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14/03/2024 | FRANCE | N°23NC01597

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 mars 2024, 23NC01597


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2206451 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.>


Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, M. A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2206451 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, M. A..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, et dans l'attente de lui remettre un titre de séjour, dans le délai de, respectivement, un mois et quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne présente pas de menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Mosser, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1991, est entré régulièrement en France le 7 octobre 2018 muni de son passeport revêtu d'un visa délivré en qualité d'étudiant-élève et valable du 3 octobre 2018 au 3 octobre 2019. Il a ensuite bénéficié d'un titre de séjour " étudiant-élève " du 1er décembre 2019 au 31 octobre 2020, puis de récépissés de demande de renouvellement. Par un arrêté du 26 août 2022, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 15 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le refus de renouvellement du titre de séjour " étudiant-élève " dont M. A... bénéficiait est motivé, d'une part, par la circonstance que l'intéressé n'a pas produit le certificat d'inscription en licence " responsable performance industrielle/logistique " pour l'année universitaire 2022/2023 et, d'autre part, par la menace pour l'ordre public que constitue son comportement, compte tenu de sa condamnation, par un jugement du tribunal judiciaire de Thionville du 3 juillet 2020, à une amende de 400 euros et à une interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant trois mois pour des faits de conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis de conduire et en faisant usage d'un permis faux ou falsifié.

4. En premier lieu, eu égard à la nature des faits mentionnés ci-dessus, l'unique condamnation pénale prononcée à l'encontre de M. A..., deux années avant l'intervention de la décision en litige, ne suffit pas à établir que son comportement constituerait une menace pour l'ordre public. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en lui opposant le motif tiré de la menace à l'ordre public, le préfet de la Moselle a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En second lieu, il ressort également de la décision en litige qu'après avoir obtenu un diplôme universitaire technologique (DUT) en " génie industriel et maintenance " au titre de l'année universitaire 2020/2021, M. A... s'est inscrit, au titre de l'année 2021/2022, en formation " ingénieur diplômé du CESI " à l'école d'ingénieurs du même nom. Le requérant produit une attestation du directeur de l'école, certes postérieure à la décision en litige, mais dont il ressort que les enseignements étaient dispensés du 4 octobre 2021 au 30 septembre 2022. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que M. A... suivait toujours des études à la date à laquelle le préfet de la Moselle a décidé de ne pas renouveler son titre de séjour " étudiant ". Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

9. Compte tenu de ses motifs, le présent arrêt implique que le préfet de la Moselle réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu de prescrire au préfet d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais de l'instance :

10. M. A... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cissé, sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Moselle du 26 août 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cissé la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Cissé et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : C. Mosser Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC01597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01597
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23nc01597 ?
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