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13/02/2024 | FRANCE | N°21NC01309

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 13 février 2024, 21NC01309


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'enjoindre à la commune d'Eix d'effectuer les travaux de remplacement de la canalisation selon les préconisations décrites par l'expert, M. B..., dans son rapport d'expertise, d'autre part, de condamner la commune d'Eix à lui verser une somme de 32 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'apparition de fissures sur les murs de sa maison d'habitation.



Par un jugement n° 1

901973 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, condamné la commune d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'enjoindre à la commune d'Eix d'effectuer les travaux de remplacement de la canalisation selon les préconisations décrites par l'expert, M. B..., dans son rapport d'expertise, d'autre part, de condamner la commune d'Eix à lui verser une somme de 32 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'apparition de fissures sur les murs de sa maison d'habitation.

Par un jugement n° 1901973 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, condamné la commune d'Eix à verser à M. C... une somme de 14 000 euros et, d'autre part, enjoint à la commune d'Eix d'effectuer ou de faire effectuer les travaux de remplacement de la canalisation selon les préconisations décrites par l'expert judiciaire dans son rapport d'expertise. Par le même jugement, le tribunal administratif de Nancy a mis à la charge de la commune d'Eix les sommes de 4 068,66 euros et 1 500 euros respectivement au titre des frais d'expertise et des frais liés à l'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2021, M. C..., représenté par Me Schindler de la SCP Demange et Associés, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1901973 du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a limité à la somme de 14 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune d'Eix en réparation du préjudice qu'il a subi en raison des désordres affectant l'immeuble dont il est propriétaire ;

2°) de porter à la somme de 32 000 euros le montant de cette indemnité ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Eix la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il demande la confirmation du jugement de première instance en tant qu'il a reconnu l'entière responsabilité de la commune d'Eix en raison des dommages qu'il a subis en qualité de tiers à un ouvrage public ;

- les premiers juges ne pouvaient réduire à hauteur de moitié son indemnisation au titre du préjudice matériel en raison du caractère inadapté de son système de fondation alors qu'une telle circonstance n'avait pas été reconnue comme exonératoire au stade de la responsabilité ;

- son préjudice matériel sera exactement indemnisé à hauteur de 26 000 euros ;

- ses troubles de jouissance seront exactement indemnisés à hauteur de 6 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2022, la commune d'Eix, représentée par Me Kroell, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement du 9 mars 2021 soit annulé ;

3°) à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la qualification d'ouvrage public n'est pas établie ;

- le lien de causalité entre le dommage et les travaux exécutés n'est pas établi ; la date d'apparition des fissures reste inconnue ;

- les désordres résultent des fondations insuffisantes de l'immeuble dont M. C... est propriétaire ;

- les préjudices sont très exagérés et les prétentions indemnitaires de M. C..., notamment relatives au trouble de jouissance, ne sont pas fondées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Kroell pour la commune d'Eix.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., propriétaire d'un immeuble dans la commune d'Eix a constaté l'apparition de fissures sur les murs extérieurs et intérieurs de sa maison d'habitation. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, condamné la commune d'Eix à verser à M. C... une somme de 14 000 euros en raison du dommage qu'il a subi en qualité de tiers à un ouvrage public, et, d'autre part, enjoint à la commune d'Eix d'effectuer ou de faire effectuer les travaux de remplacement de la canalisation selon les préconisations décrites par l'expert judiciaire dans son rapport d'expertise. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à 14 000 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune d'Eix demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a reconnue responsable des désordres survenus sur la maison d'habitation de M. C... et l'a condamnée à indemniser les préjudices subis par l'intéressé.

Sur la responsabilité de la commune d'Eix :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le réseau d'adduction d'eau achemine le trop plein d'eau en limite de propriété de M. C.... A ce niveau, le réseau est branché à une canalisation enterrée sous la propriété de M. C..., l'eau du réseau se déversant dans cette canalisation. Ainsi, la canalisation en litige recueille les eaux de purge du réseau d'adduction d'eau potable de la commune dont elle sert d'exutoire. En outre, cette canalisation permet d'alimenter une pièce d'eau, dont M. C... est propriétaire, et qui peut être utilisée comme réserve par la commune en cas d'incendie. Ainsi, alors même que cette canalisation traverse la parcelle privative de M. C... et que l'identité exacte du propriétaire reste inconnue, cette canalisation, en raison de son utilité publique, constitue un ouvrage public.

3. En second lieu, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

4. En l'espèce, des fissures visibles à l'extérieur et à l'intérieur ont été constatées sur les façades Nord, Sud et Ouest du corps principal de la maison de M. C.... Ce dernier a, pour les désordres subis sur son habitation, la qualité de tiers à la canalisation enterrée sous sa parcelle.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que la maison de M. C... est située dans une zone à risque moyen vis-à-vis de l'aléa retrait gonflement des sols argileux. Même si le risque de gonflement a été qualifié de faible, les sols du terrain, qui restent susceptibles de subir un phénomène avéré de retrait des argiles, sont très plastiques et dépendants de la teneur en eau. Il ressort également du diagnostic géotechnique (G5) conduit par le groupe Géotec le 13 juin 2018 que la profondeur d'encastrement des fondations de la maison est comprise entre 50 et 95 centimètres alors que la préconisation est de 1,50 mètre pour les terrains argileux. Ainsi, il résulte de l'instruction que la partie de la maison où sont apparus les désordres n'est pas structurellement adéquate pour les aléas du terrain. L'expert conclut à cet égard que la structure inadéquate de la maison la rend sensible aux multiples facteurs modifiant la teneur en eau du terrain, comme notamment les épisodes de sécheresse. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que la conduite d'eau traversant la parcelle de M. C... est vétuste, poreuse et présente à certains endroits des déboîtements, son remplacement n'a pas révélé de fuites d'eau conséquentes. A ce titre, si l'expert relève que les travaux conduits sur le réseau d'adduction au cours de l'année 2009 ont conduit, par l'amené d'un flux constant plus abondant d'eau, à une modification de la structure hydrique du terrain, ce changement n'a cependant pas provoqué de bouleversement dans la nature du terrain. Enfin, les fissures en litige, dont la date d'apparition n'est pas établie, qui auraient évolué au début des années 2010, n'ont pas fait l'objet d'aggravation notable depuis l'année 2016.

6. Dès lors, compte tenu de la date incertaine de l'apparition des désordres, de la nature du terrain soumis à un phénomène de retrait des argiles, du caractère multifactoriel de la teneur hydrique des sols et de la profondeur insuffisante des fondations de la maison, M. C..., n'établit pas que les fissures apparues sur sa maison seraient imputables, même partiellement, au défaut d'étanchéité de l'ouvrage public traversant sa parcelle.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, par la voie de l'appel incident, la commune d'Eix est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à M. C... la somme de 14 000 euros au titre de la réparation du préjudice qu'il a subi et lui a enjoint de réaliser ou faire réaliser des travaux de remplacement de la canalisation. Par voie de conséquence, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a limité son indemnisation à 14 000 euros.

Sur les frais d'expertise de première instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de la commune d'Eix les frais d'expertise de première instance, liquidés et taxés à la somme de 4 068,66 euros, par une ordonnance du 15 juillet 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Eix qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme que la commune d'Eix demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901973 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune d'Eix.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet de la Meuse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC01309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01309
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : KROELL O. & J.T.

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;21nc01309 ?
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