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13/05/2024 | FRANCE | N°21NC02257

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 13 mai 2024, 21NC02257


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Obernai Locations a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, d'une part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes réclamés au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013

, 2014 et 2015.



Par un jugement no 2004911 du 8 juin 2021, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Obernai Locations a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, d'une part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes réclamés au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement no 2004911 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, la société Obernai Locations, représentée par Me Ferretti et Me Heinrich du cabinet Adven, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et majorations contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dépenses de frais de réception étant des charges engagées dans l'intérêt de la société, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ne sont pas fondés ;

- les frais de réception, justifiés par des tableaux accompagnés des justificatifs originaux et les copies des agendas de Mme A... et engagés principalement en vue de maintenir de bonnes relations avec le client primordial de la société, présentent un intérêt pour la société ;

- la position de l'administration est contraire aux doctrines administratives référencées BOI-BIC-CHG-10-20-20 n° 50 du 19 mai 2014 et BOI-BNC-BASE-40-60-60 n° 10 du 1er février 2017 ;

- les dépenses de cadeaux, qui ont principalement concerné son client primordial et présentent des montant modiques au regard du chiffre d'affaires réalisé avec cette société, ont été effectuées dans l'intérêt de la société ;

- conformément à la documentation administrative BOI-BIC-CHG-40-60-30 n° 20 et n° 30, le service aurait dû, avant de demander à l'entreprise de justifier que les dépenses avaient été exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation, faire la démonstration du caractère excessif des dépenses de cadeaux ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause les indemnités kilométriques, dès lors qu'il est justifié que les déplacements effectués par Mme A... l'ont été dans l'intérêt de l'exploitation et ont un caractère professionnel ;

- il est justifié, par les pièces produites, de la réalité des déplacements professionnels des salariés justifiant la déduction de l'intégralité des indemnités de grands déplacements versées ;

- conformément à la doctrine administrative BOI-BIC-CHG-10-20-20, n° 50, l'administration ne peut pas rejeter systématiquement la déduction des frais de voyages et de déplacements au seul motif que leur montant n'est pas justifié par la production de documents formant preuve certaine ;

- c'est à tort que l'administration a réintégré des primes d'assurances pour le véhicule Audi Q5 à hauteur de 1 620 euros pour chacun des exercices, dès lors, d'une part, que le contrat couvrait toute la flotte des véhicules de la société sans surcoût pour ce véhicule et, d'autre part, que ce montant devrait être limité à 745 euros ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux frais de réception n'étant pas fondés, la réintégration dans les bénéfices imposables d'un profit sur le Trésor ne l'est pas non plus ;

- les rehaussements contestés n'étant pas fondés, les intérêts de retard et la majoration de 10 % mise à sa charge en application de l'article 1728 du code général des impôts doivent être déchargés ;

- l'administration n'établissant pas l'intention délibérée d'éluder l'impôt, la majoration de 40 % n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Obernai Locations ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Obernai Locations exerce une activité de transport routier interurbain. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015. Par une proposition de rectification du 23 août 2016, le service a, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant, d'une part, à des insuffisances de taxe collectée sur la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 et à la remise en cause de la taxe déduite à raison de factures de réparation d'un véhicule particulier ainsi que de frais de réception et de cadeaux non engagés dans l'intérêt de la société. Le service a, d'autre part, procédé à la réintégration dans les bénéfices de la société d'un profit sur le Trésor correspondant aux droits de taxe sur la valeur ajoutée éludés ainsi que charges non justifiées ou non engagées dans l'intérêt de la société. Enfin, le service a mis à la charge de la société, selon la procédure de taxation d'office, la taxe sur les véhicules de sociétés à raison d'un véhicule acquis le 18 janvier 2013. Le service a maintenu l'intégralité des rehaussements en réponse aux observations présentées par la société Obernai Locations, qui avait accepté le principe de certains d'entre eux. Elle a bénéficié de deux entretiens dans le cadre du recours hiérarchique et a sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dont l'avis émis le 29 janvier 2018 était favorable au maintien des rappels. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de société ont été mis en recouvrement, en droits et majorations, le 22 novembre 2017 pour un montant de 28 905 euros. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mises en recouvrement, en droits et majorations, pour un montant de 62 223 euros. La réclamation préalable formée par la société, qui portait sur l'intégralité des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés mais dont le quantum était limité, pour ce qui est des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, à 2 410 euros en droits et à 1 224 euros en pénalités, a été rejetée par une décision du 15 juin 2020. La société Obernai Locations relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces mêmes impositions et majorations.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les charges remises en cause :

2. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause, au titre des charges non justifiées ou non engagées dans l'intérêt de la société, la déduction opérée d'indemnités kilométrique, de primes d'assurances, de frais de réception et de cadeaux à la clientèle ainsi que d'allocations forfaitaires versées à certains personnels au titre d'indemnités de grands déplacements, et a rehaussé les bénéfices imposables de la société Obernai Locations en conséquence. Elle a par ailleurs remis en cause la déduction opérée de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais de réception et de cadeaux au motif que ces frais n'avaient pas été engagés pour la réalisation d'opérations imposables.

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

Quant au cadre juridique et notamment à la charge de la preuve :

3. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. (...) ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'œuvre (...). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. / (...). / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) ; b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes [les mieux rémunérées] ; (...) ; e) Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité ; f) Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. / Pour l'application de ces dispositions, les personnes les mieux rémunérées s'entendent, suivant que l'effectif du personnel excède ou non 200 salariés, des dix ou des cinq personnes dont les rémunérations directes ou indirectes ont été les plus importantes au cours de l'exercice. / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ".

4. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

5. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

6. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

7. D'autre part, aux termes de l'article 168 de la directive du 28 novembre 2006, ci-dessus visée, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti a le droit, dans l'Etat membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants: / a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée dans cet Etat membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa version applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au même code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe prescrit que : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) / IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise ; (...) ; 3° Lorsque le bien est cédé sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à son prix normal, notamment à titre de commission, salaire, gratification, rabais, bonification, cadeau, quelle que soit la qualité du bénéficiaire ou la forme de la distribution, sauf quand il s'agit de biens de très faible valeur. Un arrêté du ministre chargé du budget en fixe la valeur maximale ; (...) ". Il résulte de ces dispositions applicables à compter du 1er janvier 2008 que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent n'est déductible que si ceux-ci sont utilisés pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise qu'il doit être apprécié si des charges assumées par une société correspondent aux besoins de son exploitation.

8. Lorsque l'administration, sur le fondement des dispositions ci-dessus rappelées au point 7, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service n'était pas acquis pour les besoins de l'exploitation. Cependant, si elle conteste la déductibilité de la taxe au motif que les frais ont été engagés au profit d'un tiers, il appartient dans ce cas au contribuable d'apporter les éléments de nature à combattre la preuve apportée par l'administration.

Quant aux frais de réception et cadeaux à la clientèle :

9. En premier lieu, l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations des frais de réception, pour les sommes de 6 944,31 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2013, de 9 065,76 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2014 et de 11 685,49 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2015, que la société avait déduits dans ses charges, et rappelé le montant de taxe sur la valeur ajoutée correspondant. Elle a relevé que les factures de restaurant ne comportant pas l'indication des personnes invitées, celles annotées " personnel " et celles correspondant à des repas pris les week-ends ou les jours fériés notamment, ou comportant des anomalies sur le nombre d'invités ne permettaient pas d'attester l'engagement des frais de réception dans l'intérêt de l'entreprise et pour la réalisation d'opérations imposables. La société requérante, qui avait produit devant les premiers juges, des factures annotées du nom des personnes conviées au restaurant présente désormais, pour la première fois à hauteur d'appel, des copies de ce qu'elle présente comme étant les agendas de Mme A... pour les années 2013 à 2015. Toutefois, à supposer même que les mentions qui y figurent, peu précises, soient cohérentes avec les indications manuscrites portées sur les factures ainsi qu'avec les tableaux justificatifs de frais élaborés par la société dans le cadre de sa réclamation préalable, ces éléments, qui au demeurant n'ont pas été présentés lors du contrôle mais ont été produits près de cinq années après la proposition de rectification, ne permettent ni d'établir le caractère professionnel de ces frais ni la réalité de la contrepartie attendue par la société. La circonstance alléguée que la majorité des frais engagés l'aurait été en faveur des dirigeants du principal client de la société Obernai Locations, que le caractère fréquent des invitations relèverait d'une pratique courante dans le domaine du BTP et que le montant des frais déduits serait dérisoire par rapport au chiffre d'affaires réalisé avec ledit client n'est pas plus de nature à établir l'existence de cette contrepartie. Par suite, c'est à juste titre que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais de réception contestés et a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations le montant des charges qu'elle avait déduites.

10. En deuxième lieu, l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations les frais de cadeaux à la clientèle, pour les sommes de 8 052,91 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2013, de 14 456,54 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2014 et de 15 237,52 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2015, que la société avait déduits dans ses charges, et rappelé le montant de taxe sur la valeur ajoutée correspondant. Elle a retenu qu'un certain nombre des factures présentées pour les exercices 2013 et 2014 comportaient des indications insuffisamment précises quant au bénéficiaire exact des cadeaux tandis qu'aucun bénéficiaire n'avait été désigné, au cours des opérations de contrôle, pour les dépenses de cadeaux déduites au titre de l'exercice 2015 et une partie de celles déduites au cours de l'exercice 2014.

11. D'une part, la société Obernai Locations ne produit aucune pièce pour justifier de l'intérêt à prendre en charge des dépenses de cadeaux à des clients au cours de l'exercice clos en 2015. D'autre part, pour les deux autres exercices en litige, elle se borne à renvoyer aux tableaux récapitulatifs déjà produits lors de la réclamation préalable et aux annotations portées sur les factures présentées, à soutenir que la majorité des frais en litige visait à s'assurer de la fidélité de son client " primordial ", avec lequel elle réalise 90 % de son chiffre d'affaires, et à se prévaloir du caractère modique des sommes concernées au regard de ce même chiffre d'affaires. Elle ne présente toutefois aucun élément de nature à justifier, pour chacune des dépenses engagées, de l'intérêt direct qu'il y avait, pour son activité présente ou future, à financer ces cadeaux. Par suite, c'est à juste titre que le service a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations le montant des dépenses de cadeaux qu'elle avait déduites.

12. En dernier lieu, il ressort de la proposition de rectification que l'administration a constaté que l'expert-comptable de la société Obernai Locations avait, de lui-même, procédé à la réintégration d'une somme de 14 019 euros sur la ligne " dépenses somptuaires " au titre de l'exercice clos le 31 mars 2015, compte tenu du montant important des frais de réception et de cadeaux déduits en charge. Il avait indiqué que cette somme incluait un montant de 3 000 euros de commissions sur affaires correspondant à une facture du 25 août 2013 qu'il considérait comme suspecte. L'administration a toutefois considéré que la réintégration de 14 019 euros concernait uniquement les dépenses de réception et de cadeaux et a, par conséquent, minoré d'autant le montant hors taxe des charges réintégrées qui s'est ainsi établi à 12 904 euros au lieu de 26 923 euros. La société requérante, qui se borne à critiquer la position de son expert-comptable, n'est pas fondée à se plaindre de l'analyse de l'administration qui lui est entièrement favorable quant au montant du redressement lié à la remise en cause des charges de réception et de cadeaux, tandis qu'aucun redressement n'est intervenu relativement à la facture de 3 000 euros.

Quant aux indemnités kilométriques :

13. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations des indemnités kilométriques inscrites en charges à hauteur de 3 550 euros au titre de l'exercice clos en 2013, de 2 650 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 6 078 euros au titre de l'exercice clos en 2015. Alors que la société contrôlée indiquait que ces frais avaient été engagés principalement pour des déplacements réalisés par Mme A... avec son véhicule Audi Q5, le service a noté qu'aucune pièce n'avait été produite pour justifier des déplacements professionnels au titre des deux premiers exercices contrôlés tandis que, s'agissant de l'exercice clos en 2015, l'administration relevait l'absence d'application du barème au nombre de kilomètres prétendument réalisés et, pour le surplus, les incohérences dans les données présentées dans le tableau produit par la société quant au nombre de trajets réalisés ainsi que l'absence de concordance avec le tableau des frais de restaurant. En se bornant à produire, pour la première fois à hauteur d'appel, les agendas dont il est indiqué qu'ils seraient ceux de Mme A... pour la période en litige, sans aucune corrélation avec les tableaux de frais kilométriques qui ne sont au demeurant pas produits à l'instance, la société Obernai Locations ne justifie aucunement de la réalité des déplacements que l'intéressée aurait été amenée à réaliser à telle ou telle date dans le cadre de son emploi salarié. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à remettre en cause la réintégration dans ses bénéfices des indemnités kilométriques litigieuses.

Quant aux primes d'assurances :

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations des cotisations d'assurances du véhicule Audi Q5 appartenant à Mme A.... En l'absence de tout autre document contractuel produit, l'administration a fixé le montant réintégré au titre de chacun des exercices en litige à 1 620 euros en se fondant sur la mention qui, sur le contrat d'assurance des véhicules de la société, tel que produit par la société au cours du contrôle, isolait la cotisation propre à ce véhicule. D'une part, si la société requérante soutient que le contrat d'assurance en vigueur depuis juillet 2012 couvrait toute la flotte des véhicules de la société et n'engendrait aucun surcoût pour le véhicule Audi Q5, elle ne produit aucun document permettant de remettre en cause le document précité dont l'administration a tenu compte. D'autre part, la circonstance qu'une autre société d'assurance a assuré le véhicule de Mme A... pour un montant de 745 euros au titre de l'année 2017, après application au demeurant d'une réduction de bonus 50%, est sans incidence sur le montant réintégré dans les bénéfices des exercices 2013, 2014 et 2015 tel que déterminé par l'administration fiscale. Par suite, la société Obernai Locations n'est pas fondée à remettre en cause la réintégration des cotisations d'assurances pratiquée par le service.

Quant aux indemnités de " grands déplacements " :

15. L'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations les indemnités de " grands déplacements " versées à certains de ses salariés et inscrites en charges à hauteur de 28 697 euros au titre de l'exercice clos en 2013, de 33 725 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 39 642 euros au titre de l'exercice clos en 2015. Elle a retenu que les documents produits pour justifier de la réalité de ces charges et de leur déductibilité étaient incomplets et ne permettaient pas, par recoupement des informations relatives aux trajets effectués, d'établir que les salariés n'étaient pas en mesure de regagner leur domicile et qu'ils avaient été contraints d'engager des frais supplémentaires à l'occasion de ces déplacements. S'agissant des indemnités versées au gérant de la société, sur une base forfaitaire, l'administration a insisté sur la discordance entre le nombre de déplacements comptabilisés et ceux que la société tentait de justifier, sur l'incomplétude des justificatifs et sur le fait que certains déplacements étaient inférieurs à 50 kilomètres.

16. D'une part, la société Obernai Locations ne produit aucun élément pour établir la réalité des grands déplacements qu'elle a comptabilisés en charges au titre de l'exercice clos le 31 mars 2013. D'autre part, le nombre de " grands déplacements " figurant sur les tableaux présentés est inférieur au nombre des grands déplacements indemnisés, tels qu'inscrits en comptabilité, la différence s'élevant à 267 déplacements pour l'exercice clos en 2014 et à 219 pour l'exercice clos en 2015. Enfin, s'agissant des justificatifs produits, les indications relatives à la destination du déplacement, dont il y a lieu de constater qu'il s'agit principalement de lieux situés en Alsace, et à l'amplitude horaire de travail du chauffeur, ne permettent pas, en l'absence de toute autre précision, de justifier de la réalité de tous les grands déplacements allégués, ni de la déductibilité de l'intégralité des indemnités versées en compensation aux salariés. Par suite, c'est à juste titre que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé cette prestation et a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations le montant de la charge qu'elle avait déduite.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi :

17. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " (...). / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

18. D'une part, la société Obernai Locations ne saurait, pour contester la réintégration des dépenses de cadeaux dans ses bénéfices, se prévaloir du paragraphe n° 20 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-60-30 du 12 septembre 2012, qui ne comporte pas d'interprétation différente de la loi fiscale que celle dont il a été fait application ci-dessus.

19. D'autre part, la société requérante ne saurait se prévaloir de la doctrine exprimée dans la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-60-30 du 12 septembre 2012, n° 30, qui est relative à la charge de la preuve et donc à la procédure contentieuse et ne constitue pas dès lors une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A précité.

20. Enfin, pour remettre en cause la réintégration des indemnités de " grands déplacements " qu'elle a également déduites de ses charges, la société Obernai Locations ne saurait davantage se prévaloir du paragraphe 50 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014, qui ne comporte pas d'interprétation différente de la loi fiscale que celle dont il a été fait application ci-dessus.

En ce qui concerne le profit sur le Trésor :

21. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration fiscale a mis à la charge de la SARL Obernai Locations les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le service ne pouvait constater l'existence, à hauteur du montant de ces rappels, d'un profit sur le Trésor et réintégrer ce dernier dans son résultat imposable.

Sur les pénalités :

22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le bien-fondé des rehaussements contestés ayant été établi, la société Obernai Locations n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard, non plus que des majorations de 10 %, ayant assorti les impositions en litige.

23. En deuxième et dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

24. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré à raison des charges déduites à tort, l'administration a retenu que le caractère répété de la prise en charge par la société de dépenses de frais de réception et de cadeaux, d'indemnités kilométriques et de cotisations d'assurances pour le véhicule de son épouse ainsi que le versement d'indemnités de grands déplacements, qui, soit n'ont pas été justifiés, soit n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise. L'administration a notamment retenu qu'une partie significative de ces frais déduits à tort avaient été engagée au profit du gérant de la société, ainsi que de son épouse, et que la société ne pouvait pas ignorer que ces charges ne se rattachaient pas à une gestion normale. Elle établit ainsi l'intention délibérée de la société d'éluder l'impôt. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti les rectifications procédant de la remise en cause des charges déduites du résultat et de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Obernai Locations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Obernai Locations est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Obernai Locations et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 21NC02257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02257
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;21nc02257 ?
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