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12/03/2024 | FRANCE | N°23NC00127

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 mars 2024, 23NC00127


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.





Par un jugement n° 2200131 du 21 mars 2022, le président du t

ribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2200131 du 21 mars 2022, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 et 20 janvier 2023, M. D..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200131 du 21 mars 2022 du président du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente : la délégation de signature produite est imprécise ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur de fait en raison des démarches entreprises dès le 25 février 2020 pour le renouvellement de sa carte de résident, lequel est de plein droit en vertu de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit avant l'expiration de sa carte de résident le 16 mars 2020 ;

- si ce moyen ne devait pas être retenu, il appartient alors au préfet de justifier que son droit à être entendu a été respecté ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation :

. il était déjà en concubinage avec une ressortissante française avant sa détention ;

. il souffre de problèmes de santé à la suite de son accident vasculaire cérébral (AVC) ;

. il ne constitue pas une menace à l'ordre public malgré les condamnations prononcées à son encontre ; s'il a été condamné à huit ans d'emprisonnement pour viol, il a bénéficié d'un aménagement de peine témoignant d'un comportement marqué par une volonté d'insertion ;

- les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers sont méconnues ; le préfet aurait dû saisir l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour avis avant de lui notifier cette mesure d'éloignement en raison de son AVC subi en novembre 2020 ;

sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et d'une erreur d'appréciation au regard de sa durée ;

- elle a méconnu les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... le versement de la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain, né le 13 juin 1983, est entré régulièrement sur le territoire français le 9 janvier 2007 en sa qualité de conjoint de ressortissante française. Par la suite, il a été titulaire de plusieurs titres de séjour jusqu'au 16 mars 2010 et d'une carte de résident dont la validité a expiré le 16 mars 2020. Lors d'un contrôle en gare le 24 janvier 2022, il n'a pas été en mesure de justifier de la régularité de son séjour sur le territoire français. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de la Côte-d'Or a obligé M. D... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de sa destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. D... a demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation de cet arrêté. M. D... relève appel du jugement n° 2200131 du 21 mars 2022 du président du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

2. L'arrêté attaqué du 25 janvier 2022 a été signé par M. Christophe Marot, secrétaire général de la préfecture de la Côte-d'Or, en vertu d'un arrêté du 25 septembre 2020, publié au recueil des actes administratifs du département le 28 septembre 2020, par lequel le préfet a donné à M. A... délégation à l'effet de signer les décisions pour toutes matières relevant des compétences et attributions du représentant de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Une telle délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A... n'était pas compétent pour signer l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sous réserve des dispositions des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire (...) ". Aux termes enfin de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ".

4. M. D... soutient avoir demandé le renouvellement de sa carte de résident avant que son précédent titre ne vienne à expiration. S'il ressort des pièces du dossier que l'assistante sociale du service pénitentiaire a adressé un courriel le 25 février 2020 à la sous-préfecture de Mulhouse afin de solliciter les modalités de renouvellement de la carte de résident de M. D..., cet échange ne permet pas d'établir qu'une demande complète de renouvellement de carte de résident a été effectivement adressée aux services préfectoraux. M. D... ne justifie donc pas, par la production de ce courriel, avoir débuté cette procédure avant la fin de validité de ce titre. Ainsi, il résulte des éléments qui précèdent que le préfet a pu, sans commettre d'erreur de fait, considérer que M. D... n'avait pas sollicité dans les délais le renouvellement de son titre de séjour et que par suite il se maintenait en situation irrégulière sur le territoire national depuis le 16 mars 2020. C'est donc à bon droit que le préfet de la Côte-d'Or a pu prononcer à l'encontre de M. D... une obligation de quitter le territoire français, sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

5. En deuxième lieu, M. D... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet du moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, au point 6 du jugement attaqué.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des stipulations précitées. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus au point 8, à juste titre, par le premier juge.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

9. Si M. D... a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) le 19 novembre 2020, le certificat médical d'un médecin généraliste en date du 28 janvier 2022, postérieur à la date de la décision attaquée, n'est pas suffisamment circonstancié pour permettre de considérer qu'un défaut de prise en charge médicale aurait pour le requérant des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier au Maroc d'un traitement approprié. Il ressort en outre du bilan médical du 2 avril 2021 qu'à la suite de son hospitalisation du 3 décembre 2020 au 2 avril 2021 en lien avec son AVC, M. D... a retrouvé une autonomie dans tous les actes de la vie quotidienne et ne nécessite pas d'aide technique. Les derniers documents médicaux produits en appel et qui précisent que si les soins sont interrompus une récidive d'AVC pourrait se produire, ne sont pas à eux-seuls de nature à démontrer qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié au Maroc. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

11. M. D... n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau pour soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et une erreur d'appréciation au regard de la durée de celle-ci. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif au point 12 du jugement litigieux.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bertin.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 23NC00127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00127
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;23nc00127 ?
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