La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2024 | FRANCE | N°23NC01367

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 février 2024, 23NC01367


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai

d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et immédiatement une autoris...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler , ou à défaut, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et immédiatement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2201240 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2023, M. B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire " avec autorisation de travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du jugement :

- le tribunal n'a pas statué sur les moyens tirés de ce que l'administration doit renverser la présomption de l'article 47 du code civil, de ce que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit en contestant l'identité de M. B... sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal a écarté le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit à l'identité sans aucune motivation ;

s'agissant de la décision portant refus de séjour :

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en contestant son identité sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas renversé la présomption d'authenticité des actes d'état civil de l'article 47 du code civil dès lors qu'il lui a déjà délivré un titre de séjour sur le fondement des mêmes actes d'état civil que ceux présentés à l'appui de sa demande, les griefs invoqués contre les documents d'état civil manquent de sérieux, les services de la préfecture détiennent et utilisent de manière déloyale et illégale des informations en méconnaissance du règlement général de protection des données ;

- la décision est insuffisamment motivée s'agissant des raisons qui ont amené la préfecture à qualifier de faux ses documents d'état civil ;

- le préfet s'est estimé en compétence liée par les rapports d'expertise documentaire et n'a pas examiné sa situation ;

- la décision attaquée méconnaît l'autorité de la chose jugée et le principe de sécurité juridique ;

- la décision attaquée méconnaît le droit fondamental à l'identité tel qu'il est protégé par les articles 3-1, 7 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant, les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les articles 16 et 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- cette décision méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 4 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Wallerich, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien né le 22 février 2001, a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle à compter du 26 avril 2017. Le 7 janvier 2019, il a sollicité l'obtention d'un titre de séjour. En dépit de la délivrance de récépissés de demande de titre régulièrement renouvelés, il a demandé l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur sa demande. Le préfet a indiqué en cours d'instance, par un courrier du 4 décembre 2020, qu'un titre de séjour serait délivré à M. B... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement n° 2001076 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif a en conséquence constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B.... Toutefois, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 9 août 2021, refusé d'accorder à M. B... un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné, avant de constater son erreur et de notifier à M. B..., le 28 octobre 2021, un nouvel arrêté retirant l'arrêté du 9 août 2021 et décidant d'accorder à M. B... une carte de séjour temporaire. Muni d'un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 30 novembre 2021, M. B... s'est vu délivrer un titre de séjour temporaire valable du 4 décembre 2020 au 3 décembre 2021. Par un nouvel arrêté du 1er mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu à l'ensemble des moyens soulevés par M. B... à l'appui de sa requête. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de ce que l'administration doit renverser la présomption de l'article 47 du code civil, de ce que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit en contestant l'identité de M. B... sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du droit à l'identité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er mars 2022 :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté :

3. Par un arrêté du 8 septembre 2021, publié au recueil des actes administratifs de Meurthe-et-Moselle le lendemain, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de l'Etat, à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, M. C..., signataire de l'arrêté contesté, était compétent pour signer les décisions en litige et, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. M. B... se prévaut de son entrée sur le territoire français en tant que mineur isolé, de ses efforts importants d'intégration et de sa volonté de mener à bien son parcours professionnel. Toutefois, l'intéressé qui mentionne être entré en France en 2017 alors qu'il était mineur, n'apporte aucun élément sérieux au soutien de ses allégations. Il est célibataire et sans enfant et ne fait état d'aucun lien familial en France alors qu'il ressort des pièces du dossier que sa mère, sa sœur et son frère résident dans son pays d'origine. Dans ces conditions, malgré des efforts d'insertion et eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il convient également d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. En l'espèce, et contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet a effectué un examen de la situation du requérant au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, il a considéré que l'intéressé ne justifiait d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire au sens des dispositions précitées.

8. Outre sa situation de mineur isolée lors de son entrée en France, M. B... fait valoir qu'il suit une formation pour obtenir un certificat d'aptitude professionnel (CAP) " restauration ", qu'il a conclu un contrat d'apprentissage et qu'il a bénéficié d'un contrat jeune majeur. Toutefois, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que sa situation répond à des considérations humanitaires ou que son admission au séjour se justifie au regard de motifs exceptionnels. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

10. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. En outre, en cas de contestation, par l'administration, de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents

11. En l'espèce, pour refuser d'admettre M. B... au séjour, le préfet s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le fait que les actes de l'état civil n'étaient pas de nature à justifier de son état civil et de sa nationalité. M. B... soutient qu'en contestant son identité sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit, que le préfet n'a pas renversé la présomption d'authenticité des actes d'état civil qu'il a présentés dès lors qu'il lui a déjà délivré un titre de séjour sur le fondement des actes d'état civil présentés, que les griefs invoqués contre les documents d'état civil manquent de sérieux, que les services de la préfecture détiennent et utilisent de manière déloyale et illégale des informations en méconnaissance du règlement général de protection des données, utilisant des informations anciennes du conseil départemental qui n'ont jamais été transmises à la préfecture, que la décision est insuffisamment motivée sur les raisons qui conduisent la préfecture à qualifier de faux ses documents d'état civil, que le préfet s'est estimé en compétence liée par rapport aux rapports d'expertise documentaire et n'a pas examiné sa situation, que la décision attaquée méconnaît l'autorité de la chose jugée et le principe de sécurité juridique et que la décision attaquée méconnaît le droit fondamental à l'identité tel qu'il est protégé par les articles 3-1, 7 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant, les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 16 et 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est en effet constant que le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler le titre de séjour sollicité par M. B... en remettant en cause l'origine du passeport et de la carte consulaire présentés à l'appui de cette demande alors que, en 2020, le préfet lui avait délivré un premier titre de séjour sur la base des mêmes documents d'état civil. Le préfet a remis en cause la force probante de ces documents sans avoir préalablement saisi les autorités du pays censées procéder aux vérifications des actes d'état civil produits pour leur établissement dans les conditions prévues à l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 et entachant ainsi sa décision d'erreur de droit. Toutefois, ainsi qu'il l'a été dit précédemment, M. B... ne remplit pas les conditions posées par les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour. Et il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur ces deux motifs.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il ne ressort pas des termes du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait cru en situation de compétence liée au moment d'obliger M. B... à quitter le territoire français.

13. En second lieu, eu égard à ce qui a déjà été constaté concernant la durée de séjour de M. B... et la réalité de sa vie privée et familiale en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, la somme demandée par la requérante au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2024.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : L. GuidiLe président-rapporteur,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01367
Date de la décision : 21/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-21;23nc01367 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award