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15/02/2024 | FRANCE | N°22NC03115

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 février 2024, 22NC03115


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 20 décembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé de sa remise aux autorités italiennes, présentées comme responsables de sa demande d'asile, et l'a assignée à résidence.



Par un jugement n° 2108950 du 10 janvier 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.



Procédure devant la

cour :



Par une requête enregistrée le 11 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Elsaesser, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 20 décembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé de sa remise aux autorités italiennes, présentées comme responsables de sa demande d'asile, et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2108950 du 10 janvier 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Elsaesser, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros toutes taxes comprises sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- les arrêtés sont insuffisamment motivés ;

- la mesure de transfert fait une inexacte application des articles 2, 3, 7, 10 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la mesure de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

La cour, en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, a informé les parties par lettre du 19 décembre 2022 qu'elle était susceptible de relever un non-lieu à statuer, l'arrêté de transfert ne pouvant plus être exécuté à l'expiration d'un délai de six mois suivant le jugement du tribunal administratif.

Par des mémoires enregistrés le 29 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que l'arrêté de transfert a bien été exécuté de sorte qu'il ne saurait y avoir non-lieu à statuer et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle par décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Agnel.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante afghane, est entrée irrégulièrement en France le 16 novembre 2021 et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugiée. Une attestation de demandeur d'asile en procédure Dublin lui a été délivrée le 24 novembre 2021. La consultation du fichier " EURODAC " a fait ressortir qu'elle avait sollicité l'asile auprès des autorités italiennes et suisses. Les autorités italiennes et suisses ont été saisies le 24 novembre 2021. Les autorités suisses ont refusé la reprise en charge de Mme A... le 29 novembre 2021. Les autorités italiennes ont accepté la reprise en charge de Mme A... le 6 décembre 2021. Par un arrêté du 20 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a prononcé son transfert aux autorités italiennes. Par un arrêté du 20 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence. Mme A... a été remise aux autorités italiennes en application de l'arrêté de transfert le 12 mai 2022. Mme A... relève appel du jugement du 10 janvier 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué comporte de manière suffisante les motifs de droit et de fait par lesquels la magistrate désignée a statué sur les moyens présentés par Mme A... à l'appui de sa demande. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 9 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

En ce qui concerne la motivation des arrêtés litigieux :

3. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation des arrêtés litigieux par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par le jugement attaqué.

En ce qui concerne l'application des articles 10 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

4. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier qu'elle a déposé une demande d'asile en Italie le 27 août 2021 et que c'est à ce titre que cet Etat a accepté qu'elle lui soit remise sur le fondement de l'article 18, paragraphe 1, point b), du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 aux termes duquel l'Etat membre responsable en vertu de ce règlement est tenu de reprendre en charge le demandeur dont la demande de protection internationale est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre. Or, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans un arrêt du 2 avril 2019, Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie c/ H. et a., C-582/17 et C-583/17, dans les cas visés à l'article 23, paragraphe 1, (...), du règlement Dublin III, les autorités compétentes concernées ne sont pas tenues, avant de présenter une requête aux fins de reprise en charge à un autre Etat membre, de déterminer, sur la base des critères de responsabilité établis par ce règlement (...), si ce dernier Etat membre est responsable de l'examen de la demande. Les critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement n'étant pas pertinents dans le cadre de la procédure de reprise en charge diligentée à son encontre par les autorités françaises, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des critères de détermination de l'Etat membre responsable énoncés par les articles 10 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour contester la légalité de la décision de transfert attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

5. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelle, à cet égard, le droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision du 6 décembre 2021 des autorités italiennes en réponse à la demande des autorités françaises de reprise de celui-ci, que le mari de Mme A... a obtenu le bénéfice de la protection internationale en Italie et est titulaire d'un permis de résidence pour " protection subsidiaire " valable à la date de la décision attaquée. Ainsi, la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle serait séparée de son mari et isolée en cas de transfert vers l'Italie. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts pour lesquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la préfète à ne pas avoir fait usage de son pouvoir discrétionnaire. Il en va encore de même du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Elsaesser et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC03115 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03115
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22nc03115 ?
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