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21/03/2024 | FRANCE | N°23NC01656

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23NC01656


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet du Jura de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans

le système d'information Schengen, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet du Jura de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et, à défaut, de procéder dans le même délai d'un mois au réexamen de sa situation personnelle et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2200575 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01656 le 30 mai 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 14 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Jura de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et, à défaut, de procéder dans le même délai d'un mois au réexamen de sa situation personnelle et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation concernant la validité des actes d'état civil qu'il a produits à l'appui de sa demande de titre de séjour et concernant l'atteinte portée à son droit au respect de la vie privée et familiale par la décision de refus de titre de séjour ; le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français est fondé ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en l'absence de fraude entachant sa demande de titre de séjour ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français est fondé ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en écartant le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet du Jura pour lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2023, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, qui déclare être né le 5 octobre 2002 et être entré en France le 26 novembre 2018, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or à compter du 26 novembre 2018. Le 5 octobre 2021, l'intéressé a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 mars 2022, dont M. A... demande l'annulation, le préfet du Jura a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura du 22 mars 2022, M. A... a soulevé le moyen tiré du défaut de motivation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. En omettant de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif de Besançon a entaché son jugement du 30 juin 2022 d'irrégularité et il y a lieu d'en prononcer l'annulation pour ce motif.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision de refus de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle n'a dès lors pas méconnu les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. D'une part, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 435-3, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. En cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

8. Le préfet du Jura a refusé de délivrer un titre de séjour aux motifs, d'une part, que M. A... avait présenté des documents d'identité dépourvus d'authenticité et n'avait ainsi pas justifié satisfaire à la condition d'âge mentionnée à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, que l'intéressé ne remplissait pas la condition relative au suivi de formation prévue au même article.

9. Pour établir son identité, M. A... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un acte de naissance et un extrait d'un jugement supplétif d'acte de naissance.

10. Dans leur rapport du 19 octobre 2021, les services de la police aux frontières de Pontarlier ont émis un avis défavorable sur la valeur probante des documents présentés par M. A... en se fondant, en particulier, sur l'absence de production du jugement supplétif intégral sur l'appui duquel l'acte de naissance a été établi, sur l'absence de mentions obligatoires sur l'acte de naissance comme le numéro fiduciaire, l'heure de naissance, les âges et domiciles des parents de l'intéressé et une faute d'orthographe grossière et, enfin, sur une incohérence manifeste dans l'année de naissance de M. A... sur l'extrait de jugement supplétif. Au regard de ces nombreux éléments, faisant apparaître objectivement une contrefaçon et alors même que les services de cellule de fraude documentaire de la police aux frontières de Pontarlier n'ont pas cité les dispositions en vigueur des lois régissant l'état civil malien, le préfet du Jura a pu légalement estimer que les informations dont il disposait étaient suffisamment précises pour considérer que les documents produits étaient dépourvus de valeur probante et renverser la présomption simple attachée aux dispositions de l'article 47 du code civil. Par conséquent, le préfet du Jura pouvait, sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur de droit, estimer que les faits déclarés dans les actes d'état civil produits par le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour ne permettaient pas d'établir, en l'absence de certitude sur sa date de naissance véritable, que l'intéressé avait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans.

11. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A..., inscrit en CAP cuisine pour les années 2020-2021 et 2021-2022 à Dijon, ne s'est pas rendu à cette formation en raison de la distance le séparant de Dijon sans justifier son incapacité à s'y rendre ou à s'inscrire à une formation équivalente plus proche de son lieu de résidence. Si l'intéressé a signé avec la mission locale de Dôle-Revermont, le 30 septembre 2021, un contrat de " parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie " visant à l'accompagner vers l'insertion professionnelle et qu'il dispose également d'une promesse de recrutement en apprentissage, ces seuls éléments restent par eux-mêmes insuffisants pour caractériser le suivi d'une formation professionnelle qualifiante depuis au moins six mois. Dans ces conditions, le préfet du Jura a pu également par ce motif rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A....

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. A..., présent sur le territoire national depuis novembre 2018, est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas d'une insertion professionnelle ou avoir noué des liens d'une intensité particulière durant son séjour en France. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Le préfet du Jura n'a pas davantage, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

14. En dernier lieu, l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : (...) 3° Au plus tard, deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, s'il ne remplit pas les conditions de délivrance de l'un des titres de séjour mentionnés au 2° (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté sa demande de titre de séjour le 5 octobre 2021, à l'âge de ses prétendus 19 ans, soit après le délai mentionné au 3° de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet du Jura pouvait en tout état de cause rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé présentée en dehors des délais réglementaires.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

16. La décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

17. En premier lieu, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

18. En vertu des dispositions combinées du 3° de l'article L. 612-2 et du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Sauf circonstance particulière, un tel risque est établi lorsque l'étranger n'a pas justifié être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas davantage sollicité la délivrance d'un titre de séjour.

19. Si M. A... n'a pas justifié être entré régulièrement sur le territoire français, il a en revanche bien sollicité, le 5 octobre 2021, la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, en refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire en se fondant sur le risque énoncé au 1° de l'article L. 612-3, le préfet du Jura a commis une erreur de droit.

20. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

21. Dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif de Besançon, enregistré le 4 mai 2022, le préfet du Jura a fait valoir un autre motif que celui ayant initialement fondé la décision en litige tiré de ce que le requérant a présenté une demande de titre de séjour manifestement frauduleuse.

22. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance (...) de son titre de séjour (...) au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse (...) ".

23. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le préfet pouvait, sur le fondement du 2° de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile refuser d'octroyer un délai de départ volontaire à M. A....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

24. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

25. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.

26. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Jura aurait omis de procéder à un examen personnalisé de la situation de M. A... et n'aurait pas pris en compte les éléments relatifs à sa situation personnelle avant de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français.

27. En dernier lieu, en vertu des articles L. 613-2, L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger en tenant compte, pour fixer la durée de cette interdiction de retour, de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

28. D'une part, au regard des éléments figurant dans l'arrêté en litige, la décision par laquelle le préfet du Jura a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

29. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le préfet du Jura, en décidant de prononcer à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, n'a en l'espèce pas commis d'erreur d'appréciation.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2022 attaqué. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

31. Le présent arrêt, qui ne fait pas droit aux conclusions en annulation, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction doivent par conséquent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200575 du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

Délibéré après l'audience du 21 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01656
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23nc01656 ?
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