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04/04/2024 | FRANCE | N°23NC01413

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 04 avril 2024, 23NC01413


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2202196 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.



Pr

océdure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 9 mai 2023, M. B..., représenté par Me Coche-Mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2202196 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2023, M. B..., représenté par Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ", à défaut de réexaminer sa situation, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté pris dans son ensemble : est insuffisamment motivé, a été pris en violation de son droit à être entendu ; n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation ;

- le refus de séjour : viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4.2 de l'accord franco sénégalais, les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 5 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle par décision du 27 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 et l'avenant du 25 février 2008 à cet accord ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Agnel.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... B..., ressortissant sénégalais né le 22 juillet 1989, soutient être entré en France au cours de l'année 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité par courrier du 14 janvier 2022 la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ". Par arrêté du 24 juin 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :

2. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypé l'énoncé des motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. B... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

3. Il est constant que le requérant a déposé une demande de titre de séjour. M. B... ne soutient, ni même n'allègue qu'il n'aurait pas été mis à même, dans le cadre de l'examen de cette demande, de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir alors qu'il avait connaissance de la perspective d'une mesure d'éloignement en cas de rejet de sa demande de titre de séjour. Par ailleurs, il n'est pas établi qu'il aurait été empêché d'informer les services de la préfecture des éléments utiles relatifs à sa situation personnelle avant que ne soit prise à son encontre la décision qu'il conteste et qui, s'ils avaient pu être communiqués en temps utile, auraient été de nature à influer sur le sens de cette décision. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu préalablement à toute mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement, qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il ne résulte pas des deux inexactitudes matérielles affectant l'arrêté attaqué, que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait mépris sur la portée de la demande dont il avait été saisie et se serait refusé à examiner la situation de M. B... avant de prendre les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

Sur la légalité du refus de séjour :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservé dans son pays d'origine. Aux termes du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ci-dessus visé : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : soit la mention " salarié " s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail./ Soit la mention " vie privée et familiale " s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Les stipulations précitées du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006 renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. M. B..., célibataire et sans charge de famille, se maintient irrégulièrement en France depuis trois années et huit mois à la date de l'arrêté attaqué sans justifier ni de la nature de ses ressources, ni d'un domicile fixe. Il ne peut faire état que de quelques connaissances au sein de la communauté sénégalaise, de la présence d'une personne se présentant comme son oncle et d'une action de bénévolat depuis le 16 août 2022. Il produit une promesse d'embauche au sein d'un bowling afin d'occuper un emploi de plongeur. Ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que l'autorité administrative aurait méconnu les normes ci-dessus reproduites en refusant le titre de séjour sollicité par M. B....

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

8. Pour les mêmes motifs de fait que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à Me Coche-Mainente et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. AgnelL'assesseure la plus ancienne,

Signé : M. Bourguet-Chassagnon

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC01413 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01413
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23nc01413 ?
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