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13/02/2024 | FRANCE | N°22NC02706

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 13 février 2024, 22NC02706


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration d'enregistrer, sous astreinte, sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2107716 du 13 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg l'

a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.




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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration d'enregistrer, sous astreinte, sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2107716 du 13 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Thalinger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a renouvelé son assignation à résidence pour une période de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré que son recours contre l'arrêté du 8 novembre 2021 était tardif : il lui a été notifié de manière irrégulière de sorte que les voies et délais de recours ne peuvent pas lui être opposables :

. la notification a été faite par le truchement d'un interprète en langue albanaise, or il ne comprend pas la langue albanaise du Kosovo ;

. il n'est pas établi que cet interprète figure sur une liste établie par le procureur de la République ou qu'il appartient à un organisme d'interprétariat et de traduction agrée par l'administration ; les cordonnées de l'interprète ne lui ont pas été communiquées ;

. la notification a été faite par téléphone alors qu'aucune nécessité n'a été démontré par la préfète de sorte que l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- l'arrêté du 8 novembre 2021 renouvelant son assignation à résidence est illégal, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision de transfert en date du 6 septembre 2021 vers la Slovénie qui n'est pas devenue définitive faute de notification régulière, qui est entachée d'un vice d'incompétence, qui a été prise en méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation faute de production de l'accord de reprise en charge des autorités slovènes, qui a été prise en méconnaissance des dispositions des articles 12 et 34 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen au regard de ces dispositions, et qui a été prise en méconnaissance des dispositions des articles 27 et 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 faute de transmission des données relatives à son état de santé aux autorités slovènes ;

- l'arrêté du 8 novembre 2021 portant renouvellement de l'assignation à résidence est entaché d'un vice d'incompétence ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour la préfète du Bas-Rhin de justifier des diligences pour organiser son départ vers la Slovénie ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation, eu égard à l'obligation hebdomadaire de présentation qui lui est faite alors qu'il a strictement respecté sa première assignation à résidence.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au non-lieu à statuer sur la requête de M. A....

Elle fait valoir que la décision de transfert ne pouvant plus être exécutée, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.

Par une ordonnance du 18 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2023 à midi.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 12 janvier 1978, de nationalité kosovare, a fait l'objet d'un arrêté de transfert aux autorités slovènes le 6 septembre 2021. Un arrêté portant assignation à résidence a été pris à son encontre le même jour. Par un arrêté du 8 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement n° 2107716 du 13 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 8 novembre 2021.

Sur le non-lieu à statuer opposé par la préfète du Bas-Rhin :

2. En contentieux de l'excès de pouvoir, le non-lieu à statuer peut résulter soit du retrait en cours d'instance de l'acte contesté, soit de son abrogation, à la double condition dans le second cas que l'acte n'ait reçu aucune exécution et que l'abrogation soit devenue définitive.

3. Alors que la décision litigieuse portant assignation à résidence n'a été ni retirée, ni abrogée, la seule circonstance que la décision de transfert vers les autorités slovènes ne peut plus être exécutée n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient la préfète du Bas-Rhin, à rendre sans objet l'appel exercé par M. A... contre le jugement susmentionné qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral portant renouvellement d'une assignation à résidence le 8 novembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article R. 776-4 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de recours contentieux contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1 en cas de placement en rétention administrative ou d'assignation à résidence en application des articles L. 731-1 ou L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de quarante-huit heures. Ce délai court à compter de la notification de la décision par voie administrative ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral portant renouvellement de l'assignation à résidence, lequel comporte la mention des voies et délais de recours, a été notifiée à M. A... le 10 novembre 2021 à 9 heures 30. Sa demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 12 novembre 2021 à 15 heures 42, soit au-delà du délai de quarante-huit heures courant à compter de la notification de la décision contestée.

6. Par ailleurs, d'une part, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable (...).Aux termes de l'article R. 732-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 731-1, est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, rappelle les droits et obligations des étrangers assignés à résidence pour la préparation de leur départ. Il mentionne notamment les coordonnées des services territorialement compétents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le droit de l'étranger de communiquer avec son consulat et les coordonnées de ce dernier, ainsi que le droit de l'étranger d'informer l'autorité administrative de tout élément nouveau dans sa situation personnelle susceptible de modifier l'appréciation de sa situation administrative. Il rappelle les obligations résultant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'assignation à résidence ainsi que les sanctions encourues par l'étranger en cas de manquement aux obligations de cette dernière. Ce formulaire est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa. ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 141-2 du même code : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. / Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. / Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. / Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français ". Aux termes de l'article L. 141-3 de ce code : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

8. Il ne ressort d'aucune des dispositions précitées une obligation de notifier une décision d'assignation à résidence dans une langue comprise par son destinataire. Seul le formulaire relatif à l'information des droits et obligations des personnes assignées à résidence visé à l'article R. 732-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être établi dans une des six langues les plus couramment utilisées. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de ce que la notification ne lui a pas été faite au moyen d'un interprète dans les conditions fixées par les articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision portant assignation à résidence n'étant pas au nombre de celles visées par ces articles.

9. Au surplus et en tout état de cause, si le requérant fait valoir que la notification de cet arrêté préfectoral a été faite par le truchement d'un interprète en langue albanaise alors qu'il ne comprend pas la langue albanaise du Kosovo, il ressort des pièces du dossier qu'il a confirmé lors du recueil d'informations dans le cadre de sa procédure de demande d'asile comprendre l'albanais, le serbe et l'allemand. S'il soutient également qu'il n'est pas établi que cet interprète figure sur une liste établie par le procureur de la république ou qu'il appartient à un organisme d'interprétariat et de traduction agrée par l'administration, il ressort des pièces communiquées par la préfète que par courrier du 19 janvier 2019, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Strasbourg a inscrit cet interprète sur la liste de traducteur interprète en application des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenus les articles L. 141-2 et L. 141-3 du même code. Enfin les circonstances que les coordonnées de cet interprète ne lui aient pas été communiqués par écrit et que cette notification a été faite par téléphone n'ont pas été de nature à faire obstacle à la bonne compréhension des mentions de l'arrêté relatives à la durée et à la computation du délai de recours dont il disposait pour le contester.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2021 portant renouvellement de son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours comme tardive et par suite irrecevable. Les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Thalinger.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 22NC02706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02706
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : L'ILL LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;22nc02706 ?
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