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21/03/2024 | FRANCE | N°20NC02499

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 21 mars 2024, 20NC02499


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision par laquelle le président du syndicat mixte de gestion de la Maison de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE) du Territoire-de-Belfort a implicitement rejeté sa demande du 5 mars 2018 tendant au versement à son profit d'une somme de 91 367,16 euros bruts.



Par un jugement n° 1801555 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 25 août 2020, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision par laquelle le président du syndicat mixte de gestion de la Maison de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE) du Territoire-de-Belfort a implicitement rejeté sa demande du 5 mars 2018 tendant au versement à son profit d'une somme de 91 367,16 euros bruts.

Par un jugement n° 1801555 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 août 2020, M. A..., représenté par Me Lagarrigue demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 juin 2020 ;

2°) de condamner le syndicat mixte de gestion de la Maison de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE) du Territoire-de-Belfort à lui verser la somme de 86 917,49 euros ;

3°) d'enjoindre à la MIFE du Territoire-de-Belfort de lui verser cette somme dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la MIFE du Territoire de Belfort le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

- il existe une décision individuelle créatrice de droits de lui verser une indemnité qui est née le 18 janvier 2016 date de la signature de cette convention et non le 26 février 2016 comme l'a retenu à tort le tribunal administratif alors même que cette convention serait illicite ;

- la décision individuelle créatrice de droits est révélée par le reçu pour solde de tout compte, le bulletin de paie de mars 2016 et le certificat de travail établi par la MIFE ;

- la décision de retrait de cette décision individuelle n'étant intervenue que le 22 juin 2016, le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration était expiré et la décision créatrice de droits est devenue définitive.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2020, le syndicat mixte de gestion de la maison de l'information sur la formation et l'emploi du Territoire-de-Belfort, représenté par Me Simplot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la demande de condamnation pécuniaire formulée en appel est irrecevable dès lors qu'aucune demande indemnitaire préalable n'a lié le contentieux, que la requête de première instance est tardive et à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La cour a informé les parties le 16 février 2024 qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative un moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal administratif a méconnu son office en raison d'une erreur quant à la nature du recours contentieux dont il était saisi, était susceptible d'être relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté, à compter du 1er décembre 1999, en qualité de chargé de mission contractuel par " l'association pour la mise en place de la Maison de l'information sur la formation et l'emploi " (AMP-MIFE) du Territoire-de-Belfort. M. A... a été nommé directeur, à compter du 6 décembre 2000, de cette association devenue, au 1er janvier 2001, un syndicat mixte constitué entre le département du Territoire-de-Belfort et la ville de Belfort. A compter du 1er janvier 2007, le contrat à durée déterminée de M. A... a évolué en contrat à durée indéterminée. Le 18 janvier 2016, une rupture conventionnelle, négociée entre la MIFE et M. A..., a fixé la date du départ volontaire de ce dernier au 1er mars 2016 et le versement à son profit d'une indemnité de 91 367,16 euros bruts. Par un courrier du 22 juin 2016, le président de la MIFE a confirmé à M. A... l'impossibilité légale de mettre en œuvre la rupture conventionnelle et de lui verser l'indemnité correspondante. Par un courrier du 5 mars 2018, reçu le 7 mars suivant, M. A... a demandé à la MIFE de lui verser cette indemnité. Par une décision implicite, le président de la MIFE a rejeté cette demande. M. A... relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Si un recours pour excès de pouvoir peut être exercé contre une décision à objet pécuniaire en lieu et place d'un recours de plein contentieux, la nature du recours se détermine " compte tenu tant des conclusions de la requête que de la nature des moyens présentés ".

3. En dépit des conclusions formulées par M. A... dans sa demande présentée devant le tribunal administratif qui tendaient à la condamnation de la MIFE à lui verser la somme prévue lors de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, les premiers juges ont estimé qu'il devait être regardé comme demandant l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 5 mars 2018 tendant au paiement de la somme litigieuse et qu'ils étaient saisis d'un recours pour excès de pouvoir. Le jugement du tribunal administratif de Besançon s'est ainsi mépris sur la nature de la décision contestée et doit, dès lors, être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Besançon.

Sur demande indemnitaire de M. A... :

5. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration à l'encontre d'un contrat administratif, " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. Il en va de même, dès lors que le bénéfice de l'avantage en cause ne résulte pas d'une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l'administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l'administration.

6. A l'appui de sa demande, M. A... se prévaut, en l'absence de décision individuelle explicite lui attribuant une indemnité, de la convention de rupture conventionnelle signée le 18 janvier 2016, d'un reçu pour solde de tout compte, non daté et non signé, d'un bulletin de paie de mars 2016 qui mentionne l'indemnité en litige et d'un certificat de travail établi par son employeur.

7. Il résulte de l'instruction qu'une convention de rupture conventionnelle au visa de l'article L. 1237-15 du code du travail a été signée le 18 janvier 2016 entre la MIFE du Territoire-de-Belfort et M. A... afin de mettre un terme à son contrat à durée indéterminée de directeur à compter du 1er mars 2016 contre le versement d'une indemnité d'un montant de 91 367,16 euros bruts. En l'absence de décision expresse de l'inspection du travail, cet accord a été implicitement homologué par l'inspecteur du travail le 26 février 2016, ainsi que le mentionne l'accusé réception de ses services du 11 février 2016 et M. A... a effectivement quitté ses fonctions le 1er mars 2016. Il résulte des termes de cette convention que, passé le délai de rétraction courant jusqu'au 5 février 2016, les parties ont soumis l'entrée en vigueur de cette convention à deux conditions préalables, l'homologation par l'inspection du travail et la cessation de fonctions de M. A.... Une mise en paiement de cette indemnité a été engagée dans le courant du mois de mars 2016 ainsi que le révèlent les documents produits à l'instance. Dès lors que ces deux conditions étaient remplies à la date à laquelle M. A... a définitivement cessé ses fonctions, une décision créatrice de droits en faveur de ce dernier est née au 1er mars 2016, date à laquelle cet acte a commencé à produire des effets créateurs de droit.

8. D'une part, il est constant que M. A... a été recruté le 28 décembre 2000 en application des dispositions de l'article 63 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 en qualité d'agent contractuel pour exercer les fonctions de directeur à compter du 1er janvier 2001 par un syndicat mixte créé sous la forme d'un établissement public de coopération intercommunale en application de l'article L. 5721-1 du code général des collectivités territoriales et qu'à la date de signature de la convention de rupture conventionnelle le 18 janvier 2016, aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoyait la possibilité pour un établissement public de conclure une telle convention pour mettre un terme à un contrat à durée indéterminée d'un agent public relevant de la fonction publique territoriale. Par suite, cette convention est illégale.

9. D'autre part, dès lors qu'il résulte de ce qui est exposé aux points 7 et 8 qu'une décision créatrice de droits illégale est née le 1er mars 2016 au profit de M. A..., le délai pour la retirer expirait donc le 1er juillet 2016.

10. Il résulte de l'instruction que le président de la MIFE a informé M. A... par un courrier du 22 juin 2016 de l'illégalité de la rupture conventionnelle en raison de son statut d'agent contractuel de droit public et de l'impossibilité de lui verser une indemnité. Il doit ainsi être regardé comme ayant retiré la décision créatrice de droit née le 1er mars 2016, en raison de son illégalité. Cette décision de retrait étant intervenue dans le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, M. A... n'est pas fondé à demander la condamnation de la MIFE à lui verser cette indemnité d'un montant de 91 367,16 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la MIFE et non compris dans les dépens.

13. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A..., qui est la partie perdante, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 25 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : M. A... versera au syndicat mixte de gestion de la Maison de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE) du Territoire-de-Belfort la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au syndicat mixte de gestion de la Maison de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE) du Territoire-de-Belfort.

Copie en sera adressée au préfet du Territoire-de-Belfort.

Délibéré après l'audience du 21 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet du Territoire-de-Belfort en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC02499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02499
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LAGARRIGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;20nc02499 ?
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