Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a notamment refusé de lui délivrer un certificat de résident, l'a obligé à quitter le territoire français et fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300194 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté en tant qu'il lui a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien de dix ans.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B....
Il soutient que :
- le tribunal a estimé à tort que la demande de titre de séjour de M. B... devait être examinée sur le fondement du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien dans la mesure où son activité n'est pas soumise à autorisation ;
- il ne remplit pas les conditions du a) de l'article 7 qui lui est applicable ;
- il ne remplit pas les conditions pour se voir octroyer un certificat de résidence de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord.
Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2023, M. B... représenté par Me Noirot demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le préfet ;
2°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement du 22 juin 2023, d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle a notamment refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable dix ans, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable dix ans ou, à défaut, de renouveler son certificat de résidence et de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " artisan " au titre de l'article 7c) ou, à défaut, de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien ;
4°) à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen invoqué par le préfet de la Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé ;
- à titre subsidiaire, si le jugement était annulé, le juge doit apprécier la légalité de l'arrêté à la date de son jugement ;
- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence ;
- il remplit les conditions de délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien dès lors qu'il réside régulièrement en France depuis plus de trois ans et qu'il remplit les conditions de délivrance de l'article 7, le préfet ayant exclu à tort les revenus salariés pour refuser de lui renouveler ce titre ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien dès lors que le préfet n'avait pas à examiner la condition des moyens d'existence suffisants et qu'il a, en tout état de cause, mis fin à son activité salariée ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien dès lors que son activité commerciale est effective ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de commerce ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique.
- le rapport de Mme Mosser ;
- et les observations de Me Noirot, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 19 mai 1991, est entré en France le 19 octobre 2015 sous couvert d'un passeport algérien et d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il s'est vu délivrer quatre certificats de résidence portant la mention " étudiant ", entre le 5 novembre 2015 et le 4 novembre 2019, puis trois certificats de résidence portant la mention " artisan ", du 24 mars 2020 au 22 décembre 2022. Les 21 octobre et 5 novembre 2022, il a sollicité le renouvellement de ses droits au séjour sur le fondement du point c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis de ce même accord. Par un arrêté du 20 décembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a notamment refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a partiellement annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... un certificat de résidence valable dix ans.
Sur l'appel du préfet :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " ; / b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; / c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées ".
3. Aux termes de l'article L. 110-1 du code du commerce : " La loi répute actes de commerce : / 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ".
4. Il ressort de l'extrait Kbis produit que l'autoentreprise " Help LM " de M. B... qui exerce une activité de nettoyage de locaux commerciaux et industriels est inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 29 novembre 2019, seule formalité à laquelle est soumise l'activité commerciale qu'il exerçait. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'activité en cause s'effectuerait en méconnaissance des dispositions légales. Au demeurant, M. B... exerce également une activité de vente de produits liés à son activité de nettoyage, activité réputée " acte de commerce " par les dispositions de l'article L. 110-1 du code de commerce et qui relève ainsi du régime applicable aux commerçants. Dans ces conditions, l'activité de l'intéressé dont le préfet ne soutient pas qu'elle ne serait pas effective, entre dans le champ du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien. Il s'ensuit que le préfet qui a rejeté sa demande en faisant valoir qu'il n'entrait pas dans le champ des articles 5 et 7-c) de l'accord franco-algérien, ne peut utilement à hauteur d'appel faire valoir que M. B... n'entre pas dans les conditions citées au a) de l'article 7 précité qui lui étaient applicables.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a partiellement annulé son arrêté du 20 décembre 2022. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui pour les besoins des présentes instances.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Noirot.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de la Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Bourguet-Chassagnon, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC02441