dispositions que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres et que le réseau correspondant, dimensionné pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soit pas destiné à desservir d'autres constructions existantes ou futures. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. / (...) / Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points. ".

5. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme que l'action en répétition de l'indu qu'il prévoit concerne, non seulement les taxes et contributions imposées aux constructeurs en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 du code de l'urbanisme, mais également celles qui sont obtenues d'eux, avec leur accord, en méconnaissance des mêmes textes. L'action en répétition ainsi prévue, qui est exclusive de toute autre action fondée sur l'illégalité des participations visées par ces dispositions, doit être exercée contre la personne bénéficiaire des contributions aux dépenses d'équipements publics imposées aux constructeurs sous la forme de participations financières ou de réalisation de travaux, qui peut notamment être l'autorité concédante d'un service public.

6. Il résulte de l'instruction que la société Magnum Immobilier a versé à la société URM, gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité, la somme de 29 045,80 euros correspondant aux 60% du coût des travaux d'extension de ce réseau nécessités par l'alimentation en électricité de son projet de construction. Si la requérante fait valoir que, en raison d'une erreur de métré, elle n'avait pas à payer une telle somme dès lors que cette extension présentait une longueur supérieure à cent mètres et devait donc être regardée, non pas comme un équipement propre financé totalement ou partiellement par le titulaire de l'autorisation, mais comme un équipement public, dont le coût des travaux incombait, à hauteur de 60 %, à la commune de Montigny-lès-Metz, il lui appartenait d'en solliciter le remboursement auprès de la société URM dans le cadre de l'action en répétition de l'indu instituée à l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme. Cette voie de droit étant exclusive de toute autre action, notamment indemnitaire, fondée sur l'illégalité des participations financières visées par les dispositions en cause, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, il en résulte que la demande de la société Magnum Immobilière tendant à la condamnation pour faute de la commune de Montigny-lès-Metz à lui verser la somme de 29 045,80 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi est irrecevable. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir opposées en défense, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté, pour ce motif, ses conclusions à fin d'indemnisation au titre du préjudice financier.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. En se bornant à faire état de la résistance et des refus opposés par la commune de Montigny-lès-Metz à ses demandes de remboursement de la somme de 29 045,80 euros et alors qu'il lui appartenait de mettre en œuvre à l'encontre de la société URM l'action en répétition prévue à l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, la société Magnum Immobilière n'établit pas, en tout état de cause, la réalité du préjudice commercial dont elle demande réparation. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, ses conclusions à fin d'indemnisation d'un tel préjudice ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à solliciter la condamnation de la commune de Montigny-lès-Metz, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions reconventionnelles de la commune de Montigny-lès-Metz :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions reconventionnelles de la commune de Montigny-lès-Metz tendant à ce que la société Magnum Immobilière soit condamnée à lui verser la somme d'un euro symbolique à titre de dommages-intérêts pour citation abusive.

Sur les frais de justice :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Montigny-lès-Metz, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société Magnum Immobilière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Magnum Immobilière est rejetée.

Article 2 : La société Magnum Immobilière versera à la commune de Montigny-lès-Metz la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Montigny-lès-Metz est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Magnum Immobilière et à la commune de Montigny-lès-Metz.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC01399 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01399
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : PONSEELE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;21nc01399 ?
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