La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°23NC01142

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 avril 2024, 23NC01142


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.



Par un jugement n° 2203867 du 18 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 12 avril 2023, M. A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2203867 du 18 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203867 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 17 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêté à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation individuelle ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 et celles du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est un ressortissant albanais, né le 10 novembre 1993. Il a déclaré être entré en France, une première fois, le 30 mars 2018. Le 16 avril suivant, il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 août 2018, puis la Cour nationale du droit d'asile le 6 mai 2019. Son admission au séjour en qualité d'étranger malade, sollicitée le 15 octobre 2019, ayant été implicitement refusée, il est reparti en Albanie, avant de revenir sur le territoire français le 4 septembre 2021. L'intéressé a déposé, le 28 octobre suivant, une demande de réexamen de sa demande d'asile, qui a été rejetée pour irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 novembre 2021. Par un arrêté du 17 mai 2022, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2022. Il relève appel du jugement n° 2203867 du 18 juillet 2022 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. ".

4. La décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et alors que l'autorité préfectorale n'est pas tenue de mentionner l'ensemble des éléments ayant trait à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne résulte, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. B... au regard de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. B... ne saurait utilement, pour contester la mesure d'éloignement prise à son encontre, se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concerne la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

7. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

8. Il résulte de l'avis du 31 mars 2020, rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à la suite de la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentée par M. B... le 15 octobre 2019, que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le requérant fait valoir qu'il souffre de symptômes atypiques d'allure psychotique et d'un syndrome épileptique. Toutefois, alors que l'intéressé produit un rapport médical, rédigé le 19 juin 2021 par un psychiatre albanais, concernant sa prise en charge thérapeutique au sein du centre communautaire de la santé mentale de Tirana, les éléments versés aux débats, en particulier le certificat établi par un praticien du centre hospitalier d'Erstein le 18 février 2022, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque et sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. Par suite et alors qu'il n'est pas démontré que M. B... ne serait pas autonome et qu'il aurait besoin d'un accompagnement familial, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France, en dernier lieu, le 4 septembre 2021, à l'âge de vingt-sept ans. S'il se prévaut de la présence sur le territoire français de ses parents, il n'est pas contesté que l'intéressé, né le 10 novembre 1993, a vocation à constituer sa propre cellule familiale. Célibataire et sans enfant à charge, il ne justifie d'aucune autre attache familiale ou personnelle, ni d'une intégration particulière en France. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment ses grands-parents, au domicile desquels il a déclaré avoir vécu pendant un an lors de son retour en Albanie. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations.

11. En sixième lieu, eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées aux points 8 et 10 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, le moyen invoqué en ce sens doit être écarté.

12. En septième et dernier lieu, M. B... ne pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ou au titre de la vie privée et familiale, il n'est pas fondé à soutenir qu'il relève de la catégorie des étrangers qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

13. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli.

14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

15. Si M. B... fait valoir qu'il est victime depuis l'enfance de mauvais traitements infligés par un groupe mafieux et qu'il a fui son pays pour échapper aux menaces concernant sa vie et ses libertés, il n'apporte aucun élément probant susceptible d'établir qu'il risquerait d'être exposé, en cas de retour en Albanie, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et alors que les demandes d'asile et de réexamen de l'intéressé ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause ne peuvent qu'être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 17 mai 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°23NC01142 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01142
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23nc01142 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award