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02/04/2024 | FRANCE | N°23NC00635

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 23NC00635


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... et Mme A... D... née C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 14 janvier 2020 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'instruire leur demande de titre de séjour.



Ils ont également demandé, par deux recours distincts, l'annulation des arrêtés du 20 juillet 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai d

e trente jours et désignation du pays de renvoi.



Par un jugement nos 2002859 - 2002860 - 21...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme A... D... née C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 14 janvier 2020 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'instruire leur demande de titre de séjour.

Ils ont également demandé, par deux recours distincts, l'annulation des arrêtés du 20 juillet 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

Par un jugement nos 2002859 - 2002860 - 2103086 - 2103087, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 26 février 2023, sous le n° 23NC00635, M. B... D..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 20 juillet 2021 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement de réexaminer sa situation, et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part correspondant à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier dès lors que les signatures des médecins ne sont pas authentifiées, qu'il n'est pas établi que les médecins composant le collège aient été régulièrement désignés, qu'il n'est pas établi que cet avis ait été rendu à l'issue d'une délibération collégiale et le même jour, ni que le rapport médical a examiné l'ensemble de la situation de l'enfant ;

- sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été examinée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège de l'OFII ;

- il n'a pas été procédé à l'examen de sa situation ;

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible d'avoir sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant malade.

En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des autres décisions ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet s'est estimé être en situation de compétence liée au regard des décisions de l'OFPRA et de la CNDA.

II) Par une requête enregistrée le 26 février 2023, sous le n° 23NC00636, Mme A... D... née C..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 20 juillet 2021 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement de réexaminer sa situation, et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part correspondant à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle

Elle soulève les mêmes moyens que ceux invoqués dans la requête n° 23NC00635.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 et 26 avril 2023, dans les deux instances, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet des requêtes.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 27 janvier 2023.

Par ordonnance du 14 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 mai 2023.

Des pièces complémentaires, demandées auprès de l'OFII, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, ont été produites le 29 février 2023

Ces pièces ont été communiquées à M. et Mme D... le 1er mars 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 10 juillet 1987 et son épouse, Mme C... épouse D..., née le 14 février 1987, tous deux ressortissants géorgiens, seraient entrés en France le 21 juin 2018, selon leurs déclarations, accompagnés de Lizi et Elene, leurs deux filles mineures. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 18 septembre 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmées par des décisions du 6 mai 2019 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). A compter du 5 novembre 2018, les requérants ont formulé des demandes en vue de se voir délivrer un titre de séjour auprès de la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Par deux décisions du 14 janvier 2020, le préfet leur a indiqué que leurs demandes de titre ne seraient pas instruites tant qu'ils ne produiraient pas, à l'appui de celles-ci, des documents permettant de justifier de leur état civil, de leur nationalité et un justificatif de domicile. Par des arrêtés du 20 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté leurs demandes de titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 14 janvier 2020 et les arrêtés du 20 juillet 2021. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, ils doivent être regardés comme relevant uniquement appel du jugement ayant rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 20 juillet 2021.

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 8 et 13 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation des refus de titre de séjour et de ce que le préfet se serait cru tenu par l'avis du collège de médecins de l'OFII.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les refus de titre de séjour n'auraient pas été précédés d'un examen de la situation personnelle des requérants.

4. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

5. Aux termes des dispositions de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 425-13 dudit code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

6. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. Il ressort des mentions portées sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur la situation médicale de la fille des requérants que cet avis a été émis le 15 février 2021, que le médecin ayant rédigé le rapport n'a pas siégé au sein du collège et que cet avis a été signé par les trois médecins qui le composent, dont les noms figurent sur cet avis, permettant ainsi leur identification. Si les requérants mettent en doute l'authenticité de leur signature, ils ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui renvoient aux dispositions du I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives, dès lors que l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de ces dispositions, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Par ailleurs, la circonstance que les signatures des trois médecins sont des fac-similés n'est pas de nature à remettre en cause leur authenticité ou l'identité des signataires.

8. En outre, les docteurs Mbomeyo, Mettais-Cartier et Ortega, qui composaient le collège de médecins, ont été régulièrement désignés par la décision du 28 janvier 2021 du directeur général de l'OFII modifiant la décision du 17 janvier 2017, régulièrement publiée sur le site internet de l'OFII, portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

9. Par ailleurs, les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Le moyen tiré de ce qu'il n'est pas justifié d'une délibération collégiale entre les membres du collège de médecin est donc inopérant.

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment celles produites par l'OFII à la demande de la cour, qu'il a été tenu compte, dans le rapport médical établi le 21 janvier 2021 par un médecin de l'OFII, des documents qui avaient été transmis par les requérants et que ce rapport a pris en considération la pathologie dont souffre l'enfant. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le rapport médical au vu duquel le collège des médecins s'est prononcé serait incomplet.

11. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que leur situation n'a pas été examinée au regard de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort au contraire des pièces du dossier que le préfet a examiné leur demande de titre de séjour au regard de ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour aux " parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 ", dès lors qu'il se prononce sur la situation de leur fille au regard des exigences de cet article.

12. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la fille aînée des requérants, Lizi, née en 2011, est atteinte d'une maladie orpheline, le syndrome de De Vivo. Elle présente des troubles moteurs sévères évolutifs, un retard dans le développement moteur et cognitif, ainsi qu'une symptomatologie épileptique. Son état nécessite un traitement à vie, incluant la prise de Keppra pour l'épilepsie, le suivi d'un régime cétogène et une prise en charge pluridisciplinaire. Dans son avis du 15 février 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Lizi D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, la Géorgie, elle peut y bénéficier d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments de son dossier, elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. L'article de presse produit par les requérants ne concerne que la prise en charge des pathologies psychiatriques en Géorgie, et non la maladie dont l'enfant du couple est atteinte. Les autres pièces dont ils se prévalent ne permettent pas davantage d'établir que leur enfant ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie, un tel traitement n'étant pas nécessairement équivalent au suivi dont l'enfant bénéficie en France. Ainsi, les éléments produits par les requérants ne sont pas de nature à remettre en cause, par eux-mêmes, l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à la disponibilité du traitement dont Lizi a besoin dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour méconnaissent les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...).

14. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont présents sur le territoire français seulement depuis moins de quatre ans à la date des décisions contestées. Les requérants ne se prévalent, en outre, pas de liens amicaux ou familiaux d'une intensité et d'une stabilité caractérisées qu'ils auraient tissés sur le territoire français. Ils ne justifient pas davantage d'une intégration particulière. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que leurs deux filles sont scolarisées en France, les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Elles ne méconnaissent donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles le préfet ne s'est pas fondé pour refuser le séjour aux requérants. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

15. En septième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

16. Il n'est pas établi que la fille aînée des requérants ne pourrait pas disposer du traitement dont elle a besoin dans son pays d'origine. Les décisions en cause n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les deux enfants de leurs parents. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas fondé.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français et des décisions fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 23 et 25 à 27 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation des décisions fixant le pays de destination, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet se serait cru tenu par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA.

18. En deuxième lieu, au regard des circonstances de fait mentionnées aux points 12, 14 et 16 du présent arrêt, les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de renvoi ne portent pas atteinte à l'intérêt supérieur des enfants des requérants et ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme D.... Compte tenu de ces mêmes circonstances, les mesures d'éloignement ne méconnaissent pas non plus les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En troisième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, les requérants n'établissent pas l'illégalité des décisions du préfet leur refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander l'annulation des mesures d'éloignement et des décisions fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation des refus de séjour. Aucun moyen n'étant fondé à l'encontre des obligations de quitter le territoire français, ils ne sauraient davantage demander l'annulation des décisions désignant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions.

20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 20 juillet 2021, ni à soutenir que c'est à tort que les premiers juge ont rejeté leurs demandes. Les requêtes ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées, dans toutes leurs conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme A... D... née C..., à Me Jeannot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

Nos 23NC00635, 23NC00636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00635
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23nc00635 ?
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