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20/02/2024 | FRANCE | N°23NC01391

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 20 février 2024, 23NC01391


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.



Par un jugement n° 2300223 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme B... A..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 2300223 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme B... A..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision de rejet de la demande de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante azerbaïdjanaise, née en 1993, est entrée sur le territoire français sous couvert d'un visa de court séjour le 14 août 2021, avec ses enfants mineurs, pour rendre visite à son époux déjà présent en France. Elle a sollicité, le 29 septembre 2021, un titre de séjour. Par un arrêté du 8 novembre 2022, le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 4 avril 2023, dont Mme A... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme A... fait valoir qu'elle est venue rejoindre son époux, qui a développé en France une activité de construction de biens immobiliers et qui y réside régulièrement, sous couvert d'une carte pluriannuelle de séjour valable jusqu'en mars 2025. Elle ajoute également que leurs trois enfants, dont deux sont scolarisés, ont besoin d'un environnement stable auprès de leurs deux parents. Toutefois, ainsi que le fait valoir le préfet, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En l'espèce, Mme A... n'était présente sur le territoire français que depuis quinze mois à la date de la décision en litige. Si elle fait valoir, en se fondant sur une étude sur les besoins fondamentaux et les angoisses des enfants, que ses enfants ont besoin d'une stabilité et d'une continuité relationnelle avec leurs parents, il est constant qu'au cours de la période de 2017, date d'entrée en France de son époux, jusqu'à ce qu'elle le rejoigne en 2021, ses enfants ont vécu éloigné de leur père qu'ils ne voyaient que ponctuellement lorsqu'il venait leur rendre visite. En outre, la requérante n'invoque aucune circonstance qui s'opposerait à ce que les enfants, eu égard à leur très jeune âge, s'intègrent à nouveau dans leur pays d'origine et à ce qu'ils y reprennent leur scolarité. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Azerbaïdjan. Dans ces conditions et alors que l'intéressée peut au demeurant bénéficier du regroupement familial, le préfet, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Il a été exposé au point 3 que les enfants de Mme A..., eu égard à leur jeune âge, pourront poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par ailleurs, si la requérante fait valoir que la séparation des enfants de l'un des parents est susceptible de les perturber, elle ne l'établit pas alors qu'ils ont déjà été confrontés à une telle situation durant plusieurs années. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ne pourrait pas poursuivre sa vie familiale en Azerbaïdjan, avec son époux, de même nationalité qu'elle. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressée doit être rejetée ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente,

- M. Barteaux, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : C. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01391 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01391
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23nc01391 ?
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