Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision par laquelle le président directeur général de la société La Poste a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 2000546 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 8 septembre 2021 et 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Diaz, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le président directeur général de la société La Poste a implicitement refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre à la société La Poste de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'il démontre qu'il a été victime de faits caractérisant un harcèlement moral et justifiant sa demande de protection fonctionnelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mars 2022 et 14 décembre 2022, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le moyen soulevé par M. A... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tastard, représentant la société La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., fonctionnaire depuis 1981 au service public des postes et télécommunication, devenu la société La Poste, est titulaire du grade de cadre de premier niveau depuis le 5 septembre 2002. Après avoir occupé le poste de chef d'établissement du bureau d'Orchamps entre 2003 et 2006, il a été affecté, à compter du 1er février 2007, comme responsable guichet et développement, puis chef d'établissement remplaçant sur le secteur de Dôle. Il occupait le poste de " guichetier animateur " depuis le 7 décembre 2009 avant d'être placé en congé de longue maladie du 2 avril 2016 au 1er juillet 2017 puis en congé de longue durée entre le 2 avril 2017 et le 1er janvier 2021. Le 25 novembre 2019, l'intéressé a demandé à son employeur le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue d'engager une action tendant à la reconnaissance d'une situation de harcèlement moral dont il prétend être victime. La société La Poste a implicitement rejeté cette demande. M. A... relève appel du jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
2. D'une part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
3. D'autre part, aux termes des dispositions du IV de l'article 11 de la même loi dans sa version applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la décision implicite refusant de lui octroyer la protection fonctionnelle demandée à raison du harcèlement moral dont il soutient avoir été victime, M. A... invoque tout d'abord la remise en cause de ses compétences lors de sa nomination en qualité de chef d'établissement à Orchamps en mars 2003 par sa supérieure hiérarchique directe. Il ressort au contraire du compte-rendu de son entretien de titularisation du 29 octobre 2003 réalisée avec cette supérieure que son investissement personnel est souligné et que sa titularisation y est proposée. Ensuite, le requérant souligne l'inertie de la société La Poste face aux accusations de harcèlement moral dont il a fait l'objet en juin 2004 dans un tract syndical. Si l'agente formulant ces accusations n'a pas souhaité bénéficier du dispositif interne à la société de prévention des situations de harcèlement moral, la société La Poste a toutefois organisé des entretiens entre cette dernière et M. A... qui soutient avoir subi des pressions pour retirer la plainte qu'il avait déposé le 6 juillet 2004 pour diffamation en raison de ce tract. Cependant, la seule circonstance que la société La Poste ne s'est pas associée pas à sa plainte ne permet en rien de démontrer la réalité de ces allégations. En outre, M. A... se prévaut de la dégradation de sa notation à compter de l'année 2004, de ces multiples changements d'affectation entre 2006 et 2009 et de sa rétrogradation fonctionnelle. Toutefois, les dossiers d'évaluation pour les années 2004 et 2005 n'ont pas été produits et M. A... n'établit pas avoir contesté le maintien de la notation 2004 devant la CAP. De plus, il n'est pas durablement évalué en " A (résultats à améliorer) " puisqu'à compter de 2006, il est évalué en " B (les résultats sont bons) ", les appréciations portées sur ces dossiers d'évaluations étant en cohérence avec cette notation. Si en juin 2006, il a assuré des fonctions administratives et d'archivage au retour de sa disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de trois mois et a ensuite changé à trois reprises d'affectation, ces premières fonctions ont été temporaires dans l'attente d'une nouvelle affectation tandis que les postes successifs dans le secteur géographique de Dôle font suite à deux missions d'une durée de plusieurs mois, tout d'abord, en tant que chef d'établissement remplaçant sur le secteur de Dôle, puis, à compter du 2 janvier 2008, dans un rôle d'appui et soutien de vente aux professionnelle à Mont-sous-Vaudrey. A compter du 7 décembre 2009, il est nommé dans des fonctions de guichetier animateur à Rochefort-sur-Nenon. S'il est constant que M. A... n'occupait plus des fonctions de chef d'établissement à compter du 2 janvier 2008, d'une part, il n'est pas démontré que sa rémunération a diminué et d'autre part, il ressort de son dossier d'évaluation pour l'année 2010 qu'il a conservé des missions de gestion d'établissement puisqu'il " assure la gestion du bureau de Rochefort en tant qu'agent seul ". En outre, contrairement à ce que M. A... soutient, il n'a pas contesté ces affectations lorsqu'elles lui ont été notifiées mais les a seulement discutées plusieurs années après, dans l'item " projet professionnel " de son entretien d'évaluation pour l'année 2014 et dans un courrier au directeur de la DIRECCTE le 28 mars 2015. Dans ces conditions, il n'apporte pas d'éléments suffisants pour démontrer que les faits qu'il invoque constituent des agissements répétés ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail ou à une atteinte à son avenir professionnel. Enfin, M. A... souligne l'impact sur sa santé en ce qu'il a été hospitalisé à deux reprises en 2016 pour état dépressif sévère et bénéficie d'un congé maladie en raison d'une maladie imputable au service à compter de février 2019. Toutefois, les attestations de médecins et psychologues produites qui sont largement postérieures aux circonstances évoquées précédemment et se fondent sur les ressentis de M. A... ne permettent pas de faire le lien entre l'état dépressif dont il souffre et ces faits. De même, le rapport managérial de la directrice des ressources humaines de La Poste en vue de la commission de réforme du 24 novembre 2020 devant donner un avis sur l'octroi d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service souligne l'absence d'élément factuel pour étayer la situation et se fonde sur les éléments rapportés par M. A... et l'inertie supposée de la société La Poste. De plus, les conditions d'octroi d'un tel congé sont indépendantes de la caractérisation d'une situation de harcèlement moral. Dès lors, les éléments invoqués par M. A... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ayant notamment comme conséquence une altération de sa santé mentale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision implicite refusant de lui accorder la protection fonctionnelle qu'il demandait à ce titre est entachée d'une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
6. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société La Poste, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société La Poste présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société la société La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la société La Poste.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC02474