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02/04/2024 | FRANCE | N°23NC01293

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 avril 2024, 23NC01293


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 février 2023 par lequel le préfet du Territoire de Belfort lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a interdit le retour en France pendant un an et l'a assigné à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2300183 du 7 février 2

023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé la décision...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 février 2023 par lequel le préfet du Territoire de Belfort lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a interdit le retour en France pendant un an et l'a assigné à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300183 du 7 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 3 février 2023 portant assignation à résidence, mis à la charge de l'Etat une somme de mille euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300183 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon du 7 février 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du 3 février 2023 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France pendant un an ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Territoire de Belfort du 3 février 2023 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France pendant un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour en France est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est un ressortissant albanais, né le 15 avril 1989. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 15 octobre 2021, accompagné de sa mère, de son épouse et de leurs deux enfants, nés les 29 août 2012 et 12 avril 2019. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée pour irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 mars 2022, puis la Cour nationale du droit d'asile le 10 octobre 2022. Le 3 février 2023, à l'occasion d'un contrôle routier, il a été interpellé puis placé en retenue administrative pour vérification du droit au séjour en application de l'article L. 813-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du même jour, le préfet du Territoire de Belfort lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a interdit le retour en France pendant un an et l'a assigné à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2023. Il relève appel du jugement n° 2300183 du 7 février 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du 3 février 2023 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France pendant un an.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il est constant que M. A... est arrivé en France, le 15 octobre 2021, à l'âge de trente-deux ans et que la durée de son séjour était inférieure à seize mois à la date de la décision en litige. S'il se prévaut de la présence sur le territoire français d'une sœur, demeurant en France depuis 2016 et bénéficiaire de la protection subsidiaire, il ne justifie pas de l'intensité de ses liens avec l'intéressée. Il ne démontre pas davantage, nonobstant le décès de son père, qu'il serait isolé en Albanie. Les circonstances que ses deux enfants soient scolarisés, que la famille dispose de son propre logement depuis le 1er décembre 2022 et que M. A... travaille en qualité de maçon façadier depuis le 18 janvier 2023 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé à temps complet ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Enfin, contrairement à ses allégations, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa mère et son épouse, dont la demande d'asile a également été rejetée, se trouveraient en situation régulière. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Albanie, ni que le fils et la fille du requérant seraient dans l'impossibilité d'y poursuivre une existence et une scolarité normale. Par suite et alors que l'article 8 ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

4. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

5. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la magistrate désignée a fait droit à la substitution de base légale sollicitée par le préfet du Territoire de Belfort dans son mémoire en défense. En l'absence de toute contestation de M. A... sur cette substitution, la décision en litige doit être regardée comme fondée, non plus sur les dispositions du 2°, mais sur celles du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas, malgré le rejet définitif de sa demande d'asile le 10 octobre 2022, sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions et en l'absence de circonstances particulières, le préfet du Territoire de Belfort a pu légalement refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice d'un délai de départ de départ volontaire. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

7. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour en France pendant un an :

8. En premier lieu, ainsi qu'il a déjà été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'épouse et la mère de M. A... se trouveraient en situation régulière en France, ni que les intéressés ne pourraient reconstituer leur cellule familiale en Albanie et les enfants y poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, la décision en litige, qui n'a pas pour objet ou pour effet de séparer le requérant du reste de sa famille proche, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, les moyens invoqués en ce sens ne peuvent être accueillis.

9. En second lieu, pour les mêmes motifs que précédemment, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet du Territoire de Belfort du 3 février 2023 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France pendant un an, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01293 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01293
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23nc01293 ?
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