Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... née C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2204406 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Kling, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a été victime de violences conjugales de la part de son époux ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... née C..., ressortissante marocaine est entrée sur le territoire français le 6 février 2020 sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour valable jusqu'au 22 avril 2020 et délivré au titre du regroupement familial en raison de son mariage le 14 décembre 2017 avec M. B..., ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024. Le 22 septembre 2020, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour vie privée et familiale en tant que conjointe au titre du regroupement familial. Par un arrêté du 13 juin 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme B... née C... fait appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
S'agissant du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Quelle que soit la date à laquelle ils ont été admis au titre du regroupement familial sur le territoire de l'un ou de l'autre Etat, le conjoint des personnes titulaires des titres de séjour et des autorisations de travail mentionnés aux articles précédents ainsi que leurs enfants n'ayant pas atteint l'âge de la majorité dans le pays d'accueil sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes " et de l'article 9 de ce même accord, " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 423-18 du même code : " Lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ".
3. Si Mme B... née C... soutient avoir été victime de violences verbales et physiques de la part de son mari depuis son arrivée sur le territoire français le 6 février 2020 pour lesquelles elle a déposé plainte le 7 septembre suivant, que son mari serait dépendant à la cocaïne et au cannabis et souffrirait de troubles psychiatriques graves ayant conduit à son hospitalisation en hôpital psychiatrique à trois reprises, qu'elle a quitté le domicile conjugale pour ces motifs et est hébergée par l'association solidarités femmes 67 depuis le 22 décembre 2020, sa plainte qui au demeurant a été classée sans suite postérieurement à la décision attaquée, était toutefois en cours d'instruction à la date de la décision attaquée sans que les éléments versés au dossier en l'absence de photographies ou de certificats médicaux ne permettent d'établir la réalité des violences alléguées. Enfin, le courriel produit du 30 juillet 2022 comme émanant de son mari et reconnaissant les faits, accompagné d'une attestation d'un membre de l'association du 9 septembre suivant ne permettent pas d'établir la véracité de ses déclarations alors que M. B... née C... tant dans son audition du 7 juin 2021 par les services de police que lors de la procédure de divorce a toujours nié les faits. Par suite, Mme B... née C... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a méconnu l'article L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... née C... réside en France depuis seulement deux ans et quatre mois à la date de la décision attaquée, que les rapports de situation de l'association qui l'accompagne la décrivent comme relativement isolée et que l'intéressée soutient elle-même avoir maintenu des liens réguliers avec ses proches au Maroc alors qu'en revanche elle n'établit pas la réalité de liens affectifs intenses et stables en France. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance qu'elle travaille sous contrat à durée indéterminée en qualité d'hôtesse de caisse depuis le 28 juin 2021 et qu'elle parle parfaitement la langue française, Mme B... née C... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.
6. En troisième lieu, Mme B... née C... ne peut utilement invoquer les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 423-23 et L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées dès lors qu'elle n'a pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de ces articles et que la préfète ne les a pas examinés d'office. Le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut être accueilli.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision lui refusant le titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme B... née C... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée est écarté.
S'agissant de la fixation du pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que la décision lui refusant le titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, Mme B... née C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... née C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC00198