Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2205574 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022, par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée de vice de procédure, l'avis du collège des médecins de l'OFII ayant été rendu sans réunion collégiale ; il y a lieu de sursoir à statuer dans l'attente de l'avis du Conseil d'Etat saisi d'une demande sur ce moyen de procédure ; la décision est entachée d'erreur de droit le préfet s'étant à tort cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ; le préfet n'apporte pas la preuve dont la charge lui incombe de la disponibilité du traitement médical dans son pays d'origine ; en l'absence de communication de son dossier médical devant l'OFII, le principe du contradictoire a été méconnu ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la disponibilité des soins en Algérie alors que l'absence de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, est entré régulièrement en France le 30 décembre 2017. Il a présenté une demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 août 2018. Il a été admis au séjour pour une durée de deux ans au regard des soins que nécessitait son état de santé. Le 13 janvier 2022, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 4 mai 2022 le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2022, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes des dispositions procédurales du deuxième alinéa de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants algériens, la décision de délivrer un titre de séjour au motif que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge " est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement de et transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier (...) émet un avis (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. En premier lieu, ces dispositions instituent une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.
4. Par suite, pour contester l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 7 avril 2022 et signé par trois médecins, M. B... ne saurait utilement soutenir qu'il n'est pas établi que les médecins ont bien délibéré tous en même temps ou au même endroit. Le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision de refus de titre de séjour doit par suite être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Haut-Rhin a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... et ne s'est pas à tort estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur de droit doit être écarté.
6. En troisième lieu, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des stipulations précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. D'une part, le préfet du Haut-Rhin a versé l'extrait de la base de données MedCOI relatif à la disponibilité du traitement nécessité par l'état de santé de l'intéressé. Dans ces conditions, alors même qu'en première instance le dossier médical au vu duquel le collège des médecins de l'OFII s'est prononcé n'a pas été demandé à M. B..., à qui il appartenait seul de le produire, par le juge dans le cadre de son pouvoir d'instruction, le tribunal n'a méconnu, ni les règles relatives à la charge de la preuve, ni le principe du contradictoire.
9. D'autre part, par son avis du 7 avril 2022, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé actuel. M. B... fait valoir qu'il est atteint d'une maladie de Crohn iléocolique sévère à évolution fistulante. S'il produit plusieurs documents médicaux démontrant la réalité de sa pathologie et la nécessité de suivre un traitement immuno-modulateur au long cours, il ne verse toutefois aucun élément susceptible d'établir l'indisponibilité des soins requis à la date de la décision attaquée en Algérie. De surcroît, le préfet du Haut-Rhin justifie, par la production d'un extrait du fichier " MedCOI ", de la disponibilité en Algérie du traitement médicamenteux utilisant la substance active " Infliximab ", dont le requérant bénéficie en France par voie d'injections. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, au vu des différents éléments du dossier et sans qu'y fasse obstacle les précédents avis du collège de médecins de l'OFII ayant estimé que le traitement médical alors requis n'était pas disponible en Algérie, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. B... se prévaut de son séjour en France depuis presque cinq ans, des études qu'il a suivies sur le territoire français en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle " coiffure ", de la création en mars 2020 d'une autoentreprise de livraison à domicile et de la présence d'une sœur et d'un oncle en France. Toutefois, les stipulations précitées ne garantissent pas à un ressortissant étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. M. B... est célibataire, sans enfant et a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. Par ailleurs, il a indiqué dans sa demande de titre de séjour et lors de son entretien du 13 janvier 2021, d'une part, qu'il n'avait pas de famille en France et, d'autre part, que sa mère, son frère et ses deux sœurs résident en Algérie où il n'est donc pas dépourvu d'attaches familiales. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet du Haut-Rhin, en prenant la décision en litige n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision de refus de titre de séjour a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... n'établit pas que la décision portant refus de titre de séjour serait illégale. Par suite, il n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, il n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 octobre 2022. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant à ce que les frais de l'instance soient mis à la charge de l'Etat doivent par conséquent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 23NC01782