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20/02/2024 | FRANCE | N°23NC01430

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 20 février 2024, 23NC01430


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.



Par un jugement n° 2203155 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.


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Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, Mme E... C..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 2203155 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, Mme E... C..., représentée par Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;

4°) subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la compétence du signataire de l'arrêté contesté n'est pas établie ;

Sur la légalité de la décision de rejet de la demande de titre de séjour :

- la décision en litige méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante serbe, née en 1962, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 27 février 2013, accompagnée de son époux et de leurs deux fils. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 18 mars 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 janvier 2014. Elle s'est maintenue sur le territoire malgré une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 16 novembre 2016. Elle a sollicité, par un courrier du 21 février 2020, un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 12 août 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 mars 2023, dont Mme C... fait appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions contestées :

2. L'arrêté contesté a été signé par M. D... A..., sous-préfet de Toul. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 8 août 2022, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à M. A... pour signer tous les arrêtés, décisions, requêtes (y compris déférés), circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit. Il n'est pas établi que le secrétaire général n'aurait pas été absent à la date de signature de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen d'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Mme C..., qui souffre notamment d'un syndrome coronaire aigu, d'anémie réfractaire, d'hyperthyroïdie, de gastrite chronique, de crises d'asthme, d'un diabète insulino-dépendant, de prurit généralisé et d'un syndrome dépressif, fait valoir qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un accès aux soins nécessaires à son état de santé en Serbie dès lors qu'il n'existe pas dans ce pays de traitement substituable aux médicaments qu'elle prend, ni de suivi médical. Elle ajoute qu'elle est âgée et sans ressources lui permettant de financer les traitements adaptés à son état. Toutefois, dans son avis du 18 mars 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire et qu'elle peut voyager sans risque. Les certificats médicaux produits par l'intéressée, notamment des 7 et 20 septembre 2022, qui pour l'essentiel se bornent à rappeler ses pathologies et l'aggravation de ses troubles du rythme cardiaque, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur l'accessibilité effective à un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine à la date à laquelle il a statué. Les certificats médicaux d'un médecin psychiatre, datés du 6 janvier 2020 et du 25 octobre 2022, mentionnant que la requérante suit une thérapie pour un état dépressif qui s'inscrit dans un contexte de stress post-traumatique ne suffisent pas, en l'absence d'éléments circonstanciés, à établir que Mme C... ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée dans ce pays. Le certificat médical du 19 mai 2022 mentionnant, entre autres, que Mme C... marche avec une canne ne remet pas en cause sa capacité à voyager reconnue par le collège de médecins de l'OFII. La requérante n'établit pas que l'état de ses ressources ne lui permettraient pas d'accéder aux traitements adaptés à son état de santé, eu égard au système de santé en Serbie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu, Mme C... ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas sollicité un titre de séjour sur ce fondement et que le préfet n'a pas examiné d'office s'il y avait lieu de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme C... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis neuf ans, en indiquant qu'elle est hébergée chez son fils, titulaire d'un titre de séjour, et que le centre de ses intérêts familiaux se situe en France. Toutefois, si son fils, marié à une ressortissante française, réside régulièrement en France, cette circonstance ne confère à la requérante aucun droit à y demeurer. Par ailleurs, son époux et son autre fils, également en situation irrégulière, ont vocation à retourner en Serbie. L'intéressée ne justifie pas que son époux ne serait pas en mesure de l'assister au quotidien. En outre, il ressort notamment des certificats médicaux que la requérante ne maîtrise pas le français, en dépit de l'ancienneté de sa présence sur le territoire. Elle ne fait état d'aucune circonstance qui s'opposerait à ce qu'elle vienne rendre visite à ses petits-enfants ou à ce qu'ils la visitent dans son pays. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

10. Au regard des éléments exposés au point 8 qu'elle reprend, Mme C... ne justifie pas, en tout état de cause, de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu ces dispositions doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, dès lors que la requérante ne fait pas valoir d'arguments différents, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de Mme C... et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. En second lieu, la décision en litige vise l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puis mentionne que Mme C... n'a pas établi être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention précitée en cas de retour en Serbie, pays dont elle a la nationalité. Cette décision comporte ainsi une motivation en droit et en fait suffisante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressée doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente,

- M. Barteaux, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : C. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01430 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01430
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23nc01430 ?
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