Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme F... née E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 8 février 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé leur transfert aux autorités helvétiques responsables de l'examen de leur demande d'asile et les a assignés à résidence.
Par une ordonnance du 8 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a transmis leur demande au tribunal administratif de Nancy, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 2300734, 2300735 du 16 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy les a admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé les arrêtés du 8 février 2023 portant assignation à résidence et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2023, M. et Mme D..., représentés par Me Zoueidi-Defert, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin en date du 8 février 2023 portant transfert aux autorités helvétiques ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à leur conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que c'est à tort que le premier juge a estimé que l'état de santé de leur fils ne s'opposait pas à leur transfert vers la Suisse, qui est contraire à son intérêt supérieur protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 2 mai 2023.
Par un courrier du 21 novembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions de transfert, qui ne peuvent plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un courrier enregistré le 23 novembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a présenté ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
Elle fait valoir que les décisions de transfert ont été exécutées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants kosovares nés le 1er février 1981 et le 18 août 1983, se sont présentés le 22 novembre 2022, accompagnés de leurs deux enfants, au guichet unique d'accueil des demandeurs d'asile du Bas-Rhin, pour y déposer une demande d'asile. La consultation du fichier VIS a fait apparaître qu'ils étaient en possession de visas délivrés par les autorités suisses en cours de validité. Saisies le 2 décembre 2022 d'une demande de prise en charge, ces dernières ont donné leur accord, le 12 décembre 2022, sur le fondement de l'article 12-2 du règlement (UE) n° 604/2013. Le 8 février 2023, la préfète du Bas-Rhin a pris à leur encontre des arrêtés de transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile et les a assignés à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 16 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy les a admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé les arrêtés du 8 février 2023 portant assignation à résidence et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. et Mme D... doivent être regardés comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il rejette leurs conclusions, et notamment celles tendant à l'annulation des arrêtés de transfert.
2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".
3. M. et Mme D... soutiennent que l'état de santé de leur fils A..., né en 2015, qui ne peut être pris en charge dans leur pays d'origine, nécessite des soins qui devront être interrompus en cas de transfert vers la Suisse et qu'à supposer que la dispense des soins y soit théoriquement possible, il ne pourra en bénéficier effectivement en raison de leur coût.
4. D'une part, les allégations des requérants sur l'inaccessibilité financière de soins en Suisse ne sont pas assorties d'éléments susceptibles d'en établir le bien-fondé.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'enfant a subi deux épisodes de pancréatite aiguë dans son pays d'origine et qu'il présente un pancréas divisum, anomalie pouvant favoriser les pancréatites. Toutefois, le certificat établi par un praticien hospitalier de l'hôpital de Hautepierre le 5 mars 2023 évoque seulement des douleurs chroniques et ne mentionne pas une pancréatite en cours. Il indique que l'état de santé de l'enfant nécessite des conseils diététiques et une surveillance par un gastro-entérologue, consistant en un contrôle clinique et échographique tous les six mois. Si un courrier du 29 décembre 2022 de ce même praticien évoque une éventuelle intervention par voie endoscopique si le canal pancréatique venait à se dilater, il ne ressort pas des documents produits que l'état de santé de l'enfant aurait évolué et qu'il nécessitait, à la date des arrêtés litigieux, une telle intervention. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'enfant de M. et Mme D... requérait, à la date des décisions litigieuses, des soins fréquents et réguliers qu'un transfert aurait dû interrompre. Il n'est par ailleurs ni établi, ni expressément allégué que des contrôles et traitements appropriés n'existeraient pas en Suisse.
6. Il suit de là que l'abstention de la préfète de mettre en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement cité au point 2 n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Compte tenu des circonstances évoquées précédemment, le transfert de M. et Mme D... aux autorités helvétiques ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de leur fils A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit donc être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés portant transfert aux autorités helvétiques, ni à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de ces décisions. Leur requête ne peut dès lors qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme F... née E..., à Me Zoueidi-Defert et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. C...
2
N° 23NC00974