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21/03/2024 | FRANCE | N°21NC00738

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 21 mars 2024, 21NC00738


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision révélée par le comportement de l'administration par laquelle le directeur du centre de détention de Toul l'a maintenu dans un régime exorbitant de fouilles à nu systématiques depuis le 13 mars 2019, d'enjoindre au directeur du centre de détention de Toul de faire cesser les fouilles corporelles intégrales sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 50

0 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision révélée par le comportement de l'administration par laquelle le directeur du centre de détention de Toul l'a maintenu dans un régime exorbitant de fouilles à nu systématiques depuis le 13 mars 2019, d'enjoindre au directeur du centre de détention de Toul de faire cesser les fouilles corporelles intégrales sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire.

Par un jugement n° 1901251 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du directeur du centre de détention de Toul soumettant M. B... à un régime de fouilles à nu systématique depuis le 13 mars 2019, lui a enjoint d'y mettre fin sans délai, a mis une somme de 700 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rendu un non-lieu à statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la requête de M. B....

Il soutient que :

- le jugement du tribunal est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dès lors qu'aucune décision de fouille systématique intégrale n'a été prise le 13 mars 2019 ; en l'absence d'une telle décision, la requête était irrecevable ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, aucun des moyens soulevés en première instance n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré 18 mars 2022, M. B..., représenté par Me Ciaudo conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de prononcer contre l'Etat une astreinte de 100 euros par jour d'inexécution du jugement du 12 janvier 2021 passé un délai de quinze jours après la notification du jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi pénitentiaire n° 2009-1346 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... qui était incarcéré au centre de détention de Toul depuis le 6 décembre 2016 a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision tacite par laquelle le directeur de cet établissement pénitentiaire de Toul l'a soumis à un régime de fouilles à nu systématique depuis le 13 mars 2019. Par un jugement du 12 janvier 2021, dont le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel, le tribunal a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en œuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement. / Lorsque les mesures de fouille des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont réalisées à l'occasion de leur extraction ou de leur transfèrement par l'administration pénitentiaire, elles sont mises en œuvre sur décision du chef d'escorte. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées et des circonstances dans lesquelles se déroule l'extraction ou le transfèrement ".

3. Il résulte de ces dispositions que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des tiers. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller, d'une part, à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et, d'autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., écroué depuis le 24 aout 2004 et incarcéré au centre de détention de Toul depuis le 6 décembre 2016 a été soumis à un régime exorbitant de fouilles intégrales systématiques par une décision du 12 décembre 2018 après la découverte à plusieurs reprises d'objets interdits dans sa cellule jusqu'à la levée de ce régime par une décision du 13 mars 2019. Le ministre conteste le maintien de ce régime après cette date en faisant valoir que de telles fouilles ont été effectuées ponctuellement à l'issue des parloirs des 20, 21 et 22 avril 2019 et non à l'issue de la totalité des sept parloirs entre le 16 mars et le 31 mars 2019 et que les fouilles qui ont été réalisées les 20, 21 et 22 avril étaient des fouilles non individualisées. Si les convocations au parloir de M. B... des 16, 23, 24, 30 et 31 mars 2019 portent la mention manuscrite " à nu ", cette mention n'a pu être portée que par l'intéressé lui-même, le ministre produisant un tableau des parloirs prévus indiquant que M. B... ne s'est pas rendu aux parloirs des 16 mars, 24 mars et 30 mars 2019. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que le directeur du centre de détention de Toul n'a pris aucune décision soumettant M. B... à un régime de fouilles à nu systématique depuis le 13 mars 2019 et l'intéressé n'était pas recevable à demander l'annulation de cette prétendue décision. Le garde des sceaux, ministre de la justice est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a fait droit à la demande de M. B....

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par M. B... tant en première instance qu'en appel.

6. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. B... doit être rejetée comme irrecevable.

7. Par voie de conséquences les conclusions présentées en appel par M. B... tendant à ce que la cour prononce à l'encontre de l'Etat une astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901251 du 12 janvier 2021 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 21 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Guidi Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC00738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00738
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP THEMIS AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;21nc00738 ?
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