Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par la ministre du travail sur sa demande indemnitaire préalable formulée par un courrier du 25 septembre 2017, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation du préjudice d'anxiété résultant des fautes commises par les services du ministère du travail et la juridiction administrative et d'ordonner une expertise aux fins d'évaluation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence.
Par un jugement n° 1800100 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 avril 2020 et le 26 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Pecheul, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2020 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros majorés des intérêts moratoires en réparation du préjudice d'anxiété qu'il estime avoir subi.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal est insuffisamment motivé et a été rendu en méconnaissance du principe d'impartialité ;
- en annulant à tort la décision du 7 février 2005 du ministre chargé du travail ayant refusé d'inscrire l'établissement Alstom Power Turbomachines Electriques sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le tribunal administratif de Besançon a commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; cette faute lui a occasionné un préjudice d'anxiété évalué à 15 000 euros à compter de l'inscription de cet établissement sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante par un arrêté du ministre chargé du travail du 6 décembre 2007 ; eu égard à la nature du préjudice qu'il a subi, la démonstration d'une faute simple suffit à engager la responsabilité de l'Etat ;
- le ministre chargé du travail a commis une faute en inscrivant, par un arrêté du 30 octobre 2007, l'établissement Alstom Power Turbomachines Electriques sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, alors que le jugement du tribunal administratif de Besançon a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy le 22 juin 2009 ; cette faute a occasionné un préjudice d'anxiété évalué à 15 000 euros ;
- sa créance indemnitaire n'est pas prescrite.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la créance indemnitaire dont M. B... se prévaut est prescrite ;
- les conditions tenant à la mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat du fait du fonctionnement du service public de la justice ne sont pas remplies.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2020, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la créance indemnitaire dont M. B... se prévaut est prescrite ;
- les conditions tenant à la mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat ne sont pas remplies.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, présidente,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 26 juin 2007, le tribunal administratif de Besançon a annulé le refus du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale d'inscrire l'établissement Alstom Power Turbomachines Electriques sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, au motif que le ministre avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de reconnaître l'établissement comme ayant recouru à des opérations de calorifugeage au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la demande présentée à cet effet par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement. Par un arrêt du 22 juin 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a toutefois annulé ce jugement au motif que l'établissement Alstom Turbomachines Machines Electriques n'avait pas eu recours de manière significative à des opérations de calorifugeage. Le pourvoi en cassation contre cet arrêt a été rejeté par le Conseil d'Etat par une décision du 12 mars 2010. Estimant avoir subi un préjudice d'anxiété résultant du jugement erroné du tribunal administratif de Besançon et de l'inscription de l'établissement Alstom Power Turbomachines Electriques sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, M. B... a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser 15 000 euros de dommages et intérêts. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2020 ayant rejeté sa requête.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que soutient M. B..., le jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2020 est suffisamment motivé au regard de l'ensemble des moyens soulevés devant lui. Par conséquent le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier faute de motivation suffisante doit être écarté.
4. En deuxième lieu, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant les conditions dans lesquelles il doit être statué après l'annulation d'une décision de justice, ni le devoir d'impartialité qui s'impose à toute juridiction, ni aucune autre règle générale de procédure ne s'oppose à ce qu'un tribunal dont une décision a été annulée délibère à nouveau sur une affaire consécutive à cette annulation. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Besançon dont le jugement du 26 juin 2007 a, à tort, annulé le refus du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale d'inscrire l'établissement Alstom Power Turbomachines Electriques sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ne pouvait régulièrement statuer sur la requête indemnitaire de M. B... sans méconnaitre le principe d'impartialité doit être écarté.
Sur la responsabilité de l'Etat du fait de la faute commise par la juridiction administrative :
5. En vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité, étant précisé que l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose toutefois à la mise en jeu de cette responsabilité dans les cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive, mais que la responsabilité de l'Etat peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entachée d'une violation manifeste du droit de l'Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
6. Par un jugement en date du 26 juin 2007, le tribunal administratif de Besançon a annulé le refus du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale d'inscrire l'établissement Alstom Power Turbomachines Machines Electriques sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, au motif que le ministre avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de reconnaître l'établissement comme ayant recouru à des opérations de calorifugeage, au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la demande présentée à cet effet par le CHSCT de l'établissement. Par un arrêt du 22 juin 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a toutefois annulé ce jugement au motif que l'établissement Alstom Turbomachines Machines Electriques n'avait pas eu recours de manière significative à des opérations de calorifugeage. Le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi en cassation contre cet arrêt par une décision du 12 mars 2010. Dans les circonstances de l'affaire, le fait pour le tribunal administratif de Besançon d'avoir annulé à tort la décision du 7 février 2005 du ministre chargé du travail ayant refusé d'inscrire l'établissement Alstom Power Turbomachines Machines Electriques sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, n'est pas constitutif d'une faute lourde, seule de nature à engager la responsabilité de l'Etat. La gravité des conséquences qu'aurait éventuellement entraîné ce jugement pour M. B..., salarié au sein de la société Alstom Power System du 29 mai 1967 au 30 juin 1999, est, par elle-même, sans influence sur l'appréciation de la gravité de la faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
Sur la responsabilité de l'Etat du fait de la faute commise par le ministre du travail :
7. En inscrivant, par un arrêté du 30 octobre 2007, l'établissement Alstom Power Turbomachines Machines Electriques sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité s'est borné à exécuter, comme il y était tenu, le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 juin 2007, et ne saurait, par suite, être regardé comme ayant commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la prescription quadriennale invoquée en défense que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2020 ayant rejeté sa demande indemnitaire.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre du travail, de la santé et des solidarités et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 21 février 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités et au garde des sceaux, ministre de la justice, chacun en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 20NC00869