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16/05/2024 | FRANCE | N°23NC01699

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 16 mai 2024, 23NC01699


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement no 2202003 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédures devant la cour

:



Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, M. C... B..., représenté par Me Coche-Mainente, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2202003 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, M. C... B..., représenté par Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée d'un an dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- la décision en litige est entachée d'erreurs de fait qui révèle un défaut d'examen sérieux de sa demande ;

- elle méconnaît l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais, né en 2004, est entré en France, le 22 novembre 2017, avec son père et son frère mineur. A sa majorité, il a sollicité un titre de séjour. Par un arrêté du 24 mai 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 septembre 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. B... fait valoir que la décision en litige doit être annulée dès lors qu'elle comporte deux erreurs de fait concernant la notification à son père d'une décision d'éloignement et une prétendue demande de titre de séjour qu'il aurait lui-même déposée avant sa majorité. Toutefois, quand bien même le préfet n'aurait effectivement pas notifié à son père une obligation de quitter le territoire français, il ressort des pièces du dossier que cette autorité administrative a pris le 18 février 2022 une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de celui-ci. Par ailleurs, s'il est regrettable que le préfet ait mentionné, à tort, que le requérant avait sollicité un titre de séjour le 22 décembre 2022, cette mention erronée n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision contestée. Ces mentions partiellement erronées ne sont, en outre, pas de nature, eu égard aux autres motifs précis et circonstanciés de la décision contestée, à révéler un défaut d'examen particulier de la situation de M. B....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...), l'étranger qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans avec au moins un de ses parents se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

4. Les dispositions précitées sont applicables aux étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint, au plus, l'âge de 13 ans. Or, il est constant que M. B..., né le 13 mars 2004, est entré en France, avec son père, le 22 novembre 2017. A cette date, il avait plus de 13 ans depuis environ 7 mois. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'ayant plus de 13 ans à la date d'entrée sur le territoire, le requérant ne pouvait pas prétendre à un titre de séjour sur leur fondement.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. Si M. B... fait valoir qu'il réside de manière habituelle en France depuis l'âge de 13 ans, il n'établit pas, par les trois attestations produites, avoir noué des liens intenses sur le territoire au cours de ses cinq années de présence en dehors de son père et de son frère, tous deux également en situation irrégulière. Sa scolarité au lycée ne présente aucune particularité qui s'opposerait à ce qu'il la poursuive en Albanie. Enfin l'intéressé n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où résident sa grand-mère, deux tantes et ses oncles. Par suite, la décision contestée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent dès lors être écartés. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

9. En troisième lieu, il ressort des motifs de la décision contestée que le préfet de Meurthe-et-Moselle a procédé à un examen particulier et sérieux de la situation de M. B... avant de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ".

11. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que M. B... avait plus de 13 ans lorsqu'il est entré en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, le requérant se borne à soutenir qu'il encourt des risques en cas de retour en Albanie sans avoir ce moyen des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Il y a lieu par suite de l'écarter.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Géhin.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Agnel, président,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024

Le rapporteur,

Signé : S. BarteauxLe président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC01699 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01699
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23nc01699 ?
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