La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°23NC00338

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 23NC00338


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 octobre 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin l'a maintenu en rétention administrative.



Par un jugement n° 2207269 du 18 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 31 janvier 2023, M. B...,

représenté par Me Kohler, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 octobre 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin l'a maintenu en rétention administrative.

Par un jugement n° 2207269 du 18 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Kohler, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 novembre 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 octobre 2022 prise à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile et de lui remettre ses effets personnels ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kohler de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où elle se fonde sur l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est incompatible avec la directive " Accueil " en l'absence de définition des critères objectifs ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation du caractère dilatoire de sa demande ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des risques mentionnées en cas de retour dans le pays d'origine ; il n'appartient pas à l'autorité préfectorale de se prononcer sur la réalité des risques en cas de retour ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des garanties de représentation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien, né le 8 décembre 2015, serait entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2015. Dans le dernier état de la procédure, par un arrêté du 26 février 2022, le préfet de la Haute-Savoie a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français. A la suite de l'interpellation de l'intéressé, par une décision du 26 octobre 2022, le préfet du Haut-Rhin a placé M. B... en rétention administrative. Le 28 octobre 2022, M. B... a déposé une demande d'asile. Par une décision du 31 octobre 2022, le préfet du Haut-Rhin a maintenu le placement en rétention administrative de M. B.... Celui-ci relève appel du jugement du 18 novembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. (...) ". La décision contestée, qui vise notamment l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui fait état de plusieurs circonstances de fait qui ont conduit le préfet a conclure que la demande d'asile présentée par M. B... présente un caractère dilatoire, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette décision, qui ne révèle pas un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé, est donc suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " (...) 3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que : (...) d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 (...) pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement et lorsque l'État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ; (...) / 4. Les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l'obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d'une garantie financière ou l'obligation de demeurer dans un lieu déterminé. ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. S'il incombe aux Etats membres, en vertu du paragraphe 4 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, de définir en droit interne les motifs susceptibles de justifier le placement ou le maintien en rétention d'un demandeur d'asile, parmi ceux énumérés de manière exhaustive par les dispositions du paragraphe 3 de cet article, aucune disposition de la directive n'impose, s'agissant du motif prévu par le d) du 3 de l'article 8, que les critères objectifs sur la base desquels est établie l'existence de motifs raisonnables de penser que la demande de protection internationale d'un étranger déjà placé en rétention a été présentée à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour, soient définis par la loi. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. B..., la circonstance que les dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'explicitent pas les critères objectifs permettant à l'autorité administrative de considérer que la demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement n'est pas de nature à entacher d'erreur de de droit la décision contestée. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la France est l'État de l'examen de la demande d'asile et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ (...) ". Aux termes de l'article L. 754-4 du même code : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de maintien en rétention prévue à l'article L. 754-3 dans les quarante-huit heures suivant sa notification afin de contester les motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement. (...) ".

6. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour estimer que la demande d'asile exercée par M. B... présentait un caractère abusif et dilatoire, le préfet du Haut-Rhin, qui a rappelé le parcours administratif de l'intéressé, s'est notamment basé sur les circonstances que le comportement de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public, que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes et que l'intéressé a manifesté son intention de demander l'asile deux jours après son placement en rétention administrative.

7. D'une part, il est vrai, ainsi que le soutient le requérant, qu'il n'appartient pas à l'autorité préfectorale, lorsqu'elle décide du maintien d'un étranger en rétention administrative, d'examiner la pertinence des risques auxquels seraient exposés cet étranger en cas de retour dans son pays d'origine. D'autre part, il ressort des dispositions précitées de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le maintien en rétention administrative n'est pas conditionné par l'absence de garanties de représentation suffisantes mais est prononcé lorsque l'étranger placé en rétention administrative présente une demande d'asile dans le seul but de faire échec à une mesure d'éloignement. Ainsi, le préfet du Haut-Rhin ne pouvait se fonder ni sur l'absence de risques en cas de retour ni sur l'absence de garanties de représentation de M. B... pour le maintenir en rétention administrative.

8. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, l'arrêté contesté se fonde également sur le parcours administratif de l'intéressé et sur la circonstance que la demande d'asile de M. B... a été présentée peu de temps après la décision de placement en rétention administrative pour en déduire que cette demande n'avait été faite que dans le but de faire obstacle à l'éloignement. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., serait entré en France au cours de l'année 2015 et a présenté, une première fois une demande de reconnaissance du statut de réfugié qui a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides le 22 février 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 30 mars 2017. Le réexamen de sa demande d'asile a été rejeté comme irrecevable par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides le 6 mars 2018. En outre, M. B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le 26 février 2022. Au moment de son interpellation par les services de police le 26 octobre 2022, M. B..., qui a indiqué résider en Allemagne et y avoir introduit une demande d'asile, n'a fait aucunement état de risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, au regard du parcours administratif de l'intéressé, le préfet du Haut-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que la demande d'asile présentée par M. B..., plus de deux jours après son placement en rétention administrative, n'avait été présentée que dans le seul but de faire échec à l'exécution d'une décision d'éloignement.

9. Dès lors, il résulte de l'instruction que sur la base des seuls motifs relatifs au parcours administratif de M. B... et de la circonstance qu'il a présenté une demande d'asile deux jours après son placement en rétention administrative, le préfet du Haut-Rhin aurait pris la même décision de maintien de M. B... en rétention administrative. Ainsi la circonstance que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas pris compte la situation géopolitique dans le pays d'origine de l'intéressé et que M. B... aurait présenté des garanties de représentation suffisantes est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Kohler et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC00338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00338
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : KOHLER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23nc00338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award