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13/05/2024 | FRANCE | N°21NC02256

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 13 mai 2024, 21NC02256


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.



Par un jugement no 2004909 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête, enregistrée le 5 août 2021, M. A..., représenté par Me Ferretti et Me Heinrich du cabinet Adven, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement no 2004909 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, M. A..., représenté par Me Ferretti et Me Heinrich du cabinet Adven, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration ne pouvait pas retenir l'existence de revenus distribués sur le fondement de l'article 109, 1-1° du code général des impôts, dès lors que la société Obernai Locations a justifié que les indemnités de grand déplacement qu'elle lui avait versées étaient des charges déductibles au regard de l'article 39, 1. du code général des impôts ;

- l'administration ne pouvait pas remettre en cause la déductibilité comme charges des indemnités de " grands déplacements " versées en opposant les conditions définies au 1° de l'article 81 du même code, qui sont relatives à l'exonération d'impôt sur le revenu ;

- conformément à la doctrine administrative BOI-BIC-CHG-10-20-20, n° 50, l'administration ne peut pas rejeter systématiquement la déduction des frais de voyages et de déplacements au seul motif que leur montant n'est pas justifié par la production de documents formant preuve certaine ;

- les contributions sociales, qui sont la conséquence du redressement en matière de revenus distribués, seront déchargées ;

- les intérêts de retard seront déchargés par voie de conséquence ;

- l'intention d'éluder l'impôt, retenue par le service pour appliquer la pénalité pour manquement délibéré, n'est pas démontrée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Obernai Locations, dont M. A... est salarié, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015, au terme de laquelle l'administration fiscale a rehaussé ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés en y réintégrant, notamment, les montants d'indemnités de " grand déplacement " qui lui ont été versés, dont elle a considéré qu'il s'agissait de charges non justifiées. Par une proposition de rectification du 25 août 2016, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a porté à la connaissance de M. A... ces constats effectués à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL Obernai Locations et a imposé comme revenus distribués, sur le fondement des dispositions du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts, la part du bénéfice rehaussé de la société que le salarié avait appréhendée. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises en recouvrement, le 30 avril 2018, pour des montants respectifs de 5 052 euros et de 996 euros, en droits et pénalités, au titre des années 2014 et 2015. Par une décision du 15 juin 2020, l'administration fiscale a partiellement admis la réclamation préalable formée par l'intéressé, en lui accordant un dégrèvement partiel, à hauteur de 506 euros en droits et pénalités, des contributions sociales mises à sa charge de ces deux années, et a rejeté le surplus de sa réclamation. M. A... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires mises à sa charge.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

Quant à la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que M. A... a présenté des observations le 25 octobre 2016, soit au-delà du délai de trente jours qui lui était imparti dans la proposition de rectification du 25 août 2016, notifiée le 29 août 2016. Dès lors, par application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à M. A... de démontrer le caractère exagéré des impositions et notamment du montant des revenus distribués tels qu'ils ont été évalués par l'administration.

Quant aux indemnités de grand déplacement perçues :

4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

5. Au cours de la vérification de comptabilité de la SARL Obernai Locations, l'administration fiscale a réintégré dans les bénéfices imposables de la société au titre de l'exercice clos le 31 mars 2015 un montant de 9 046,95 euros de charges correspondant à cent soixante-cinq indemnités de " grands déplacements ", comptabilisées à raison de cent trente en 2014 et de trente-cinq en 2015, dont il n'est pas contesté qu'elles ont effectivement été versées à M. A.... Pour remettre en cause l'intérêt pour la société du versement de ces allocations forfaitaires, l'administration avait retenu que les pièces produites, s'agissant de la situation de M. A... en particulier, étaient incomplètes et ne permettaient pas d'établir le caractère de " grands déplacements " aux jours indiqués.

6. En premier lieu, M. A... se prévaut des tableaux établis par la société Obernai Locations pour justifier de la déductibilité comme charges des allocations forfaitaires versées à ses salariés. D'une part, il ressort de ces éléments que le nombre de déplacements accomplis par M. A..., dont la société a cherché à établir la réalité, à savoir cent douze déplacements en 2014 et dix-sept déplacements en 2015 est inférieur aux cent soixante-cinq déplacements comptabilisés ayant donné lieu à l'indemnisation en litige. D'autre part, les indications qui figurent sur ces tableaux, à savoir la destination du déplacement, dont il y a lieu de constater qu'il s'agit principalement de lieux situés en Alsace, et l'amplitude horaire de travail, ne permettent pas, en l'absence de toute autre précision, de justifier que le salarié n'aurait pas été en mesure, aux dates indiquées, de regagner son domicile ni qu'il aurait engagé des frais d'hôtel et de repas à l'occasion de ses déplacements. Par suite, M. A... n'établit pas la réalité des cent vingt-neuf " grands déplacements " contestés pour lesquels il a perçu des allocations forfaitaires.

7. En deuxième lieu, compte tenu des éléments retenus par l'administration pour considérer que les indemnités de " grand déplacement " comptabilisées n'avaient pas été engagées dans l'intérêt direct de la société Obernai Locations et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le service pouvait remettre en cause la déductibilité de ces charges en application de l'article 39 du code général des impôts et considérer que les sommes réintégrées dans les bénéfices imposables de la société constituaient, à hauteur des montants versés à M. A..., des revenus distribués au sens des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. C'est ainsi à bon droit que l'administration a imposé ces indemnités en tant que revenus de capitaux mobiliers, et non comme compléments de salaires. Contrairement à ce que le requérant soutient, l'administration n'a, d'ailleurs, pour fonder le redressement en litige, pas mis en œuvre les critères de l'article 81-1° du même code, dont les dispositions sont relatives à l'exonération des allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à l'emploi.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi :

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " (...). / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

9. M. A... n'est pas fondé à se prévaloir du paragraphe 50 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014, qui ne comporte pas d'interprétation différente de la loi fiscale que celle dont il a été fait application ci-dessus.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a imposé comme revenus distribués sur le fondement du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts les indemnités de grand déplacement litigieuses attribuées à M. A... et en a réintégré le montant dans les bénéfices de la société Obernai Locations.

En ce qui concerne les contributions sociales :

11. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à demander la décharge des contributions sociales dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été assorties.

Sur les pénalités :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit relativement au bien-fondé de l'imposition contestée, M. A... n'est pas fondé à demander la décharge des intérêts de retard dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été assorties.

13. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

14. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu que les distributions dont M. A... a été le bénéficiaire proviennent d'un rehaussement des résultats de la société Obernai Locations, dont il est le salarié, à raison de charges non justifiées. Elle a également relevé que l'intéressé ne pouvait ignorer qu'il avait bénéficié d'allocations forfaitaires pour " grand déplacement " dont le caractère professionnel ne pouvait être démontré et qu'il convenait de déclarer ces avantages personnels à l'impôt sur le revenu. Contrairement à ce que M. A... soutient, l'administration établit, par ces motifs, son intention délibérée d'éluder l'impôt à raison des sommes reçues de son employeur. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 21NC02256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02256
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;21nc02256 ?
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