Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2021 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2102113 du 2 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'assignant à résidence.
Par un jugement n°2102113 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 25 février 2022, sous le n°22NC00509, M. C..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 2 décembre 2021 ;
2°) d'annuler les décisions du 5 novembre 2021 par lesquelles le préfet du Territoire de Belfort l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de procéder sans délai à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les éléments avancés par le préfet ne sont pas de nature à renverser la présomption d'authenticité de l'extrait du registre de l'état civil qu'il a présenté pour justifier de son âge et de son identité ;
- le certificat de nationalité et le passeport qu'il a présentés sont également authentiques ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour est de nature à justifier l'annulation des autres décisions par exception d'illégalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2022, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2022.
II. Par une requête enregistrée le 25 février 2022, sous le n°22NC00510, M. C..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2021 par laquelle le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'extrait du registre de l'état civil qu'il a présenté pour justifier de son âge et de son identité était dispensé de légalisation en application de l'article 21 de l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 et les éléments avancés par le préfet ne sont pas de nature à renverser la présomption d'authenticité de cet acte ;
- le certificat de nationalité et le passeport qu'il a présentés sont également authentiques ;
- le préfet a donc méconnu l'article L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apprécié de façon manifestement inexacte les conséquences de sa décision sur sa situation en refusant de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas de son identité et de sa minorité au moment de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2022, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord de coopération en matière de justice du 24 avril 1961 entre la République de Côte d'Ivoire et la République française, publié par le décret n° 62-136 du 23 janvier 1962 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ivoirien, est entré en France irrégulièrement en juin 2019 et a été confié à l'aide sociale à l'enfance comme mineur étranger isolé par un jugement en assistance éducative du 14 juin 2019. Le 12 avril 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 novembre 2021, le préfet du Territoire de Belfort a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'a assigné à résidence. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. C... relève appel des jugements du 2 décembre 2021 et du 25 janvier 2022 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon et le tribunal administratif de Besançon ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté du 5 novembre 2021 que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C... en application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Territoire de Belfort s'est fondé sur la circonstance qu'il n'établissait pas qu'il avait entre seize et dix-huit ans lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance.
5. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) ". Selon l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. A l'appui de sa demande de titre de séjour M. C... a présenté un extrait du registre des actes de l'état civil de la commune d'Adjamé pour l'année 2019 n°1390 du 13 septembre 2019 et un certificat de nationalité ivoirienne du 18 décembre 2019. Ces documents mentionnent qu'il est né le 11 mars 2003 sous le patronyme de A... C.... Pour considérer que l'acte d'état civil présenté par M. C... est frauduleux, la décision de refus de titre de séjour en litige se fonde sur un rapport technique documentaire réalisé le 17 février 2020 qui, tout en relevant le caractère authentique du support sur lequel il a été édité, se borne à constater que le jugement supplétif qu'il transcrit n'était pas produit par M. C.... Toutefois cette seule circonstance ne saurait suffire à remettre en cause la force probante de l'extrait du registre d'état civil présenté par M. C.... Par conséquent, le préfet du Territoire de Belfort a apprécié de façon erronée la situation de M. C... en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour au motif qu'il ne justifiait pas avoir été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de dix-huit ans. Dès lors, le requérant est fondé à demander l'annulation de cette décision et, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'assignant à résidence.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements du 2 décembre 2021 et du 25 janvier 2022 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon et le tribunal administratif de Besançon ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 5 novembre 2021.
Sur l'injonction :
9. Le motif d'annulation retenu implique nécessairement non la délivrance du titre de séjour sollicitée mais uniquement qu'il soit enjoint au préfet du Territoire de Belfort d'une part, de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la situation de M. C... et de déterminer s'il peut bénéficier, à la date de la notification du présent arrêt, d'un titre de séjour au vu d'une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part de lui délivrer, immédiatement, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
10. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de prendre toute mesure, dans un délai d'un mois, pour initier la procédure d'effacement du signalement de M. C... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Sur les frais de l'instance :
11. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements n°2102113 du 2 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon et du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de Besançon ainsi que l'arrêté en date du 5 novembre 2021 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'a assigné à résidence sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Territoire de Belfort de procéder au réexamen de la situation de M. C... et de déterminer s'il peut bénéficier, à la date de la notification du présent arrêt, d'un titre de séjour au vu d'une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler valable le temps de ce réexamen.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Territoire de Belfort de prendre toute mesure, dans un délai d'un mois, pour initier la procédure d'effacement du signalement M. C... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny, avocate de M. C..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 22NC00510 est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
La rapporteure,
Signé : A.-S. PicqueLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. B...
2
N°22NC00509, 22NC00510