Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2021 par lequel le préfet de la Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Marne l'a assigné à résidence pendant une durée de six mois.
Par un jugement n° 2102473 du 6 janvier 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2023, M. B... A..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 7 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêté à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté du 7 novembre 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il n'a pas été entendu préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté en présence d'un interprète assermenté et qualifié, en méconnaissance des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas reçu les informations prévues par les articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement des articles 4, 6, 7 et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte atteinte à son droit d'être soigné, compte tenu de son état de santé ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; cette décision ne détermine pas précisément le pays à destination duquel il devra être reconduit.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité algérienne, né le 17 mars 1981, déclare être entré en France le 15 juin 2012. Il a fait l'objet d'un contrôle routier le 6 novembre 2021 ayant abouti à une retenue pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 7 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner en France pendant une durée de dix-huit mois. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Marne a prononcé à son encontre une assignation à résidence fondée sur l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler ces deux arrêtés. Par un jugement du 6 janvier 2022, le président de ce tribunal a rejeté sa demande. M. A... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant seulement qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 21.BCI.41 du 8 septembre 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle le lendemain, et précisant qu'il entre en vigueur le 13 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de l'Etat, à l'exception des arrêtés de conflit. M. C..., signataire de l'arrêté contesté, était donc compétent pour signer les décisions en litige, de sorte que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté comporte, pour chacune des mesures qu'il édicte, un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit qui le fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque donc en fait. Il ressort en outre des mentions de cet arrêté, qui vise notamment l'accord franco-algérien, qu'il a été procédé à un examen de la situation personnelle de M. A... préalablement à son édiction.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 3, 4, 8 et 17 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de ce que M. A... n'a pas obtenu les informations prévues par les articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'indétermination du pays de destination.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. / Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. / Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. / Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français ". Aux termes de l'article L. 141-3 de ce code : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
6. Ces dispositions n'imposent pas, par elles-mêmes, le recours à un interprète assermenté avant l'édiction d'une obligation de quitter le territoire, d'un refus de délai de départ volontaire, de la désignation du pays de renvoi ou d'une interdiction de retour. Si M. A... fait valoir qu'il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète dûment assermenté et qualifié, à l'occasion de sa retenue pour vérification de son droit de circulation ou de séjour, les mesures de contrôle et de retenue prévues par les dispositions citées au point précédent sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation d'un ressortissant étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré d'éventuelles irrégularités entachant la mise en œuvre de ces mesures ne peut être qu'écarté comme inopérant.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... déclare être entré sur le territoire français en 2012 muni d'un visa court séjour, sans toutefois justifier, par des documents probants, être effectivement arrivé en France au cours de la période de validité de ce visa. S'il produit des justificatifs d'achats de titres de transport, de nature à établir sa présence continue en France depuis le 12 octobre 2015, il ressort néanmoins des pièces du dossier que M. A... n'a jamais effectué de démarche en vue de régulariser sa situation administrative. Par ailleurs, en dépit de son ancienneté de séjour sur le territoire français, M. A... ne justifie pas d'une intégration particulière ni d'une maîtrise de la langue française, comme en atteste le procès-verbal édicté lors de sa retenue pour vérification de son droit au séjour. Si le requérant évoque la présence de membres de sa famille sur le territoire français, il est célibataire et sans enfants et ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Enfin, M. A... évoque l'assistance qu'il apporterait à l'une de ses tantes, en situation régulière sur le territoire français. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa tante se trouverait isolée en l'absence de M. A.... Dans ces conditions, ni l'obligation de quitter le territoire, ni les autres mesures litigieuses ne portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de ce dernier. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent ne peut donc qu'être écarté.
9. En sixième lieu, lorsqu'une convention internationale ou une loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
10. L'accord franco-algérien visé précédemment régissant de manière complète les titres de séjours qui peuvent être délivrés aux ressortissants algériens, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il remplit les conditions prévues par les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour.
11. Le requérant ne peut pas davantage utilement se prévaloir de ce qu'il remplirait les conditions prévues par l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, dès lors que ces stipulations ne prévoient pas la délivrance d'un titre de plein droit.
12. Pour le surplus, le requérant évoque sa durée de séjour, son état de santé et ses attaches familiales. Cependant, il ne justifie pas résider en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux, compte tenu de ce qui a été dit au point 8, de sorte qu'il n'est pas fondé à se prévaloir du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Les documents médicaux produits ne démontrent pas non plus qu'il serait atteint, à la date de l'arrêté litigieux, d'une pathologie dont le défaut de soin entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, au sens du 7) de cet article 6. De même, au regard des considérations exposées au point 8, un refus de séjour ne porterait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, de sorte qu'il ne saurait se prévaloir du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
13. Enfin, le moyen tiré de l'existence d'un droit au séjour sur le fondement des autres stipulations de l'accord franco-algérien n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il suit de là que le moyen tiré de l'existence d'un droit au séjour en France ne peut qu'être écarté.
14. En septième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
15. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la situation de sa tante, qui n'est pas la personne visée par les décisions litigieuses. Par ailleurs, les documents médicaux qu'il produit ne démontrent pas non plus qu'il serait atteint d'une pathologie grave ou qui ne pourrait être traitée dans son pays d'origine. Le requérant ne fait, en outre, pas état d'autres craintes en cas de retour en Algérie. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est donc pas fondé. Il en va de même s'agissant du moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
16. En huitième et dernier lieu, si le requérant évoque les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit ces mentions d'aucune précision de nature à démontrer en quoi ces dispositions sont méconnues. Le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français porterait atteinte à son droit d'être soigné, compte tenu de son état de santé, manque par ailleurs en fait, compte tenu de ce qui a été indiqué au point précédent.
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 7 novembre 2021, ni à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Gabon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC00400