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02/04/2024 | FRANCE | N°23NC00315

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 23NC00315


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 5 décembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
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Par un jugement n° 2108360 du 4 janvier 2022, le président du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 5 décembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2108360 du 4 janvier 2022, le président du tribunal administratif de Strasbourg l'a admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2023, Mme D... B..., représentée par Me Badoc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 5 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- elle a été interpellée de façon déloyale, ce qui vicie la procédure ayant abouti à l'édiction des arrêtés litigieux ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la mesure d'éloignement entraîne celle du refus de délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de destination, de l'interdiction de retour sur le territoire français et de l'assignation à résidence ;

- l'interdiction de retour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante tunisienne née le 14 février 1967, est entrée sur le territoire français le 17 février 2017 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités néerlandaises afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2018 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 8 mars 2019. Le 6 août 2019, elle a sollicité son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 13 février 2020, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. La requête de Mme B... contre cet acte a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juillet 2020, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 avril 2021. Après audition de l'intéressée par les services de police alors qu'elle rendait visite à un ami de son fils au centre de rétention administrative de Geispolsheim, pour vérification de son droit de circulation ou de séjour, la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours, par deux arrêtés du 5 décembre 2021. Mme B... fait appel du jugement du 4 janvier 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les mesures litigieuses ont été édictées après un contrôle d'identité opéré au centre de rétention administrative de Geispolsheim, où Mme B... se trouvait pour rendre visite à un ami de son fils. Toutefois, cette circonstance ne saurait être regardée comme viciant la procédure ayant abouti à l'édiction des arrêtés litigieux, contrairement à ce que soutient la requérante, dès lors que les conditions d'interpellation et de retenue sont sans incidence, par elles-mêmes, sur la légalité des mesures édictées par la préfète du Bas-Rhin.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. La requérante se prévaut de sa présence en France depuis 2017, avec ses deux fils, nés en 1998 et 2004, le plus jeune étant scolarisé. Elle fait également valoir qu'elle a épousé le 9 juillet 2019 M. A... C..., ressortissant tunisien titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, et qu'elle suit des cours de français. Elle indique en outre qu'elle ne saurait s'astreindre à une procédure de regroupement familial en raison de sa longueur, le délai moyen atteignant dix-huit mois.

5. Toutefois, Mme B... ne justifie pas, que ce soit pour elle-même ou pour ses enfants, d'une intégration particulièrement caractérisée. La requérante n'a pas d'enfant avec M. C..., avec lequel elle ne justifie pas d'une vie commune antérieure au mariage. Leur mariage est relativement récent et il n'est fait état d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce qu'ils soient séparés pendant la durée d'instruction d'une demande de regroupement familial, ou à ce que la vie du couple reprenne en Tunisie, pays dont les deux époux ont la nationalité. Dès lors, et au regard des conditions de séjour en France de Mme B..., l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs de cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Au regard des circonstances ainsi rappelées, cette mesure d'éloignement n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation individuelle de l'intéressée.

6. En troisième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme B... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre serait illégale. Dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions portant refus de délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi, interdiction de retour et assignation à résidence, n'est pas fondée et doit être écartée.

7. En quatrième et dernier lieu, et au regard des circonstances de fait rappelées au point 5, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour édictée à son encontre pour une durée d'un an méconnaît les stipulations mentionnées au point 3 ou qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 5 décembre 2021, ni à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à Me Badoc et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC00315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00315
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23nc00315 ?
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