Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale.
Par un jugement n° 2300059 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01492 le 13 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle remplit les conditions prévues par les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle, elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Termeau, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 aout 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 12 septembre 1971, serait entrée régulièrement en France pour la dernière fois au cours du mois de février 2015 suivant ses déclarations. Elle a sollicité, le 5 mai suivant, la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé auprès du préfet de l'Aube. Sa demande a été rejetée le 28 octobre 2015 et cette décision a été assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Le 15 novembre 2017, l'intéressée a présenté une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié auprès du préfet du Val-d'Oise, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 23 mars et 31 août 2018. Elle a de nouveau saisi le préfet de l'Aube d'une demande de titre de séjour le 16 octobre 2018, à laquelle il n'a pas été fait droit le 26 juin 2019. En dernier lieu, Mme B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 28 juillet 2022. Par un arrêté du 6 décembre 2022, la préfète de l'Aube a refusé d'y faire droit, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée en cas d'exécution contrainte. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 avril 2023 ayant rejeté sa requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision refusant un titre de séjour à Mme B... vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions de son article L. 435-1 sur le fondement desquelles l'intéressée a présenté sa demande. En outre, cette décision relate le parcours administratif de la requérante, mentionne les éléments constitutifs de sa vie privée et familiale et expose les motifs pour lesquels il ne peut être fait droit à sa demande. Dès lors, elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. Mme B... se prévaut de la durée de sa présence en France, de la présence de ses filles majeures et d'une promesse d'embauche, qui a été réitérée postérieurement à l'adoption de la décision contestée. Toutefois, ces éléments ne peuvent être regardés comme constituant des considérations humanitaires, ni des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Aube aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
6. Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis le 1er août 2012 en compagnie de ses deux filles nées respectivement les 4 juin 1996 et 16 février 2001, chez lesquelles elle vit. Elle ajoute qu'elle dispose d'une promesse d'embauche et qu'elle est investie dans des activités de bénévolat. Il ressort toutefois des pièces du dossier que sa dernière entrée en France remonte au mois de février 2015. En outre, sa durée de séjour à partir du mois de février 2015 n'a été possible que parce qu'elle s'est soustraite à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. Si elle vit avec ses filles, ces dernières âgées de 26 et 21 ans sont majeures et elle peut venir leur rendre visite en sollicitant un visa de court séjour auprès des autorités consulaires françaises au Maroc, où demeure toujours sa mère et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans. Enfin, les circonstances qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche et qu'elle pratique le bénévolat ne caractérisent pas une insertion particulière au regard de sa durée de séjour. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Dès lors que Mme B... ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans, ainsi qu'il vient d'être dit, la préfète de l'Aube n'était pas tenue de saisir la commission du titre de séjour préalablement à la décision contestée. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B... comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour serait entachée d'une illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
10. En troisième lieu, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour aux étrangers qui en remplissent les conditions, ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen soulevé par Mme B... tiré de ce que la préfète aurait méconnu ces dispositions en lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté comme inopérant.
11. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle, soulevé à l'encontre de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2022.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Mme B... la somme demandée par la préfète de l'Aube au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la préfète de l'Aube présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N°23NC01492