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04/04/2024 | FRANCE | N°23NC02009

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 04 avril 2024, 23NC02009


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... et Mme F... B... née A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 25 novembre 2022, par lesquels le préfet du Doubs a rejeté leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office.



Par un jugement nos 2300234-2300235 du 6 avril 2023, le tribunal adminis

tratif de Besançon a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour :



I. Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme F... B... née A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 25 novembre 2022, par lesquels le préfet du Doubs a rejeté leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office.

Par un jugement nos 2300234-2300235 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 juin 2023 sous le numéro 23NC02009, M. B..., représenté par Me Migliore, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que celui-ci le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 25 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur l'article L. 435-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'existe pas ; il ne s'agit pas d'une simple erreur de plume ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation personnelle dès lors que le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur des enfants, ce qui ressort de la motivation de la décision ;

- elle a méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 3§1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 23 juin 2023 sous le numéro 23NC02010, Mme B..., représentée par Me Migliore, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que celui-ci la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 25 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur l'article L. 435-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'existe pas ; il ne s'agit pas d'une simple erreur de plume ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- elle a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle doit être annulée, en conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement édictée à l'encontre de son époux qui sera prononcée par la Cour ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation personnelle dès lors que le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur des enfants, ce qui ressort de la motivation de la décision ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 3§1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme B... relatifs à la demande de titre de séjour présentée par son époux sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants dès lors qu'elle n'a pas présenté de demande de titre de séjour pour motif de santé mais qu'elle a seulement demandé son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants kossoviens, nés respectivement le 20 juillet 1975 et le 14 janvier 1977, entrés irrégulièrement sur le territoire français selon leurs déclarations le 18 février 2015, ont présenté le 18 mars 2015 des demandes d'asile qui ont été rejetées par deux décisions en date du 29 juin 2015 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées le 8 février 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 19 septembre 2015, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé de M. B.... Les arrêtés du 14 juin 2016 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 février 2017, enjoignant au préfet de réexaminer leur situation. Leurs demandes de titre de séjour du 15 novembre 2019, présentées pour les mêmes motifs, ont fait l'objet de deux arrêtés du 18 janvier 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Ces arrêtés ont été annulés par un arrêt de cette cour du 2 juin 2022, ordonnant au préfet de procéder au réexamen de leur situation. A l'issue de ce réexamen, par deux arrêtés du 25 novembre 2022, le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer les titres demandés, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme B... font appel du jugement du 6 avril 2023, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, les arrêtés attaqués énoncent de manière suffisante et non stéréotypée, l'indication des motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. et Mme B... les décisions qu'ils comportent. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des arrêtés attaqués que le préfet aurait entaché les décisions de refus de titre de séjour en litige d'un défaut d'examen des demandes dont il était saisi à nouveau, en conséquence de l'injonction de réexamen prononcée par cette Cour ni que les mesures d'éloignement auraient été édictées à leur encontre sans que leur situation personnelle et l'intérêt de leurs enfants n'aient été pris en considération.

4. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort ni des termes des décisions de refus de titre de séjour en litige, ni d'aucune autre pièce des dossiers que le préfet se serait estimé, à tort, lié par l'avis du 6 octobre 2022 du collège de médecins de l'OFII pour refuser de délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade à M. B.... Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions de refus de titre de séjour en litige seraient entachées d'une erreur de droit doit être écarté.

5. En quatrième lieu, la seule circonstance que, par une erreur de plume, le préfet a mentionné l'article L. 435-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme fondement des demandes de titre de séjour dont il avait été saisi, ne saurait être regardée comme entachant les décisions portant refus de titre de séjour contestées d'une erreur de droit.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

7. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

8. Le préfet du Doubs a estimé, au vu notamment de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 octobre 2022 que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Kosovo, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays et qu'il peut voyager à destination de ce pays sans risque. Le requérant produit au dossier plusieurs certificats médicaux établis par des praticiens hospitaliers du CHUR de Besançon et du Kosovo ainsi que des ordonnances, qui décrivent la pathologie dont il est atteint, à savoir un kératocône bilatéral ayant nécessité, notamment, une greffe de cornée en 2016 et 2017 et la prescription de molécules anti-rejet. Ces pièces médicales font état de la nécessité d'un traitement continu médicamenteux correspondant à l'administration de plusieurs collyres, dont le collyre Monoprost, le collyre Tobradex et le collyre Tobramycine. Si ces certificats précisent que le patient doit poursuivre son suivi en France, il ressort du message adressé au préfet par le Dr C..., médecin inspecteur de santé publique appartenant au cabinet du Directeur général des étrangers, que l'ensemble des collyres prescrits à M. B... figurent sur la liste des produits essentiels disponibles au Kosovo, deux collyres, l'un à base de corticoïde Dexacollyre, l'autre antibiotique à base de Tobramycine pouvant être substitués au collyre Tobradex actuellement prescrit à l'intéressé. Le requérant ne produisant aucun document démontrant que ces traitements ne sont pas disponibles dans son pays d'origine et ne contestant pas les éléments précis contenus dans la réponse du Dr C..., il n'apporte pas la démonstration de l'indisponibilité dans son pays d'origine des traitements qui lui ont été prescrits en France. Par ailleurs, en se bornant à alléguer qu'en raison de son absence de ressources, il ne pourra accéder effectivement à ces traitements, M. B... ne démontre pas que le préfet du Doubs, aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ou que le préfet aurait entaché cette décision d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation médicale.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. et Mme B... font valoir qu'ils séjournent habituellement en France depuis le 18 février 2015, que leurs enfants y sont scolarisés, l'une depuis l'année scolaire 2015-2016, l'autre depuis l'année scolaire 2016-2017, qu'ils suivent des cours de langue française et s'investissent dans des actions de bénévolat. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, alors que la durée de leur séjour en France ne résulte que des soins dont M. B... a bénéficié et qui ont été pris en charge par la France, qu'il existerait un obstacle au retour de l'ensemble de la famille au Kosovo, où les requérants ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 38 et 39 ans. Il suit de là que les décisions de refus de titre de séjour n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. et Mme B... au respect de leur vie privée et familiale. Le préfet du Doubs n'a, par suite, en prenant ces décisions, pas méconnu les normes ci-dessus reproduites. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché ces décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En septième lieu, pour les motifs précédemment exposés, les refus de délivrance d'un titre de séjour opposés à M. et Mme B... ne sont pas entachés d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des refus de titre invoqué à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

12. En huitième lieu, pour les motifs exposés au point 8 de la présente décision, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français.

13. En neuvième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précisés au point 10, les décisions par lesquelles le préfet à obliger M. et Mme B... à quitter le territoire français n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. En dixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

15. Si les requérants soutiennent que les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'intérêt supérieur de leurs enfants nés respectivement en juin 2003 et en janvier 2006, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur seul enfant mineur à la date des décisions contestées ne pourrait pas poursuivre sa scolarité au Kosovo. Dès lors, ainsi qu'il a été exposé au point 10, qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays dont les requérants et leurs enfants ont la nationalité, le Kosovo, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant doit, par suite, être écarté.

16. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de M. et Mme B... ne sont pas entachées d'illégalité. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité invoqué à l'encontre des décisions fixant le pays de destination ne peut, dès lors, qu'être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes nos 23NC02009 et 23NC02010 de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme F... B... née A..., à Me Migliore et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

Nos 23NC02009, 23NC02010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02009
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : MIGLIORE AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23nc02009 ?
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