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16/05/2024 | FRANCE | N°24NC00210

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 16 mai 2024, 24NC00210


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A..., a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et, d'autre part, l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-e

t-Moselle l'a assignée à résidence au sein du département de Meurthe-et-Moselle pour une d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et, d'autre part, l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a assignée à résidence au sein du département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, l'a astreinte à se maintenir quotidiennement, de 6 heures 00 à 9 heures 00, au sein du logement qu'elle occupe et à se présenter tous les mardis et jeudis, à 9 heures 30, auprès des services de gendarmerie de Frouard.

Par un jugement n° 2303025 du 25 octobre 2023, la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Nancy, après avoir admis Mme A... à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2023 de la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Nancy en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ;

4°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

5°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de retirer le signalement aux fins de non-admission dans le système Schengen (DIS) dont elle fait l'objet ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été prise en méconnaissance du droit d'être entendue ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- l'annulation du refus de délai de départ volontaire s'impose comme étant la conséquence de l'annulation de la précédente décision ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle se trouverait dans une des hypothèses justifiant un refus de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- l'annulation de la décision attaquée s'impose comme étant la conséquence de l'annulation des précédentes décisions ;

- la décision contestée n'est pas motivée en fait ;

- la préfète n'a procédé à aucun examen de sa situation au regard des risques de traitement inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète s'est estimée liée par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- l'annulation de la décision attaquée s'impose comme étant la conséquence de l'annulation des précédentes décisions ;

- la décision attaquée est insuffisant motivée ;

- la préfète a entaché sa décision d'une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés et s'en remet également à ses écritures de première instance.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 6 septembre 1986, a déclaré être entrée le 25 novembre 2018 sur le territoire français, avec ses deux filles mineures, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les 31 janvier et 15 juillet 2019. A la suite du rejet de sa demande d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français. Le recours contentieux dirigé contre cette décision a été rejeté par un jugement du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Nancy et l'intéressée a été renvoyée dans son pays d'origine. Mme A..., entrée une nouvelle fois sur le territoire français, a obtenu la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour valable du 16 décembre 2019 au 15 décembre 2020 en raison de l'état de santé de sa fille mineure. Le 23 octobre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour qui a fait l'objet d'un rejet, par un arrêté du 6 mai 2022. Le recours dirigé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 10 novembre 2022 rendu par le tribunal administratif de Nancy. Après avoir été convoquée par les services de gendarmerie aux fins de vérification de son droit au séjour, la préfète de Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 16 octobre 2013, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Le même jour, la préfète de Meurthe-et-Moselle a également pris à son encontre un arrêté portant assignation à résidence au sein du département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, l'a astreinte à se maintenir quotidiennement, de 6 heures 00 à 9 heures 00, au sein du logement qu'elle occupe et à se présenter tous les mardis et jeudis, à 9 heures 30, auprès des services de gendarmerie de Frouard. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler ces deux arrêtés. Mme A... relève appel du jugement n° 2303025 du 25 octobre 2023 de la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Nancy en tant que celle-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois .

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2023 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Nancy, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le premier juge aux points 5 à 8 du jugement attaqué

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse, ni des pièces du dossier, que la préfète de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procéder à un examen particulier de sa situation avant de prendre la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En troisième lieu, en se bornant à faire valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait, Mme A... n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déclaré être entrée sur le territoire français le 25 novembre 2018 afin d'y solliciter l'asile. Elle fait valoir son souhait de poursuivre l'accompagnement pluridisciplinaire de sa fille handicapée et la présence d'une autre enfant scolarisée en France. Toutefois, Mme A..., qui a levé le secret médical, n'établit pas que sa fille, atteinte d'un autisme sévère et reconnue handicapée à plus de 80%, ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge pluridisciplinaire dans son pays d'origine par les pièces générales qu'elle produit alors que le collège des médecins de l'OFII a conclu en ce sens dans un avis émis le 11 mars 2021. Par ailleurs, elle n'établit pas que sa fille ainée ne pourrait pas reprendre sa scolarité en Albanie. Mme A..., qui bénéficie d'un hébergement d'urgence et qui ne parle pas correctement le français, ne produit aucun élément d'intégration en France. Par ailleurs, la présence de Mme A... sur le territoire français était récente à la date de la décision attaquée et l'intéressée n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine ou résident ses parents et ses frères. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision litigieuse opposée par la préfète de Meurthe-et-Moselle à la requérante n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle et de ce que la préfète aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...)3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;/5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

8. En premier lieu, faute pour Mme A... d'établir l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire devrait être annulée en conséquence d'une telle illégalité doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision de refus de délai de départ volontaire contient l'énoncé suffisant des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

10. En troisième lieu, pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à Mme A..., la préfète de Meurthe-et-Moselle s'est fondée sur les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus particulièrement sur les 4° et 5° de l'article L. 612-3 du même code. Elle précise que Mme A... s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement et qu'elle a déclaré vouloir rester sur le territoire français dans l'hypothèse où une nouvelle mesure d'éloignement serait prise à son encontre. En se bornant à soutenir que la préfète n'établit pas qu'elle n'entre pas dans ces hypothèses et qu'elle n'a pas pris en compte les éléments relatifs à sa situation, Mme A... n'établit pas que la préfète de Meurthe-et-Moselle aurait méconnu les dispositions précitées en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Les moyens tirés des erreurs de droit et d'appréciation doivent, par suite, être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

12. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen des risques encourus par l'intéressée en cas de retour en Albanie, en s'estimant notamment liée par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile sur la demande d'asile de la requérante. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen et de l'erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.

15. En quatrième lieu, si Mme A... soutient qu'en cas de retour en Albanie, elle serait exposée ainsi que ses filles à des traitements contraires à ces stipulations en raison des violences conjugales graves qu'elle a subies, elle s'est séparée de son époux plusieurs années avant son arrivée en France et n'établit pas, alors qu'elle est désormais divorcée de son époux, l'actualité des risques ainsi invoqués. Enfin, si Mme A... soutient qu'il n'existe pas en Albanie de traitement adapté à l'état de santé de son enfant, les documents qu'elle produit ne permettent pas de justifier de l'impossibilité de toute prise en charge des troubles autistiques en Albanie. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, par suite, être écartés.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

18. Il résulte de ces dispositions que seules des circonstances humanitaires peuvent faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour lorsque l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et que la durée de cette interdiction doit alors être fixée en prenant en compte la durée de présence en France, les liens tissés, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et la menace à l'ordre public. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, cette circonstance n'est pas retenue au nombre des motifs justifiant la durée de l'interdiction, l'autorité administrative n'est pas tenue, sous peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

19. En premier lieu, faute pour Mme A... d'établir l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français prononcée, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée en conséquence d'une telle illégalité doit être écarté.

20. En deuxième lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui mentionne la durée de séjour en France de l'intéressée, la circonstance qu'elle a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement et de ses liens personnels et familiaux en France, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée.

21. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que la préfète a examiné les quatre critères fixés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de dix-huit mois. Elle ne s'est donc pas estimée en compétence liée et le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

22. En quatrième lieu, si la requérante soutient de nouveau en appel que cette décision est entachée d'une erreur de fait, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

23. En cinquième lieu, Mme A... fait valoir que la décision litigieuse emporte des conséquences disproportionnées à son encontre en invoquant sa situation personnelle en France et, en particulier, l'état de santé de sa fille souffrant d'un autisme sévère. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que sa fille malade ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Albanie. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour serait entachée, dans son principe, d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Jeannot.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 24NC00210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00210
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;24nc00210 ?
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