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02/04/2024 | FRANCE | N°22NC03205

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 22NC03205


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... née C... demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 septembre 2020 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2007477 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, Mme D..., représentée par Me

Berry, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 décembre 2021 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... née C... demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 septembre 2020 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2007477 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, Mme D..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 décembre 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 10 septembre 2020 prise à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Berry de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- son époux justifie d'un droit au séjour et elle aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement a omis d'examiner le droit au séjour de son conjoint à l'aune des dispositions de l'article 10 du règlement n°492/2011 ; son époux justifie donc d'un droit au séjour au regard de ces dispositions ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le règlement n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... née C..., ressortissante serbe née le 2 février 1994, a épousé le 21 décembre 2018 un ressortissant italien résidant en France, M. D... et avec lequel elle a eu deux enfants nés en 2017 et en 2018. Le 6 janvier 2020, Mme D... a sollicité du préfet de la Moselle la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne. Par une décision du 10 septembre 2020, le préfet a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Mme D... relève appel du jugement du 9 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ne ressort pas des écritures de la demande de première instance que Mme D... se serait prévalue, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, de la méconnaissance des dispositions de l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011. En outre, la méconnaissance des dispositions précitées ne relève pas d'un moyen d'ordre public que les premiers juges auraient dû soulever d'office. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis d'examiner le droit au séjour de son conjoint au regard des dispositions du règlement précité.

3. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur la légalité de la décision contestée :

4. En premier lieu, l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ".

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la notion de travailleur, au sens des dispositions précitées du droit de l'Union européenne, doit être interprétée comme s'étendant à toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La relation de travail est caractérisée par la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Ni la nature juridique particulière de la relation d'emploi au regard du droit national, ni la productivité plus ou moins élevée de l'intéressé, ni l'origine des ressources pour la rémunération, ni encore le niveau limité de cette dernière ne peuvent avoir de conséquences quelconques sur la qualité de travailleur.

6. Il résulte de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un État tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D..., de nationalité italienne et époux de Mme C..., a travaillé d'une part, en qualité d'employé de service pour le compte de la société Sodexho du 20 au 31 mars 2020 à hauteur de 62,77 heures et au mois d'avril 2020 à hauteur de 24,75 heures et d'autre part, pour le compte de la société Dodo du 29 avril au 30 juin 2019, du 1er au 5 juillet 2019, du 12 août au 31 octobre 2019, du 18 mai au 3 juillet 2020 et du 17 au 31 août 2020, à raison de 35 heures par semaine en qualité d'ouvrier. Par suite, le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que l'activité professionnelle de M. D... présentait un caractère marginal et accessoire. Dès lors, pour ce seul motif, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans la mesure où la date de présence en France de l'intéressée n'est attestée, au plus tôt que le 25 juillet 2016 par la délivrance d'un récépissé par le tribunal de grande instance de Nanterre, que Mme D... établirait, à la date de la décision contestée, l'existence d'une résidence légale et ininterrompue de plus de cinq années sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, alors que le préfet de la Moselle n'a pas examiné le droit au séjour de l'intéressée sur ce fondement, Mme D... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que Mme D... et M. D... résideraient de manière ininterrompue sur le territoire français depuis l'année 2016. A l'exception de la scolarisation de ses deux enfants, Mme D... ne justifie d'aucune intégration particulière sur le territoire français et n'établit pas y avoir noué des liens personnels intenses et stables. En outre, la décision contestée ne fait pas obstacle à ce que l'intéressée puisse, avec son époux et leurs deux enfants, reconstituer sa cellule familiale en dehors du territoire français. Dès lors, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. En se prévalant uniquement de la scolarisation de ses deux enfants, alors qu'aucun élément n'atteste que cette scolarisation ne pourrait pas se poursuivre en dehors du territoire français, Mme D... n'établit pas que la décision contestée, qui n'a au demeurant ni pour objet, ni pour effet de la séparer de ses enfants, méconnaîtrait les stipulations précitées.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ". Mme D... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, qui ne peuvent fonder un droit au séjour, pour contester un refus de délivrance d'un titre de séjour qui n'emporte par lui-même pas la séparation des parents avec leurs enfants.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... née C..., à Me Berry et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC03205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03205
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22nc03205 ?
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