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02/04/2024 | FRANCE | N°21NC00110

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 21NC00110


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de la directrice de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est du 26 juin 2019 par laquelle celle-ci a rejeté son recours hiérarchique à l'encontre du compte rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2018.





Par un jugement n° 1906964 du 28 octobre 2020, le magistrat désigné pa

r le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de la directrice de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est du 26 juin 2019 par laquelle celle-ci a rejeté son recours hiérarchique à l'encontre du compte rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 1906964 du 28 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 janvier 2021 et le 1er avril 2022, Mme A..., représentée par Me Ricard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision de la directrice de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est du 26 juin 2019 par laquelle celle-ci a rejeté son recours hiérarchique à l'encontre du compte rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure devant le tribunal administratif est entachée d'irrégularité car son mémoire et ses pièces enregistrés au greffe le 16 octobre 2020, soit 5 jours francs avant l'audience, n'ont pas été visés alors que ce mémoire comportait des éléments et moyens nouveaux de nature à exercer une influence sur le jugement ;

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa décision : il ne s'est pas prononcé sur sa contestation relative au reproche infondé qu'on lui a fait de ne pas avoir enregistré les sous-traitant comme organismes de formation ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit ;

- le compte rendu d'entretien professionnel est entaché d'erreur manifeste d'appréciation :

. sur le reproche de l'absence de validation de ses rapports par un supérieur hiérarchique avant notification aux intéressés : aucun texte ne prévoit une validation ou une notification du rapport de contrôle par le chef de service, délégataire de la signature du préfet pour les décisions en la matière ; c'est à l'agent de contrôle de notifier les résultats de ses constats et au délégataire de l'autorité administrative de prendre les décisions qu'il juge utiles ; la note de service diffusée le 11 février 2016, laquelle impose la signature d'un supérieur hiérarchique lorsque le contrôle contient une proposition de sanction, ne saurait prévaloir sur les textes légaux en restreignant notamment les compétences des agents, ni constituer une base légale aux délégations de compétence ou de signature ;

. sur le reproche du refus d'enregistrement des sous-traitants : c'est à tort qu'on lui a reproché de refuser d'enregistrer les sous-traitants comme organismes de formation car il ressort clairement des dispositions de l'article L. 6351-1 du code du travail, qu'elle n'avait pas à le faire ; de plus, elle n'a pas refusé de les enregistrer mais a uniquement informé les sous-traitants des textes légaux les dispensant d'enregistrement ;

. sur le reproche du non-respect des priorités de contrôle fixées par la structure pour l'année 2008 : cette appréciation est entachée d'une manifeste contradiction dès lors que le compte rendu précise que les objectifs qui lui ont été assignés ont été atteints ; l'instruction des dossiers de déclaration d'activités devait s'entendre comme un contrôle en amont ; la rédaction des refus qu'elle faisait pour l'Alsace s'inscrivait dans les fonctions de contrôle des prestataires de formation ; même sans tenir compte de l'activité de rédaction de décisions de refus, elle a mené 5 contrôles qui entraient dans les priorités de contrôles définies dans l'instruction de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ;

- le reproche de refus d'obéissance n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2022, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'absence, dans le jugement contesté, du mémoire en réplique du 16 octobre 2020, enregistré le 19 octobre 2020, de Mme A... n'est pas susceptible d'entacher le jugement d'irrégularité dans la mesure où ce mémoire n'apportait aucun moyen ni élément nouveau ;

- le jugement est suffisamment motivé : si la requérante fait valoir que le tribunal administratif n'a pas répondu à l'argument selon lequel on lui reproche son refus d'enregistrer des sous-traitants, celui-ci doit être rattaché au moyen plus global tiré de l'erreur de droit entachant son évaluation ;

- le compte rendu d'entretien professionnel n'est pas entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

* sur le reproche de l'absence de validation de ses rapports par un supérieur hiérarchique avant notification aux intéressés : si l'activité de contrôle de la formation professionnelle est fixée par le code du travail, son organisation, sa mise en œuvre et sa supervision sur le territoire sont du ressort du responsable du service en charge de ces opérations ; la procédure interne est régie par une note interne diffusée auprès des agents le 11 février 2016, laquelle prévoit une signature obligatoire du supérieur hiérarchique pour les rapports de contrôle ; Mme A... n'a pas respecté la procédure spécifique de validation des rapports malgré le rappel qui lui en a été fait à deux reprises lors d'un entretien le 27 novembre 2018 et par courriels des 11 septembre et 30 novembre 2018 ; par deux fois en 2018, Mme A... n'a pas transmis préalablement à son responsable, pour validation avant envoi aux intéressés, les rapports de contrôle impliquant des sanctions financières et les notifications s'y rapportant ;

* sur le reproche du refus d'enregistrement des sous-traitants, elle a montré des signes d'agressivité lorsque son chef lui a demandé d'appliquer les instructions de la DGEFP qui était de les enregistrer ;

* sur le reproche du non-respect des priorités de contrôle fixées par la structure pour l'année 2008, Mme A... a réalisé le contrôle d'un seul organisme de formation alors qu'il s'agissait de la seconde priorité affichée par la DGEFP dans sa circulaire du 31 janvier 2018 ;

- un nouveau compte rendu d'entretien professionnel a été notifié à la requérante le 28 octobre 2019 qui a enlevé la mention " électron libre ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent de contrôle de la formation professionnelle dans le corps des inspecteurs du travail au sein du service régional de contrôle de la formation professionnelle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Grand Est, s'est vu notifier le 20 juin 2020 le compte rendu de son entretien professionnel réalisé le 26 février 2019, au titre de l'année 2018. La requérante a introduit le même jour un recours pour contester la baisse de l'appréciation de trois des dix critères évaluant sa valeur professionnelle ainsi qu'une partie de l'appréciation générale figurant dans son compte rendu d'entretien professionnel. Par une décision en date du 26 juin 2019, notifiée à Mme A... le 16 juillet 2019, la directrice de la DIRECCTE a partiellement fait droit à sa demande en modifiant son appréciation littérale sans modifier l'appréciation des trois items. Un nouveau compte rendu d'entretien professionnel a en conséquence été notifié à l'intéressée le 29 octobre 2019. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de la décision du 26 juin 2019 rejetant partiellement sa demande de révision de son compte rendu d'entretien professionnel. Elle relève appel du jugement du 28 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que si le premier juge a répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le compte rendu d'évaluation de Mme A..., il n'a apporté aucune réponse à la contestation très argumentée de la requérante sur le reproche, selon elle infondé, qui lui avait été opposé de ne pas enregistrer les sous-traitants comme organismes de formation. Dans ces conditions, le premier juge a insuffisamment motivé son jugement. Celui-ci doit par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la légalité de la décision du 26 juin 2019 :

5. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées ". Aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " (...) l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat, dans sa version applicable du 5 mai 2017 au 1er janvier 2020 : " L'entretien professionnel porte principalement sur :1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; 3° La manière de servir du fonctionnaire ; 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; (...) ". Il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que l'appréciation portée sur le fonctionnaire et l'évaluation qui en résulte doivent prendre en compte la manière de servir pendant toute l'année qui précède.

6. Par la décision litigieuse du 26 juin 2019, l'administration a refusé partiellement de procéder à une révision de l'appréciation de la valeur professionnelle de Mme A... et a maintenu la qualification de " bon " aux items " efficacité ", " qualités relationnelles " et " capacités à exercer des responsabilités de niveau supérieur " alors que la requérante avait obtenu " excellent " l'année précédente.

7. Il ressort des pièces du dossier que pour qualifier de " bon " les trois items précités, le supérieur hiérarchique direct de Mme A... a considéré que cette dernière ne respectait pas les consignes internes et en particulier ne transmettait pas pour validation à son supérieur hiérarchique direct son rapport de contrôle comprenant une sanction avant sa notification, n'enregistrait pas les sous-traitants comme organisme de formation et n'avait pas priorisé le contrôle des organismes de formation. La requérante, qui ne conteste pas sérieusement la matérialité de ces faits, allègue qu'elle ne s'est conformée qu'au respect des textes légaux. Toutefois, la circonstance qu'aucun texte légal n'impose les règles instituées par son supérieur hiérarchique au sein de son service par voie de notes internes ne pouvait dispenser la requérante de les respecter.

8. Or, une note de service du 11 février 2016 prévoyait, pour des motifs de sécurisation, la validation des rapports comportant une proposition de sanction. Une circulaire du 6 janvier 2011 de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) relative à la déclaration d'activités des prestataires de formation imposait l'enregistrement des sous-traitants comme organisme de formation. La circonstance, à la supposer même avérée, que le code du travail ne prévoyait pas une telle exigence d'enregistrement, si elle pouvait être de nature à faire l'objet par la requérante d'une observation auprès de son supérieur hiérarchique, ne pouvait justifier le refus de les enregistrer, ni même une information des intéressés quant à leurs obligations réglementaires. Enfin, la circulaire du 31 janvier 2018 qui fixe les priorités des agents des DIRECCTE a affiché comme deuxième priorité, le contrôle des organismes de formation. Le compte rendu d'entretien professionnel de Mme A..., qui précise que pour son objectif n° 1 " plan de contrôle du SRC " l'activité de contrôle est satisfaisante et atteinte mais qu'elle doit orienter son activité de contrôle sur les organismes de formation, ne contient aucune contradiction. Si la requérante fait également valoir qu'elle a réalisé 5 contrôles relevant des priorités de la circulaire sur les 239 contrôles effectués, ce constat ne remet pas en cause l'appréciation portée sur son activité de contrôle sur les organismes de formation au titre des priorités de la circulaire.

9. Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la directrice de la DIRECCTE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de modifier la notation des trois items qualifiés de " bon " et en reprenant en compte les constats précités quant au respect des priorités et de la position du service dans le cadre de l'appréciation littérale de sa valeur professionnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 26 juin 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par suite être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1906964 du 28 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions d'appel de Mme A... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 21NC00110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00110
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;21nc00110 ?
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