Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL PCA a demandé au tribunal administratif de Nancy, par deux recours distincts, d'annuler le titre exécutoire n° 18/0001306 émis par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) le 16 octobre 2018 aux fins de recouvrement d'une somme de 42 552,54 euros, ainsi que le titre exécutoire n° 18/0001417 émis par l'INRAP le 31 octobre 2018 aux fins de recouvrement d'une somme de 7 392 euros.
Par un jugement nos 1900514 et 1900558 du 26 août 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes et mis à la charge de la SARL PCA la somme de 1 500 euros à verser à l'INRAP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021, la SARL PCA, représentée par Me Duchet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les deux titres exécutoires émis par l'INRAP les 16 et 31 octobre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'INRAP une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les titres contestés sont entachés d'incompétence, le signataire des titres exécutoires litigieux n'ayant pas qualité d'ordonnateur, ne justifiant pas d'une délégation de pouvoir ou de signature prévue par un texte et valable à la date d'émission ; la délégation n'est pas annexée ni visée dans les arrêtés litigieux ; il n'est pas justifié par l'INRAP, sur qui repose la charge de la preuve, de l'absence ou de l'empêchement des personnes précédant le signataire dans l'ordre de délégation ;
- ils sont entachés d'un vice de forme en l'absence de mention de la date à laquelle l'opération a été comptabilisée dans les écritures budgétaires de l'INRAP, en méconnaissance de l'article 209 du décret du 7 novembre 2012 ;
- le libellé, dont les abréviations et numérotations ne sont pas compréhensibles, ne permet pas, en l'absence de contrat ou marché annexé et de décompte, d'identifier les bases de liquidation de la dette, la nature du terrain sur lequel la somme est facturée, la justification de la quote-part appliquée, l'imputation budgétaire et les modalités de calcul ; ces titres sont entachés d'insuffisance de motivation, en méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- la référence de la facture client n'est pas mentionnée, ce qui caractérise un défaut d'examen de la situation personnelle du gérant de la SARL PCA ;
- les ordres de recouvrer sont entachés d'une violation directe de la loi en l'absence de contrat ou marché annexé, ainsi que de référence à la facture client ;
- les titres exécutoires sont entachés d'erreur de droit ; l'existence, le quantum et l'exigibilité de la créance sont contestés, en l'absence de date dans le calendrier d'intervention ; l'intervention de l'INRAP était conditionnée à la prise en charge financière par le fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP) ; un agrément avait été sollicité auprès de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) pour dix logements sociaux, la demande est toujours en cours d'instruction pour sept d'entre eux ; l'arrêté SRA n° 2018/L557 du préfet de la région Grand Est du 5 décembre 2018 et la décision n° 2018-DAF/SB/179 de l'INRAP du 21 décembre 2018 prévoient que le FNAP prendra en charge l'intégralité des frais à hauteur de 75 % et qu'une somme de 7 235,76 euros sera versée à la SARL PCA pour couvrir le coût des travaux de fouilles ; l'INRAP a reçu mandat le 31 mai 2018 pour encaisser directement au nom de la SARL PCA les sommes accordées par le FNAP ; elle est dans l'impossibilité financière de payer les sommes demandées ; l'édiction de l'arrêté préfectoral de prise en charge des fouilles constituait une condition suspensive ; c'est de manière erronée que le titre de recettes porte la mention " FNAP : non " ; l'INRAP ne peut tout à la fois se reconnaître débiteur de fonds à son égard et lui délivrer un titre exécutoire pour des fonds devant être prélevés sur le budget du FNAP ;
- les titres exécutoires sont entachés d'une erreur de fait dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle était redevable des sommes en question à la date à laquelle ces actes ont été édictés ; l'administration n'aurait pas pris les mêmes décisions si elle avait correctement apprécié les faits ;
- les titres exécutoires méconnaissent le champ d'application de la loi dès lors qu'il n'est pas justifié de leur fondement juridique.
Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2021, l'INRAP, représenté par Me Bigas, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la SARL PCA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors que la société PCA se borne à reprendre son argumentation de première instance ;
- subsidiairement, aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
- à supposer que le moyen tiré de l'erreur de droit puisse prospérer, seule une décharge partielle, pour le montant retenu par le FNAP, pourrait être accordée ;
- si la cour devait infirmer le jugement, il lui appartiendrait de statuer sur le moyen d'ordre public soulevé par les premiers juges, tiré de l'irrecevabilité des demandes en l'absence de réclamation préalable devant le comptable chargé du recouvrement des titres de perception contestés, qu'il entend reprendre à son compte, le défaut de mention de ce recours dans les arrêtés litigieux étant sans incidence sur cette irrecevabilité.
Par ordonnance du 11 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2024.
Des pièces ont été demandées à l'INRAP par un courrier adressé le 30 janvier 2024, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Les pièces demandées ont été produites le 31 janvier 2024 et communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteure,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Bigas, pour l'INRAP.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 21 décembre 2015, modifié le 19 mars 2018, le préfet de la région Grand Est a prescrit la réalisation de fouilles archéologiques préventives sur le site " Mars-la-Tour (54) rue de Tronville " avant la réalisation d'un ensemble immobilier de 43 logements par la société PCA, société d'aménagement foncier. Le 17 mai 2018, celle-ci a conclu un contrat avec l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en vue de lui confier la réalisation des fouilles. A la libération du terrain, l'INRAP a adressé à la société PCA quatre factures et, en l'absence de paiement, a émis quatre titres exécutoires en date des 31 juillet 2018, 16 et 31 octobre 2018 pour un montant total de 120 865,44 euros. Par deux recours, la société PCA a demandé l'annulation des titres exécutoires n° 18/0001306 et n° 18/0001417 en date des 16 et 31 octobre 2018 au tribunal administratif de Nancy. Cette juridiction, qui l'a regardée comme demandant également la décharge de l'obligation de payer les sommes de 42 552,54 euros et 7 392 euros, a rejeté ces deux demandes, par un jugement du 26 août 2021 dont la société PCA relève appel.
Sur la contestation des titres exécutoires :
2. En premier lieu, les titres exécutoires litigieux, émis les 16 et 31 octobre 2018, ont été signés par M. B... D..., adjoint au chef du service de l'exécution budgétaire et responsable du pôle recettes de l'INRAP. Il résulte de l'instruction que la délégation de signature qui lui avait été consentie le 10 octobre 2018 n'avait pas été publiée à la date à laquelle ces titres ont été émis. Toutefois, une décision du 2 février 2018 du président de l'INRAP, publiée le 14 mars 2018 au bulletin officiel du ministère de la culture, lui a donné délégation pour signer, notamment, les titres de recette, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., directrice de l'administration et des finances, et de Mme C..., chef du service de l'exécution financière. Il ne résulte pas de l'instruction que cet acte avait été retiré ou abrogé, par un acte devenu exécutoire, à la date des titres exécutoires en litige. Par ailleurs, la possibilité pour le président de l'INRAP de déléguer sa signature a été expressément prévue par l'article R. 545-33 du code du patrimoine. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que cette délégation soit visée dans les actes litigieux ou qu'elle leur soit jointe. Enfin, lorsqu'un agent a régulièrement reçu délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques, l'acte administratif signé par lui et entrant dans le champ de la délégation qu'il a reçue ne peut être regardé comme entaché d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ses supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés. La société PCA, sur laquelle repose ainsi la charge de la preuve, n'établit pas le défaut d'absence ou d'empêchement de Mmes A... et C.... Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté, dans toutes ses branches.
3. En deuxième lieu, les titres contestés ne sont pas au nombre des décisions devant être motivées en application des articles L. 211-1 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, lesquelles se sont substituées aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relatives à la motivation des décisions administratives.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
5. Les titres exécutoires en litige comportent en objet, pour le premier, " 30 % libération du terrain - PJ CA fin de chantier " et pour le second " 1er décompte au 31/10/2018 - PJ : courrier sra, CA de démarrage, décompte au 31/10/2018 ", précisent pour chacun d'eux le numéro et les références du contrat de fouilles et comportent les indications suivantes : " notification/signature : 14/05/2018 ", " FNAP : non " et " retenue de garantie : non ". Chaque titre était accompagné d'une facture, dont les références figurent sur les titres, rappelant que l'objet était l'opération de fouilles archéologiques dans la commune de Mars-la Tour, pour le site de la rue de Tronville, la tranche de travaux concernée et explicitant les montants réclamés au regard des tranches concernées. En particulier le premier titre, en mentionnant " 30 % libération du terrain " fait référence à l'annexe au contrat, signé le 17 mai 2018 par le gérant de la société PCA, comportant un devis détaillant les différentes tranches d'intervention et leurs modalités de paiement. S'agissant du second titre, l'explication sur le montant dû est apportée par le décompte du 31 octobre 2018, qui figurait parmi les pièces jointes annoncées et qu'il appartenait à la société PCA de demander, dans l'hypothèse où l'administration aurait omis de le joindre. Par suite, le moyen tiré de ce que les titres litigieux ne préciseraient pas de manière suffisante les bases de leur liquidation doit être écarté. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment des mentions figurant sur les titres exécutoires et les pièces jointes annoncées, que le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été procédé à un examen de la situation particulière de la société PCA manque en fait.
6. En quatrième lieu, aucune disposition n'impose que la date à laquelle l'opération a été comptabilisée dans les écritures budgétaires de l'INRAP soit précisée dans les états exécutoires litigieux. Le défaut d'une telle mention est donc sans incidence sur la régularité des actes contestés.
7. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que les ordres de recouvrer sont entachés d'une violation directe de la loi en l'absence de contrat ou marché annexé, ainsi que de référence à la facture client alors que tant les factures que les titres font référence au contrat signé entre la société requérante et l'INRAP, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
8. En sixième lieu, il ressort des mentions du contrat et de l'échéancier qui y était joint qu'un phasage des travaux et des paiements avait été prévu, sans que le démarrage des fouilles ou le versement des sommes dues par la société PCA aient été conditionnés à ce qu'il ait été statué sur ses demandes de prise en charge des frais par le fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP), ou à ce qu'une prise en charge lui soit effectivement accordée. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit par ailleurs une telle condition. En outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'au cours de l'exécution du contrat relatif aux fouilles, l'INRAP et la société PCA se seraient accordés pour suspendre l'exécution des travaux dans l'attente de la décision du FNAP quant à la prise en charge de tout ou partie du coût des fouilles, ou pour faire bénéficier l'aménageur d'une suspension de son obligation de payer le montant des travaux selon l'échéancier prévu. Dès lors, la société PCA n'est pas fondée à soutenir que les sommes réclamées n'étaient pas exigibles.
9. En septième lieu, la société PCA soutient qu'elle avait donné mandat à l'INRAP pour percevoir, à sa place, les fonds qu'elle pourrait percevoir du FNAP, de sorte qu'elle ne saurait avoir à acquitter les montants obtenus. Il est vrai que, par un arrêté du 5 décembre 2018, le préfet de la région Grand Est a accordé une prise en charge de la fouille préventive par le FNAP pour un montant de 6 519,93 euros pour la tranche ferme et de 715,83 euros pour la tranche conditionnelle n° 1 et que le président de l'INRAP a prévu un paiement de ces sommes, depuis le budget de l'INRAP, par un arrêté du 21 décembre 2018. Toutefois, cette décision prévoit un paiement directement à la société PCA. De plus, à supposer même que l'INRAP puisse être regardé comme ayant effectivement bénéficié d'un mandat lui permettant de déduire des sommes dues par la société PCA l'aide obtenue par le FNAC, ce qui n'est en l'état de l'instruction pas établi, le montant des quatre titres qui ont été émis, pour un montant total de 120 865,44 euros TTC, demeure inférieur à l'ensemble des sommes restant dues par la société PCA, même en déduisant les sommes allouées par le FNAP, le montant de la tranche ferme s'élevant à 141 841 euros TTC et celui de la tranche conditionnelle à 15 570 euros TTC. Il suit de là que la société PCA n'est pas fondée à soutenir que les sommes obtenues du FNAP faisaient obstacle à ce que l'INRAP émette les titres en vue de recouvrer les sommes en litige.
10. En huitième lieu, la société PCA soutient que les titres comportent des mentions erronées, dès lors qu'ils précisent " FNAP : non ", en dépit des décisions mentionnées au point précédent. Toutefois, la société requérante ne saurait contester la régularité des mentions figurant sur ces titres dès lors d'une part, qu'ils ont été émis antérieurement à la décision accordant à la société PCA le bénéfice d'une prise en charge au titre du FNAP, et d'autre part, ainsi qu'il a été dit, que la décision lui accordant cette prise en charge est sans incidence sur l'exigibilité de la créance.
11. En neuvième et dernier lieu, si la société PCA soutient qu'elle ne peut s'acquitter des sommes en litige sans risquer la faillite et la mise au chômage de son personnel, de telles allégations sont sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé des titres exécutoires litigieux.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir invoquée par l'INRAP, que la société PCA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation des titres exécutoires litigieux et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes.
Sur les frais de l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'INRAP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société PCA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société PCA, partie perdante, la somme de 2 000 euros, à verser à l'INRAP, sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL PCA est rejetée.
Article 2 : La SARL PCA versera la somme de 2 000 euros à l'Institut national de recherches archéologiques préventives au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL PCA et à l'Institut national de recherches archéologiques préventives.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. B...
La République mande et ordonne à la préfète de Meurthe-et-Moselle en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. B...
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N° 21NC02805