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14/03/2024 | FRANCE | N°23NC01661

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 mars 2024, 23NC01661


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C..., M. B... C... et Mme E... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 18 juillet 2022 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2201617, 2201618, 2201619 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a r

ejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour :



I.) Par une requête, enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., M. B... C... et Mme E... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 18 juillet 2022 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201617, 2201618, 2201619 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 sous le n° 23NC01661, M. A... C..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui remettre sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros hors taxes à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et entaché leur jugement d'erreur d'appréciation ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne pourra pas avoir un accès effectif à une prise en charge médicale en Albanie ;

- il appartient à la cour de solliciter la communication des documents extraits des bases non ouvertes au public qui ont fondé l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

II.) Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 sous le n° 23NC01662, M. B... C..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui remettre sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros hors taxes à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et entaché leur jugement d'erreur d'appréciation ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne pourra pas avoir un accès effectif à une prise en charge médicale en Albanie ;

- il appartient à la cour de solliciter la communication des documents extraits des bases non ouvertes au public qui ont fondé l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

III.) Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, Mme E... C..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui remettre sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros hors taxes à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et entaché leur jugement d'erreur d'appréciation ;

- ils n'ont pas répondu à son argumentation relative au défaut d'accès à un traitement approprié à son état de santé ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne pourra pas avoir un accès effectif à une prise en charge médicale en Albanie ;

- il appartient à la cour de solliciter la communication des documents extraits des bases non ouvertes au public qui ont fondé l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Mosser, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., Mme E... C..., et leur fils A..., ressortissants albanais nés respectivement en 1959, 1960 et 1983, sont entrés irrégulièrement en France le 19 septembre 2015 selon leurs déclarations. Ils ont présenté des demandes d'asile, qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en 2016 puis par la Cour nationale du droit d'asile en 2017. Par des arrêtés du 24 novembre 2017, ils ont tous les trois fait l'objet de décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales et leur faisant obligation de quitter le territoire français. Le 5 janvier 2022, ils ont de nouveau sollicité leur admission au séjour en se prévalant de leur état de santé. Par des arrêtés du 18 juillet 2022, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par les trois requêtes visées ci-dessus, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, MM. et Mme C... relèvent appel du jugement du 21 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, si les requérants soutiennent sur les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dénaturé les pièces des dossiers, de telles erreurs, à les supposer établies, sont seulement susceptibles de remettre en cause, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les motifs retenus par les premiers juges pour rejeter leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 juillet 2022. Par suite, les erreurs alléguées, qui se rapportent au bien-fondé du jugement attaqué, sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.

3. D'autre part, et alors que Mme C... soutenait, à l'appui de son moyen, qui n'est pas inopérant, tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle ne pouvait pas, à l'instar de son époux et de son fils, effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, il ressort du jugement attaqué qu'il ne comporte une motivation sur ce point qu'en ce qui concerne MM. C... tandis que la situation de la demanderesse n'a pas été examinée. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une irrégularité et à en demander l'annulation en tant qu'il a statué sur sa demande.

4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Besançon tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2022 et, dans le cadre de l'effet dévolutif, sur les demandes présentées par MM. C....

Sur les conclusions présentées par Mme C... :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier produites par le préfet du Doubs, notamment des termes mêmes de l'avis du collège des médecins de l'OFII émis le 23 juin 2022 qu'il a été rendu au vu d'un rapport médical établi le 20 mai 2022 par un médecin de l'Office, qui n'a pas siégé au sein de ce collège. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure au regard des dispositions précitées doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionné à l'article R. 425-11, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

9. Par ailleurs, la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

10. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

11. A cet égard, d'une part, la " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) se borne à recenser, le cas échéant avec leur adresse, les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII, elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. D'autre part, il ne ressort d'aucune obligation légale ou réglementaire ni que le collège des médecins de l'OFII doive regrouper dans un document l'ensemble des recherches effectuées sur chacun des cas qui lui est soumis pour avis, ni que l'administration soit tenue d'élaborer un tel document en vue de sa communication.

12. Pour refuser d'admettre Mme C... au séjour en raison de son état de santé, le préfet du Doubs s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 23 juin 2022, dont il ressort que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Mme C..., qui souffre d'une psychose et de troubles graves du comportement ainsi que d'une hypertension, conteste l'accès effectif au traitement requis par son état de santé, constitué d'un antidépresseur (Sertraline), d'un antipsychotique (Risperdal) et d'un anxiolytique de la famille des benzodiazépines (Valium) ainsi qu'il ressort tant du certificat médical établi à l'attention de l'OFII que du rapport du médecin de l'Office ayant examiné son dossier, compte tenu du coût de celui-ci. Il ressort des attestations qu'elle produit, qui émaneraient de deux pharmaciens officiant à Shköder et à Tirana, que l'antidépresseur qui lui est prescrit ne serait pas remboursé en Albanie. A supposer que ces documents puissent établir cette absence de prise en charge par l'assurance maladie, la requérante n'établit toutefois pas qu'elle ne pourrait pas avoir accès à un autre médicament équivalent remboursé par l'assurance-maladie de son pays d'origine, ni que, si tel n'était pas le cas, elle ne pourrait pas, compte tenu du montant de la pension qui lui est versée dans son pays d'origine, en assurer la charge financière, le montant du traitement indiqué sur le document produit n'étant corroboré par aucune pièce probante. Enfin, si elle soutient ne pas pouvoir financer le coût de l'analyse médicale pratiquée en France en février 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait la prescription d'une telle analyse dont elle a chiffré le coût à 215 euros. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 11, de solliciter de l'OFII la communication des sources documentaires ayant fondé l'avis du collège des médecins, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... résidait sur le territoire français, avec son mari et leur fils majeur, depuis presque sept années à la date de la décision en litige, où elle s'est maintenue en dépit du rejet de sa demande d'asile et d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 24 novembre 2017. En dehors de la présence de son époux et de son fils, qui font également l'objet de refus de titre de séjour et de mesures d'éloignement, elle ne dispose d'aucune attache familiale en France et n'allègue par ailleurs pas avoir noué sur le territoire des attaches personnelles. Dans ces conditions, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour poursuivre sa vie familiale, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît ces stipulations.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) ; 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

17. Pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 12 du présent arrêt, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions précitées.

18. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 14 du présent arrêt, la requérante n'est pas non plus fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

19. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

22. Il ne ressort pas des certificats médicaux produits, ni des autres pièces du dossier, que Mme C... serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, ni à une réduction significative de son espérance de vie. Par suite, le moyen de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

23. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2022. Le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté, y compris les conclusions à fin d'injonction et, dans les circonstances de l'espèce, celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions préséntées par MM. C... :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

24. En premier lieu, il ressort des certificats médicaux produits que M. A... C... qu'il souffre d'une pathologie psychiatrique sévère de type schizophrénie chronique, pour laquelle il bénéficie d'un traitement constitué des mêmes molécules que celles prescrites à sa mère, et qu'il est également atteint d'une hépatite B traitée par Viread. Son père, M. B... C... souffre lui aussi d'une hépatite B et est atteint par ailleurs d'une cardiopathie hypertensive ischémique dégénérative, d'une coronaropathie et artériopathie des membres inférieurs et d'un syndrome anxio-dépressif sévère. D'une part, et ainsi qu'il a été dit au point 12 du présent arrêt, il n'est pas contesté que deux des médicaments prescrits pour la pathologie psychiatrique du fils sont remboursés en Albanie tandis qu'il n'est pas établi que le requérant ne pourrait pas bénéficier d'un antidépresseur remboursé qui serait équivalent à celui qui lui est prescrit en France. D'autre part, M. B... C... ne conteste pas que le traitement prescrit, dont il justifie par les certificats médicaux produits, à savoir Lyrica (traitement des douleurs neuropathiques et des troubles du stress post-traumatique) et Duloxétine (traitement de l'arthrose du genou et antidépresseur), est disponible en Albanie. Quant au traitement de l'hépatite B, les requérants n'établissent pas, en se bornant à produire une liste de médicaments prétendument annotée par deux pharmaciens de Shköder et de Tirana, que le Viread ne serait pas disponible dans d'autres pharmacies ou hôpitaux. Enfin, si MM. C... soutiennent principalement qu'ils ne pourront pas prendre en charge financièrement le coût de leurs traitements, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... perçoivent tous deux une pension de retraite tandis que le coût restant à leur charge, après remboursement par l'assurance maladie de leur pays, dont ils n'allèguent pas qu'ils ne peuvent pas en bénéficier, n'est pas établi par les seules indications chiffrées qu'ils avancent et qui ne sont corroborées par aucun élément probant. Il ressort d'ailleurs du rapport de l'OSAR de mars 2017, auquel ils se réfèrent, que, pour ce qui est de l'accès au traitement contre l'hépatite B, les patients bénéficiant d'une pension de retraite ou d'invalidité paient une franchise mais que le système de santé albanais peut prendre en charge les autres frais. Dans ces conditions, et quelle que difficile que soit la situation notamment psychologique des requérants, ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur refusant un titre de séjour pour raisons médicales méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

25. En second lieu, en dehors de la cellule familiale qu'ils constituent avec leur épouse et, respectivement, mère, MM. C... ne justifient pas avoir développé d'attaches privées sur le territoire français, ni y avoir entrepris des efforts d'insertion sociale. Pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 14 du présent arrêt, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que leur famille ne pourrait pas poursuivre sa vie dans leur pays d'origine, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les autres décisions contenues dans les arrêtés :

26. MM. C... se bornent à énumérer les moyens qu'ils entendent maintenir à hauteur d'appel, tirés d'une part de ce que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français sont illégales compte tenu de l'illégalité des refus de titre de séjour, méconnaîssent les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaîssent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales compte tenu de l'illégalité des mesures d'éloignement. Ces moyens, qui sont dépourvus des précisions nécessaires pour permettre au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé et qui ont été écartés par les premiers juges, ne sont pas davantage de nature à prospérer devant la cour. Par suite, ils ne peuvent qu'être écartés.

27. Il résulte de tout ce qui précède que MM. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 juillet 2022. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2022 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande n° 2201619 de Mme C....

Article 2 : La demande présentée par Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 18 juillet 2022 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Les requêtes de MM. C... sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à M. B... C..., à Mme E... D... épouse C..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : C. Mosser Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC01661, 23NC01662, 23NC01663


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01661
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23nc01661 ?
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