Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 11 mai 2023 par lesquels le préfet de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2301059 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2023, M. B..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 11 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la présence de sa fille en France ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aube qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né en 2002, déclare être entré en France au mois de juillet 2018. L'intéressé a sollicité, le 25 septembre 2020, un titre de séjour en qualité de mineur isolé placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. Par arrêté du 28 juin 2021, l'autorité préfectorale a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par un arrêt de la cour d'appel du 28 avril 2022. M. B... s'est maintenu sur le territoire et a été interpellé par les services de police le 10 mai 2023. Par un premier arrêté du 11 mai 2023, la préfète de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, la préfète de l'Aube l'a assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de 45 jours. M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Si M. B... fait valoir qu'il est présent en France depuis 2018 date à laquelle il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, a suivi une formation en maçonnerie et bénéficie d'une promesse d'embauche pour un emploi en contrat à durée indéterminée, il ne démontre pas par cette seule promesse d'embauche qu'il serait intégré au sein de la société française alors qu'il s'est maintenu sur le territoire français en dépit d'une première mesure d'éloignement en 2021. Il ressort en outre des pièces du dossier que s'il est père d'une petite fille, celle-ci réside avec sa mère, une compatriote qui a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, et sa sœur dans les Vosges tandis que le requérant vit à Troyes. De plus, ce dernier ne démontre pas contribuer effectivement à son entretien et son éducation par la seule production de quelques photos et d'attestations, établies par la mère le 13 mai 2023 et par deux responsables associatifs les 5 et 16 juin 2023, soit postérieurement à la décision contestée. Enfin, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu toute son enfance et adolescence et où résident toujours sa mère et sa sœur. Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. B... en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
4. Il ressort des termes de l'arrêté que la décision contestée comprend les motifs de droit et de fait qui la fonde. En particulier, le préfet a indiqué dans son arrêté que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans son pays d'origine ou dans tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
5. Aux termes du premier paragraphe de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ".
6. Eu égard aux circonstances rappelées au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Mainnevret.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC01919