La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/05/2024 | FRANCE | N°23NC01739

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 14 mai 2024, 23NC01739


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 6 décembre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour en France d'un an et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
<

br>

Par un jugement n° 2208175 du 20 décembre 2022, la magistrate désignée par le présid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 6 décembre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour en France d'un an et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2208175 du 20 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 2 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208175 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 20 décembre 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 6 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- les décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, interdiction de retour en France pendant un an et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est un ressortissant algérien né le 4 mai 1975. Il a déclaré être entré en France, le 12 juillet 2019, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 décembre 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 5 mars 2020. L'Office ayant, le 30 juillet 2020, déclaré irrecevable le réexamen de cette demande, sollicité par l'intéressé le 24 juillet 2020, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 18 décembre 2020, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à laquelle il n'a pas déféré. Puis, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 mars 2021, elle a également indiqué, dans un courrier daté du 22 avril 2021, que le requérant ne pouvait pas se prévaloir de la protection contre l'éloignement institué par les dispositions, alors applicables, du 9° du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... a, le 5 décembre 2022, fait l'objet d'un contrôle d'identité par les forces de l'ordre et a été placé en garde à vue pour des faits de faux et d'usage de faux. Par deux arrêtés du 6 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour en France d'un an et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 6 décembre 2022. Il relève appel du jugement n° 2208175 du 20 décembre 2022, qui rejette cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

3. M. B... fait valoir qu'il souffre d'un diabète insulino-dépendant déséquilibré de type 1, de plusieurs affections oculaires chroniques pouvant conduire à une perte de la vision, d'un trouble de la personnalité, d'une hernie discale, d'hypertension artérielle et d'hypercholestérolémie et que ces diverses pathologies graves et invalidantes nécessitent un suivi médical régulier par des médecins spécialistes. Toutefois, alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que l'état de santé du requérant se serait dégradé ou aurait évolué significativement depuis cette date, il résulte de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 mars 2021 que, si cet état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. En se bornant à produire des documents généraux sur les insuffisances de l'offre de soins en Algérie, notamment dans le domaine de la santé mentale, ainsi que des certificats médicaux décrivant ses pathologies et les traitements mis en œuvre, M. B... ne remet pas sérieusement en cause l'appréciation ainsi portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, alors notamment qu'en admettant que le neuroleptique utilisé dans son le traitement de son trouble de la personnalité ne serait pas disponible en Algérie, il ne démontre pas son impossibilité à bénéficier, sur le territoire algérien, d'un médicament de substitution de classe thérapeutique équivalente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

4. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France, le 12 juillet 2019, à l'âge de quarante-quatre ans et qu'il justifiait à la date de la décision en litige d'une durée de séjour d'un peu plus de trois ans. Il a fait l'objet, le 18 décembre 2020, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Divorcé et père de deux enfants dont il n'assume pas la charge, il ne démontre pas posséder des attaches familiales ou même personnelles en France. Il n'établit pas davantage être isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment ses enfants, ses parents, trois frères et une sœur. S'il verse aux débats des bulletins de paie, des contrats et des certificats de travail en qualité d'agent de service, ainsi que des attestations faisant état de son investissement bénévole dans des associations caritatives et de sa participation à des cours ou à des ateliers de français, ces seuls éléments ne sont pas de nature à faire obstacle à la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite et alors que l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause ne peut qu'être écarté.

6. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que précédemment, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, il y a lieu d'écarter ce dernier moyen.

En ce qui concerne les décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, interdiction de retour en France pendant un an et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours :

7. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 6 décembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°23NC01739 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01739
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23nc01739 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award