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15/02/2024 | FRANCE | N°23NC03170

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 février 2024, 23NC03170


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a retiré sa carte de résident et a prononcé son expulsion à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il serait légalement admissible.



Par un jugement n° 2106427 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.



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Par une requête enregistrée le 23 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a retiré sa carte de résident et a prononcé son expulsion à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 2106427 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'un récépissé de demande de titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de prendre toute mesure afin de le réacheminer sur le territoire français dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat une somme de 2 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé, entaché d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique des faits et de dénaturation des pièces du dossier ;

- la décision d'expulsion : est entachée d'erreur de droit au regard de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que la circonstance qu'il s'est vu délivrer un passeport par les autorités russes ne saurait être retenu pour qualifier une menace grave pour l'ordre public ; vivant paisiblement sa vie de famille en France, les liens qui lui sont imputés avec deux personnes de la mouvance djihadiste ne sont pas matériellement établis et pas davantage les infractions pénales qui lui sont reprochées de sorte que la réalité des risques pour l'ordre public n'est pas établi par l'administration ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses deux enfants mineurs en violation des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de retrait de sa carte de résident : repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ; porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses deux enfants mineurs en violation des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination : n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux des risques encourus en cas de retour en Russie et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que la délivrance d'un passeport russe ne démontre pas qu'il a manifesté son allégeance pour ce pays et qu'il n'y craindrait plus la persécution non seulement des autorités mais également de la guérilla tchétchène.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle par décision du 14 septembre 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène né le 7 janvier 1991, est entré irrégulièrement en France en 2012. Il a obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 novembre 2013. Une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 février 2021, devenue définitive, lui a cependant retiré ce statut. Par arrêté du 7 juin 2021, la préfète du Bas-Rhin a prononcé le retrait de sa carte de résident, a décidé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son expulsion pour menace grave à l'ordre public et a désigné la Russie comme pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 19 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué est suffisamment motivé. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait pris en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative.

3. Si M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et de qualification juridique des faits ainsi que de dénaturation des pièces du dossier, de telles erreurs seraient sans influence sur sa régularité et ne sont susceptibles d'être examinées que dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la légalité de la mesure d'expulsion :

En ce qui concerne l'existence d'une menace grave à l'ordre public :

4. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". L'autorité compétente pour prononcer une telle mesure de police administrative, qui a pour objet de prévenir les atteintes à l'ordre public qui pourraient résulter du maintien d'un étranger sur le territoire français, doit caractériser l'existence d'une menace grave au vu du comportement de l'intéressé et des risques objectifs que celui-ci fait peser sur l'ordre public.

5. La préfète du Bas-Rhin a d'abord relevé que M. B... était défavorablement connu depuis son arrivée en France au cours de l'année 2012 pour avoir été impliqué dans plusieurs procédures pénales pour vol aggravé, destruction de biens, usage et détention de faux documents administratifs, port d'arme de catégorie B ainsi que conduite d'un véhicule à moteur sans permis. M. B..., en particulier devant la commission d'expulsion, n'a pas contesté avoir été impliqué dans ces procédures mais a précisé que ces faits étaient anciens et qu'il n'avait fait l'objet que d'une seule condamnation pour conduite sans permis. Compte tenu des autres éléments relevés à son encontre, la préfète du Bas-Rhin a pu, sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, retenir ces éléments défavorables relatifs au comportement de M. B... alors qu'il était réfugié, afin de caractériser la menace grave pour l'ordre public que sa présence en France représente, alors même que ces procédures n'ont donné lieu qu'à une seule déclaration de culpabilité.

6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la note blanche soumise aux débats et de ses déclarations devant la commission d'expulsion, que M. B... est en relation, notamment, avec deux individus radicalisés connus pour appartenir à la mouvance djihadiste tchétchène en France, le premier ayant entrepris un voyage en Turquie afin de rejoindre les rangs de l'organisation terroriste dite " Etat islamique ", le second, condamné multirécidiviste. Il ressort de cette même note blanche que M. B... entretient des liens avec plusieurs militants djihadistes tchétchènes, les deux individus qui y sont nommément désignés n'étant cités qu'à titre d'exemple. Il ressort enfin de cette même note blanche que M. B... entretient des liens avec ces personnes radicalisés qui dès lors, ne sont pas pour lui de simples connaissances originaires du même village dont il ne pourrait soupçonner les opinions et agissements, contrairement à ce qu'il a soutenu. Par suite, c'est en ne commettant ni erreur de fait ni erreur d'appréciation que la préfète du Bas-Rhin a retenu ces éléments afin de caractériser les risques pour l'ordre public résultant de la présence en France de M. B....

7. Contrairement à ce que soutient le requérant, la préfète du Bas-Rhin ne s'est pas fondée sur la circonstance qu'il avait perdu la qualité de réfugié à la suite de l'obtention d'un passeport délivré par les autorités russes afin de caractériser la menace qu'il représente pour l'ordre public en France. En revanche, c'est sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation que l'administration a pu prendre en compte les voyages effectués par l'intéressé sous couvert de ce passeport, en particulier à destination de la Turquie via l'Allemagne, route traditionnelle vers les territoires contrôlés par les organisations terroristes, afin de caractériser, compte tenu de leur caractère récent, la gravité et l'actualité de la menace. Si M. B... soutient qu'il a effectué ces voyages pour des motifs familiaux, il ne l'établit pas par le récit confus qu'il a soumis, notamment, à la commission d'expulsion.

8. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. B..., arrivé en France en 2012 pour solliciter puis obtenir la qualité de réfugié, s'est fait remarquer pour avoir été impliqué dans des procédures pénales ayant donné lieu à au moins une condamnation pour conduite sans permis, qu'il a ensuite entretenu des liens avec des membres radicalisés de la communauté tchétchène en France dont l'un ayant tenté de rejoindre les rangs d'une organisation terroriste et le deuxième se trouvant incarcéré pour avoir été condamné à de multiples reprises et qu'il a enfin effectué, au cours de périodes contemporaines de l'arrêté attaqué, plusieurs voyages sous couvert d'un passeport obtenu en fraude de son statut de réfugié. Compte tenu de ces circonstances et dans le contexte des assassinats à caractère terroriste commis sur le territoire national par des individus appartenant à la mouvance djihadiste, c'est sans commettre ni erreur de droit, ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation que la préfète du Bas-Rhin, afin de prononcer son expulsion, a estimé que la présence en France de M. B... constituait une menace grave pour l'ordre public.

9. Si M. B... soutient que cette décision a été prise sur la base de préjugés racistes dans un contexte de discriminations à l'égard de la communauté tchétchène, une telle circonstance n'est pas établie par les pièces du dossier, et notamment pas par le rapport émanant d'une organisation non gouvernementale, alors qu'il résulte de ce qui été dit ci-dessus que le risque pour l'ordre public constitué par la présence sur le territoire du requérant est caractérisé.

En ce qui concerne la vie privée et familiale de M. B... :

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Aux termes enfin de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la commission d'expulsion qui s'est tenue le 13 avril 2021, que M. B... se présente comme célibataire, et comme ne vivant pas avec Mme A..., sa compatriote et mère d'une petite fille, C..., née le 18 août 2018 qu'il a reconnue comme étant sa fille trois ans plus tard, postérieurement à l'arrêté attaqué. La réalité et l'intensité de la relation de M. B... avec Mme A... et sa fille, comme la filiation de l'enfant nouveau-né de sa compatriote ne sont pas établies par les pièces du dossier. Les photographies produites, comme les témoignages peu circonstanciés ne démontrent aucunement que M. B... participerait d'une quelconque manière à l'entretien ou à l'éducation de la jeune C..., avec laquelle il ne vit pas. La circonstance que la mère de sa fille ait donné naissance à un second enfant postérieurement à la décision attaquée est sans incidence, alors au demeurant qu'il n'établit ni en être le père, ni participer à l'éducation ou l'entretien de celui-ci. Dans ces conditions, il n'est pas démontré que la décision d'expulsion porterait gravement atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de Mme A..., au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français en 2012. S'il a bénéficié du statut de réfugié à compter de 2013, comme ses parents et ses frères et sœurs, ce statut lui a été retiré par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 février 2021, au motif que le requérant a voyagé sous couvert d'un passeport russe émis le 30 janvier 2018, et qu'il doit être regardé, de ce fait, comme se réclamant de la protection des autorités russes. Si M. B... fait valoir qu'il est intégré en France, et que l'ensemble de sa famille y réside et bénéficie du statut de réfugié, il ressort du procès-verbal de la commission d'expulsion que l'intéressé, malgré ses neuf années de présence en France, nécessite l'aide d'un interprète pour s'exprimer, et qu'il déclare avoir de la famille hors de France. M. B... ne démontre ni que la décision d'expulsion porterait une atteinte grave et disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'expulsion sur sa situation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourrait être expulsé :

13. Il appartient à l'étranger qui conteste son éloignement de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aux articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 15 avril 2021 de la Cour européenne des droits de l'homme K.I. contre France (n° 5560/19), le fait que la personne ait la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités. Dès lors, la personne à qui le statut de réfugié a été retiré, mais qui a conservé la qualité de réfugié, ne peut être éloignée que si l'administration, au terme d'un examen approfondi de sa situation personnelle prenant particulièrement en compte cette qualité, conclut à l'absence de risque pour l'intéressé de subir un traitement prohibé par les stipulations précitées dans le pays de destination.

14. Il ressort des pièces du dossier et des termes de l'arrêté attaqué que l'administration s'est livrée à un examen approfondi de la situation de M. B... en ce qui concerne les conséquences de son retour en Russie. Pour conclure à l'absence de risque pour M. B... en cas de retour en Russie, la préfète du Bas-Rhin a relevé qu'il avait voyagé sous couvert d'un passeport russe qu'il avait sollicité et obtenu en 2018, ce qui a justifié le retrait, devenu définitif, de son statut de réfugié. La préfète du Bas-Rhin fait également valoir qu'il ressort du procès-verbal de la commission d'expulsion que le requérant n'a pas évoqué spontanément devant celle-ci de risques pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. M. B... ne peut sans incohérence soutenir devant cette cour qu'il risque des persécutions en cas de retour en Russie, en raison de l'implication de membres de sa famille dans la lutte armée contre le pouvoir central de ce pays, et de la qualité de réfugié reconnue aux membres de sa famille, alors qu'il s'est volontairement rendu dans le consulat russe à Strasbourg, après avoir obtenu le statut de réfugié, pour solliciter des autorités russes la délivrance d'un passeport russe, manifestant ainsi son allégeance à l'égard de ces autorités et l'absence de crainte qu'elles lui inspirent. Dans ces conditions, en se bornant à se prévaloir de considérations générales tenant à la situation des tchétchènes en Russie, M. B... n'établit pas que la décision fixant la Russie comme pays de destination l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Les moyens invoqués tirés de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus.

Sur la légalité du retrait de la carte de résident :

16. Aux termes de l'article R. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ... le titre de séjour est retiré dans les cas suivants : 1° L'étranger titulaire du titre de séjour fait l'objet d'une décision d'expulsion ".

17. La légalité de la décision d'expulsion ayant été établie ci-dessus et l'administration se trouvant en situation de compétence liée pour retirer le titre de séjour de l'étranger faisant l'objet d'une telle mesure, les moyens invoqués par M. B... contre cette décision doivent être écartés comme inopérants.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Elsaesser et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC03170 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03170
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23nc03170 ?
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