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14/05/2024 | FRANCE | N°23NC02445

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 14 mai 2024, 23NC02445


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



Mme A... C..., veuve B..., a demandé successivement au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation des arrêtés des 31 janvier et 3 février 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence dan

s le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours avec obligation de prés...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme A... C..., veuve B..., a demandé successivement au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation des arrêtés des 31 janvier et 3 février 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours avec obligation de présentation.

Par un jugement n° 2300730, 2300804 du 15 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions à fin d'annulation de la décision du 31 janvier 2023 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions accessoires dont elles sont assorties et, d'autre part, a annulé l'arrêté du 3 février 2023 en tant qu'il oblige les enfants mineurs de Mme B... à l'accompagner lorsqu'elle satisfait à son obligation de présentation, enfin, a rejeté le surplus des conclusions des demandes de Mme B....

Par un jugement n° 2300730 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 31 janvier 2023 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions accessoires dont elles sont assorties.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023, sous le n° 23NC02445, Mme A... C..., veuve B..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300730, 2300804 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 15 février 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète du Bas-Rhin du 31 janvier 2023 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France pendant un an ;

3°) d'annuler la décision de la préfète du Bas-Rhin du 3 février 2023 portant assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de prendre toute mesure utile afin qu'il soit procédé à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;

5°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que, pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que la préfète du Bas-Rhin n'a pas tenu compte de la durée de son séjour, de la scolarisation de ses deux enfants mineurs et de la mesure d'assistance éducative en cours les concernant ;

- la décision lui interdisant le retour en France pendant un an est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a fixé le point de départ du délai d'un an à la date de la notification de la décision en litige et non pas à la date de l'exécution de la mesure d'éloignement, d'autre part, a justifié cette mesure d'interdiction par la menace à l'ordre public que représenterait, non pas sa présence en France, mais celle de son fils aîné ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2023, sous le n° 23NC03123, Mme A... C..., veuve B..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300730 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 avril 2023 ;

2°) d'annuler la décision de la préfète du Bas-Rhin du 31 janvier 2023 portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette décision méconnaît également les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par les ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC02445 et n° 23NC03123, présentées pour Mme A... C..., veuve B..., concernent la situation d'une même ressortissante étrangère au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Mme B... est une ressortissante géorgienne, née le 9 juin 1984. Elle a déclaré être entrée en France le 8 mars 2018 sous couvert d'un passeport biométrique, accompagnée de son époux, aujourd'hui décédé, et de ses deux fils mineurs, nés les 22 juin 2006 et 22 octobre 2008. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 janvier 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 16 juillet 2019. Le réexamen de cette demande d'asile a également été rejeté pour irrecevabilité par l'office et par la cour les 13 avril et 31 août 2021. Le 26 juillet 2019, la requérante a sollicité son admission au séjour en qualité de parent étranger d'un enfant mineur malade. A la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 juin 2020, le préfet de la Moselle a, le 14 août 2020, refusé de faire droit à cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. L'intéressée n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement et elle a sollicité, le 21 décembre 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 31 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an. Par un autre arrêté du 3 février 2023, elle a également prononcé son assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg de demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 31 janvier et 3 février 2021. Elle relève appel des jugements n° 2300730, 2300804 du 15 février 2023 et n° 2300730 du 4 avril 2023, qui se bornent à annuler l'arrêté du 3 février 2021 en tant qu'il oblige ses enfants mineurs à l'accompagner lorsqu'elle satisfait à son obligation de présentation et rejettent le surplus des conclusions de ses demandes.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est arrivée en France le 8 mars 2018 à l'âge de trente-quatre ans. Elle a fait l'objet, le 14 août 2020, d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. En dehors de ses deux fils mineurs, elle ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle sur le territoire français et n'établit pas être isolée dans son pays d'origine. Si elle fait valoir que sa famille a été ébranlée à la suite du décès brutal de son époux le 16 juillet 2019, que ses deux fils sont scolarisés et bénéficient, depuis le 11 février 2022, d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert ordonnée par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Strasbourg et qu'elle est bénévole au sein d'une association à caractère humanitaire, de telles circonstances ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Géorgie, ni que les enfants de la requérante se trouveraient dans l'impossibilité d'y poursuivre leur scolarité. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations, de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se bornent à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

7. Eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme B... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

8. En quatrième et dernier lieu, pour les motifs exposés précédemment, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin, en refusant de l'admettre au séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, ce dernier moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de Mme B....

10. En deuxième lieu, la requérante ne saurait utilement, pour contester la légalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre, invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen ainsi articulé doit être écarté comme inopérant.

11. En troisième et dernier lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, Mme B... ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin ne pouvait légalement prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. "

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas tenu compte de la durée du séjour de la requérante, de la scolarisation de ses fils et de la mesure d'assistance éducative les concernant. Nonobstant ces circonstances et alors que l'intéressée s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, la préfète n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen ne peut donc être accueilli.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

15. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

16. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

17. Si Mme B... fait valoir qu'elle risque d'être exposée à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite et alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour en France :

18. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

19. En deuxième lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

20. Contrairement aux allégations de la requérante, la circonstance que la préfète du Bas-Rhin ait, à l'article 4 du dispositif de l'arrêté du 31 janvier 2023, prononcé, à compter de la notification de cet arrêté, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an n'implique pas qu'une telle mesure, en méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, produise ses effets avant l'exécution de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

21. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

22. Pour justifier l'interdiction faite à Mme B... de retourner sur le territoire français pendant un an, la préfète du Bas-Rhin a retenu que l'intéressée est entrée irrégulièrement en France, qu'elle s'est soustraite à de précédentes mesures d'éloignement, qu'elle ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France, qu'elle a fait preuve d'un comportement agressif et violent à l'égard des usagers et du personnel de la structure d'hébergement qu'elle occupe indûment et qu'elle ne fait valoir aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle au prononcé de la décision en litige. Si la requérante fait valoir que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur de droit en justifiant l'interdiction litigieuse par la menace pour l'ordre public que représente, non pas sa présence en France, mais celle d'un de ses fils, il résulte de l'instruction que l'autorité administrative aurait pris la même mesure si elle s'était fondée uniquement sur les autres éléments qu'elle a mentionnés. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

23. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions de la préfète du Bas-Rhin des 31 janvier et 3 février 2023, portant la première refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France d'un an et, la seconde, assignation à résidence, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée et la formation collégiale du tribunal administratif de Strasbourg ont rejeté ses conclusions dirigées contre ces décisions. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., veuve B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°s 23NC02445 et 23NC03123 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02445
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23nc02445 ?
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