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02/04/2024 | FRANCE | N°23NC01940

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 avril 2024, 23NC01940


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.



Par un jugement n° 2206645 du 11 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa de

mande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2206645 du 11 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206645 du tribunal administratif de Strasbourg du 11 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêté à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est un ressortissant albanais, né le 20 juin 1967. Il a déclaré être entré en France le 26 juillet 2018. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 novembre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 5 novembre. Le 18 août 2020, il a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade et à raison de ses liens privés et familiaux. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 30 mai 2022, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2022. Il relève appel du jugement n° 2206645 du 11 janvier 2023 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement n° 2206646, rendu le même jour que le jugement contesté et devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, pour violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour accordé à l'épouse de M. B... en qualité d'étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a enjoint la délivrance de ce titre dans un délai de deux mois. Alors qu'il résulte notamment d'une attestation de suivi du 14 février 2023 que cette dernière se rend régulièrement avec son conjoint dans un centre médico-social de Strasbourg depuis le 27 mai 2020 et que l'effectivité de la communauté de vie entre les intéressés a pas été remise en cause par l'administration, les seules circonstances que M. B... soit entré en France un an environ après son épouse et qu'il soit actuellement hébergé dans un logement distinct ne suffisent pas à démontrer que cette communauté de vie aurait cessé. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté en litige, dont l'exécution aurait pour effet de le séparer durablement de son épouse, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il doit, en conséquence, être annulé pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la préfète du Bas-Rhin délivre à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, sous réserve d'un éventuel changement dans les circonstances de droit et de fait. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de justice :

6. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Son conseil peut donc se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Berry, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2206645 du tribunal administratif de Strasbourg du 11 janvier 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 mai 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve d'un éventuel changement dans les circonstances de droit et de fait.

Article 4 : L'Etat versera à Me Berry, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01940 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01940
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23nc01940 ?
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