Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public Voies Navigables de France (VNF) a déféré au tribunal administratif de Strasbourg, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. C... B... et a demandé au tribunal de le condamner au versement d'une amende de 5 000 euros au titre de l'action publique et à la confiscation sans délai, à son profit, du bateau " Lotus " au titre de l'action domaniale, en application den l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques afin qu'elle puisse évacuer ce bateau en procédant à son déchirage.
Par jugement n° 2103147 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, condamné M. B... au paiement d'une amende de 6 000 euros et, d'autre part, a enjoint à M. B... de procéder sans délai à l'enlèvement du bateau " Le Lotus " du domaine public fluvial, sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, en cas d'inexécution passé un délai de six mois à compter de la notification du jugement, VNF étant autorisé à procéder d'office à l'enlèvement de ce bateau aux frais de M. B... et a rejeté le surplus des conclusions de VNF.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Munier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juillet 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire de Thionville ;
3°) de débouter VNF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
4°) de laisser les entiers frais et dépens à la charge de VNF.
Il soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour prononcer une contravention de grande voirie en raison de la convention conclue le 27 octobre 1956 entre le Grand-Duché de Luxembourg, la République fédérale d'Allemagne et la France qui a étendu le statut international du Rhin à une partie canalisée de la Moselle ; par conséquent les agents de VNF sont incompétents pour constater l'existence d'une contravention de grande voirie ;
- le bateau " Le Lotus " est scellé à la berge de la Moselle sur le ban de la commune de Thionville dont le maire lui a délivré un permis de construire ; ce permis de construire lui a conféré le droit d'amarrer le bateau à la berge et il n'est pas nécessaire qu'une autorisation d'occupation du domaine public fluvial lui soit délivrée ; l'action domaniale est par conséquent dépourvue de fondement.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2023, VNF, représenté par Me Caron, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue le 27 octobre 1956 entre le Grand-Duché de Luxembourg, la République fédérale d'Allemagne et la France relative à la canalisation de la Moselle ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'organisation judiciaire ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, présidente,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Betting, pour Voies navigables de France (VNF).
Considérant ce qui suit :
Sur la compétence du tribunal administratif de Strasbourg :
1. Aux termes de l'article L. 2132-24 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le tribunal administratif statue sur les contraventions de grande voirie concernant la conservation du domaine public fluvial (...) ". Aux termes de l'article 35 de la convention conclue le 27 octobre 1956 entre le Grand-Duché de Luxembourg, la République fédérale d'Allemagne et la France relative à la canalisation de la Moselle : " Les tribunaux pour la navigation de la Moselle sont compétents : /(1) en matière pénale pour instruire et juger toutes contraventions relatives à la navigation et à la police fluviale ; (2) en matière civile pour prononcer sommairement sur les contestations relatives : (...) b. aux dommages causés du fait de la navigation par les bateliers pendant le voyage ou en abordant ".
2. Si la navigation transfrontière de la Moselle entre Metz et la frontière luxembourgeoise est régie en application de l'article L. 4262- du code des transports par la convention conclue le 27 octobre 1956 entre le Grand-Duché de Luxembourg, la République fédérale d'Allemagne et la France, il résulte toutefois de l'instruction que les poursuites engagées par VNF à l'encontre de M. B... visent à la répression de l'occupation irrégulière du domaine public fluvial par le bateau " le Lotus " qui stationne sans autorisation d'occupation du domaine public fluvial depuis le 1er novembre 2014 en rive droite de la Moselle canalisée au lieu-dit " Promenade de la berge " sur le ban de la commune de Thionville au point kilométrique 268.150. Cette embarcation dont la coque a été bétonnée est attachée à quai et n'est par conséquent plus navigante. Par suite, la saisine par VNF de la juridiction administrative en vue de la répression d'une contravention de grande voirie et à fin d'action domaniale est dépourvue de tout lien avec la navigation et ne constitue pas une mesure de police fluviale. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. B..., cette action ne relève pas de la compétence du tribunal judiciaire de Thionville telle que prévue par la convention précitée mais ressortit à la compétence de l'ordre juridictionnel administratif sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-24 du code général de la propriété des personnes publiques.
Sur la régularité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article L. 4313-2 du code des transports : " Voies navigables de France est substitué à l'Etat dans l'exercice des pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public qui lui est confié. Il représente l'Etat dans l'exercice du pouvoir de transaction prévu par l'article L. 2132-25 du code général de la propriété des personnes publiques. Les contraventions sont constatées par les agents mentionnés aux articles L. 2132-21 et L. 2132-23 du code général de la propriété des personnes publiques ". En vertu de l'article D. 4314-1 du même code : " Le domaine confié à Voies navigables de France en application de l'article L. 4314-1 est le domaine public fluvial de l'Etat tel qu'il est défini aux articles L. 2111-7, L. 2111-10 et L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-23 du code général de la propriété des personnes publiques : " Ont compétence pour constater concurremment les contraventions en matière de grande voirie définies aux articles L. 2132-5 à L. 2132-10, L. 2132-16 et L. 2132-17 : (...) 3° Les personnels de Voies navigables de France sur le domaine qui lui a été confié, commissionnés par le directeur général de Voies navigables de France et assermentés devant le tribunal judiciaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; ".
4. D'une part, le cours d'eau la Moselle fait partie du domaine public fluvial confié à VNF. Par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., l'agent de VNF qui a dressé le procès-verbal de contravention de grande voirie était compétent pour ce faire et pour saisir le tribunal administratif de Strasbourg en application des dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques, les stipulations de la convention conclue le 27 octobre 1956 entre le Grand-Duché de Luxembourg, la République fédérale d'Allemagne et la France n'étant pas, pour les motifs exposés au point 2, applicables.
5. D'autre part il résulte de l'instruction que Mme D... A..., anciennement François, est depuis le 13 février 2006 commissionnée par VNF et assermentée devant le tribunal de grande instance de Metz pour constater les infractions prévues par le code général de la propriété des personnes publiques dans le département de la Moselle. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté.
6. Il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité des poursuites doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'amende infligée à M. B... :
7. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2132-27 du même code : " Les contraventions définies par les textes mentionnés à l'article L. 2132-2, qui sanctionnent les occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au prononcé d'une amende pour chaque jour où l'occupation est constatée, lorsque cette occupation sans titre compromet l'accès à cette dépendance, son exploitation ou sa sécurité. ". Aux termes de l'article L. 2132-9 du même code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente ".
8. Lorsqu'il est saisi par le préfet d'un procès-verbal constatant une occupation irrégulière du domaine public, et alors même que la transmission n'est ni assortie, ni suivie de la présentation de conclusions tendant à faire cesser l'occupation irrégulière et à remettre le domaine public en l'état, le juge de la contravention de grande voirie est tenu d'y faire droit sous la seule réserve que des intérêts généraux, tenant notamment aux nécessités de l'ordre public, n'y fassent obstacle.
9. M. B... a acquis le bateau " Le Lotus ", qui était précédemment exploité comme discothèque, le 1er juillet 2015 et autorisé à stationner depuis le 8 janvier 20210 par une convention d'occupation temporaire arrivée à terme le 31 octobre 2014, non renouvelée. Il résulte de l'instruction que, informé par un courrier de l'adjointe au maire de Thionville, M. B... avait connaissance du caractère irrégulier du stationnement de l'embarcation depuis le 12 novembre 2015 et qu'il avait connaissance de l'appel interjeté par le précédent propriétaire contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juin 2019 le condamnant au paiement d'une amende de 2 000 euros et prononçant la confiscation de ce navire faute d'évacuation du domaine public. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été établi le 22 mars 2021 constatant le stationnement irrégulier sur le domaine public fluvial. Ces faits constituent un empêchement au sens des dispositions de l'article L. 2132-9 précité du code général de la propriété des personnes publiques. Il en résulte que M. B..., qui occupait le domaine public fluvial en connaissance de cause sans droit ni titre depuis plus de cinq années à la date du procès-verbal du 22 mars 2021, ne saurait sérieusement soutenir qu'il est de bonne foi, ce qui serait au demeurant sans incidence sur la matérialité de l'infraction. Il ne peut davantage utilement soutenir que le bateau " Le Lotus " ne constitue pas un obstacle à la navigation et n'est pas source de pollution. S'il fait encore valoir qu'un permis de construire a été délivré par le maire de Thionville le 24 février 1981 en vue de l'aménagement du bateau en discothèque et que la coque bétonnée dont il a été équipé fait obstacle à son déplacement, ces circonstances ne peuvent être regardées comme une situation de force majeure. Dans ces conditions, eu égard à la durée de l'occupation irrégulière du domaine public fluvial, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné au paiement d'une amende de 6 000 euros en application de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques.
Sur l'action domaniale :
10. Les faits d'occupation sans titre du domaine public fluvial par le bateau " Le Lotus " sont constitutifs d'une contravention de grande voirie, laquelle pour les mêmes motifs que ceux développés au point 9 qui ne peut être regardée comme imputable à un cas de force majeure. C'est à bon droit que le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné la libération sans délai du domaine public et a enjoint à M. B... de procéder sans délai à l'enlèvement du bateau du domaine public fluvial et a assorti cette injonction d'une astreinte de 30 euros par jour de retard et, à défaut d'exécution dans un délai de six mois, a autorisé VNF à procéder d'office, aux frais de M. B..., à l'enlèvement du bateau " Le Lotus " du domaine public fluvial.
Sur les frais de l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par VNF et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... est condamné à verser une somme de 1 500 euros à VNF en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à Voies navigables de France.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 22NC02802