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30/04/2024 | FRANCE | N°23NC01239

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 avril 2024, 23NC01239


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.





Par un jugement n° 2202827 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.


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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 21 avril 2023, Mme D..., représentée par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

Par un jugement n° 2202827 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2023, Mme D..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juillet 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 février 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chebbale, avocat de Mme D..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans la mesure où elle aurait dû bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ;

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant.

Une mise en demeure a été adressée le 8 janvier 2024 à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante géorgienne née le 20 août 1991, qui, selon ses déclarations, serait entrée en France le 25 juin 2021, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 7 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme D... relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est mariée, depuis le

17 septembre 2021, avec M. D..., ressortissant géorgien qui dispose d'une carte de résident, en qualité de réfugié, valable jusqu'au 4 septembre 2026. Une fille, A..., est née le 1er avril 2022, de leur union. Toutefois, Mme D... n'établit pas résider sur le territoire français à une date antérieure au mois de septembre 2021. En outre, les parents et le frère de Mme D... résident en Géorgie. Par suite, compte tenu de la faible durée de présence de Mme D... sur le territoire français à la date de la décision contestée, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Dans la mesure où l'enfant de Mme D... n'était, à la date de la décision contestée, pas encore né, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est sans incidence sur la légalité de la décision prise par la préfète du Bas-Rhin. Un tel moyen doit donc être écarté comme inopérant. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant de délivrer un titre de séjour qui n'a pas pour objet ou pour effet de séparer l'enfant de Mme D... de ses parents, aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées.

6. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, et en dépit de l'inscription de Mme D... à l'institut international des études françaises, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de Mme D....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la décision de refus de séjour serait illégale. Par suite, Mme D... n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne peut légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

9. Ainsi qu'il vient d'être dit, Mme D... ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit sur le fondement des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que Mme D... ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ne peut dès lors qu'être écarté.

10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment au point 3 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme D.... De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision d'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme D....

11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, compte tenu de la date de naissance de l'enfant de Mme D..., doit être écarté comme inopérant. Toutefois, la naissance de l'enfant de Mme D..., bien que postérieure à la décision contestée, fait obstacle à ce que la mesure d'éloignement soit exécutée compte tenu du risque que l'enfant soit séparé de l'un de ses deux parents.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, dans la mesure où il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, Mme D... n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... D..., époux de Mme D..., a obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié par une décision de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides du 16 septembre 2015 au regard des risques encourus en Géorgie. Dans ces conditions, compte tenu de l'impossibilité pour les époux de poursuivre leur vie familiale en Géorgie, la décision, en tant qu'elle fixe le pays dont Mme D... a la nationalité, à savoir la Géorgie, comme pays de renvoi doit être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la décision par laquelle la préfète du Bas-Rhin a fixé la Géorgie comme pays à destination duquel Mme D... pourra être renvoyée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En revanche, eu égard à la naissance postérieure à la décision attaquée de son enfant, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est inopérant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la préfète du Bas-Rhin a fixé la Géorgie comme pays à destination duquel Mme D... pourra être renvoyée.

Sur l'injonction et l'astreinte :

16. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune des mesures d'exécution sollicitées par la requérante. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2202827 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a fixé la Géorgie comme pays de renvoi est annulé.

Article 2 : La décision du 7 février 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a fixé la Géorgie comme pays à destination duquel Mme D... pourra être renvoyée est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à Me Chebbale et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC01239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01239
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23nc01239 ?
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