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01/02/2024 | FRANCE | N°21NC01424

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 21NC01424


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé sa révocation à titre de sanction disciplinaire ainsi que l'article 2 de l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis d'un an et de mettr

e à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé sa révocation à titre de sanction disciplinaire ainsi que l'article 2 de l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis d'un an et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2002135-2002617 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé la révocation de Mme C... à titre de sanction disciplinaire et rejeté le surplus des demandes de cette dernière.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21NC01424 le 17 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Barberousse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 mars 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'article 2 de l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe non bis in idem a été méconnu dès lors que le ministre de l'éducation nationale a pris deux sanctions à son encontre pour les mêmes faits ;

- la décision est entachée d'inexactitude matérielle des faits ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que la sanction d'exclusion est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 novembre et 27 décembre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme C... en tant qu'elles demandent l'annulation de la totalité du jugement et, d'autre part, de ce que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à l'arrêté du ministre en date du 2 octobre 2020.

Par des mémoires, enregistrés le 31 octobre 2023, Mme C... et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ont présenté des observations après la communication du moyen d'ordre public.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du ministre du 2 octobre 2020 en raison du caractère provisoire de cette décision.

Des pièces ont été présentées par Mme C... le 12 décembre 2023.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21NC01452 le 19 mai 2021, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a annulé l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel il a infligé à Mme C... la sanction de révocation.

Il soutient que Mme C... a gravement manqué aux obligations qui étaient les siennes en sa qualité de personnel de direction et que la sanction de révocation n'était pas disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2023, Mme C..., représentée par Me Barberousse, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à l'arrêté du ministre en date du 2 octobre 2020.

Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a présenté des observations après la communication du moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton, première conseillére,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Barberousse pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est entrée dans l'éducation nationale en 1992 en qualité de maître d'internat. Elle a ensuite été conseillère principale d'éducation à compter du 1er septembre 2000 au lycée ... de Besançon avant d'être affectée au lycée professionnel de ..., au lycée professionnel du ... à Bar-sur-Seine, au collège ... de Remiremont puis au lycée ... d'Epinal. Puis Mme B... a été reçue au concours des personnels de direction et a été affectée dans plusieurs établissement successifs à compter du 1er septembre 2011 : dans un premier temps au lycée professionnel ... de Gérardmer, au lycée des métiers ... de Thaon-les-Vosges, puis au collège ... à Eloyes à compter du 1er septembre 2014. Elle a alors bénéficié d'un congé de formation pour suivre des enseignements de master II sciences de l'éducation et a repris son poste en avril 2015. Dans ce dernier poste, Mme C... a travaillé avec cinq chefs d'établissement dont le dernier a alerté le recteur concernant le comportement de son adjointe en octobre 2019. Faisant suite à ce signalement, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé la suspension de Mme C... le 20 novembre 2019, et a renouvelé sa décision le 20 décembre suivant au retour de l'arrêt maladie de l'agent. Après avoir diligenté une enquête administrative et à la suite de l'avis de la commission administrative paritaire nationale siégeant en conseil de discipline émis le 15 juin 2020, le ministre a prononcé une sanction de révocation par décision du 30 juin 2020. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Nancy et, par une ordonnance du 18 septembre 2020, le juge des référés a suspendu l'exécution de l'arrêté du 30 juin 2020 au motif que le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige portant révocation est entaché d'une erreur d'appréciation résultant de la disproportion de la sanction avec les faits fautifs reprochés était de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. A la suite de cette ordonnance, le ministre de l'éducation nationale a pris un nouvel arrêté le 2 octobre 2020 par lequel il a réintégré l'agent dans le corps et les fonctions de personnel de direction d'établissement d'enseignement ou de formation et a prononcé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis d'un an. Par un jugement du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 30 juin 2020 prononçant la révocation et rejeté le surplus des conclusions de Mme B.... Par la requête n° 21NC01424, cette dernière relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 2 octobre 2020.

2. Par la requête n° 21NC01452, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 30 juin 2020.

3. Les requêtes n° 21NC01424 et n° 21NC01452 concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il convient de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté du 30 juin 2020 :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Et aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; -l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. / (...) ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Il ressort des pièces des dossiers qu'au cours des mois d'octobre et de novembre 2019, le recteur de l'académie de Nancy-Metz a été destinataire de trois courriers successifs émanant du médecin de prévention attirant son attention sur les situations de souffrance au travail subie par des personnels du collège d'.... Dans le même temps, le principal de l'établissement en poste, a dès le 2 octobre 2019 alerté le recteur des difficultés qu'il rencontrait avec Mme B... qu'il qualifiait " relever désormais d'une certaine urgence ", confirmant les signalements antérieurs similaires faits par son prédécesseur les 18 avril, 14 juin et 5 juillet 2018. Une enquête administrative a alors été diligentée par le recteur, sous forme d'entretiens individuels, au cours des mois de novembre et décembre 2019. A la suite des conclusions de cette enquête, le recteur a décidé de procéder à la suspension de Mme B.... Les conclusions de ce rapport d'enquête et l'attitude de Mme B... lors de la notification de la décision de suspension ont conduit le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à prononcer une sanction de révocation à l'encontre de Mme C... par une décision du 30 juin 2020 aux motifs, que l'intéressée, en adoptant un comportement agressif et parfois menaçant à l'égard des chefs d'établissement qui se sont succédé à la tête du collège et en dénigrant ouvertement leur travail, a porté atteinte à leur dignité et a manqué à son devoir de loyauté, qu'en refusant de se rendre à la convocation du recteur, destinée à lui notifier la décision de suspension et en refusant le lendemain à plusieurs reprises de recevoir cette décision en main propre, elle a manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique, que par son mode de management, et ses agissements répétés à caractère humiliant et vexatoire à l'égard de certains personnels, elle a porté atteinte à leur dignité et a manqué à son devoir de correction et d'exemplarité, que par son comportement elle a porté atteinte à la dignité des fonctions de personnel de direction, à la considération du corps des personnels de direction, à l'image de l'établissement et du service public de l'éducation nationale et qu'enfin son mode de fonctionnement et de communication témoigne de son manque vis-à-vis de ses devoirs de correction, d'exemplarité, de réserve, de discrétion professionnelle, d'impartialité et d'information. Puis, le 2 octobre 2020, le ministre a prononcé une décision d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis d'un an, à la suite de la suspension de la première décision par le juge des référés du tribunal administratif de Nancy.

S'agissant du grief tiré du manquement au devoir de loyauté :

7. Il ressort des pièces du dossier qu'entre son arrivée au collège ... le 1er septembre 2014 et la fin de l'année 2019, Mme C... a travaillé avec cinq chefs d'établissement dont trois d'entre eux ont établi des rapports dont il ressort que Mme B... a un positionnement inapproprié vis-à-vis de l'autorité hiérarchique en contestant les orientations, refusant de prendre en charge certaines missions lui incombant ou remettant en cause leur méthodes de management dans des termes parfois violents et devant des tiers. Ces rapports présentent des témoignages concordants et font état de l'incapacité de l'intéressée à établir une relation de travail sereine, allant parfois jusqu'à la tenue de propos ambigus pouvant laisser à penser qu'ils étaient menaçants. Ainsi dans le compte-rendu de l'entretien du principal, du 4 décembre 2019, avec les représentants du rectorat, ce dernier lui prête des propos de plus en plus tendancieux au fur et à mesure de leur collaboration, notamment dans le cadre d'échanges houleux au sujet de l'élaboration de sa lettre de mission dont elle a refusé le contenu. A la question du représentant du rectorat sur la corrélation entre son état de santé et l'attitude de Mme C..., le principal a ainsi répondu " qu'il aurait pu tenir " sans ces manipulations et ces menaces. Son prédécesseur, quant à lui, dès le 18 avril 2018, alors qu'il est en poste depuis six mois environ, attirait l'attention du recteur dans un message électronique sur la collaboration " problématique " avec Mme C..., qu'il considère comme contestant son pilotage de l'établissement, remettant en cause sa propre loyauté, tandis que le chef d'établissement nommé à compter de la rentrée de 2019 après quelques semaines seulement de collaboration avec l'intéressée, explique dans son rapport spontané au recteur du 2 octobre 2019 être confronté à l'impossibilité de bâtir une relation professionnelle " ordinaire " avec elle, qu'elle présente une opposition irréversible à tout travail collaboratif, qu'elle lui tient des propos discourtois, refusant d'exécuter certaines tâches au prétexte qu'elle n'est pas sa secrétaire, évoquant les échanges qu'elle avait avec ses avocats, propos qu'il dit avoir compris comme étant une menace de sa part, l'incident du même jour ayant justifié son rapport au recteur, consistant pour Mme C... de l'accuser d'agression dans son bureau, ayant conduit le principal à prendre contact téléphoniquement avec le rectorat puis à demander officiellement la protection fonctionnelle.

8. La circonstance que deux chefs d'établissement ne se sont pas exprimés lors de l'enquête disciplinaire n'est pas de nature à remettre en cause les témoignages concordants des trois autres. De son côté, l'intéressée n'a cité aucun témoin en conseil de discipline, ni produit aucun témoignage ou d'autre pièce de nature à contredire les faits qui lui sont reprochés. Par voie de conséquence, les griefs tirés d'un comportement inapproprié, de propos parfois agressifs, voire ponctuellement menaçants à l'égard des trois chefs d'établissement qui se sont succédé à la tête du collège et d'un manquement à son devoir de loyauté vis-à-vis d'eux sont suffisamment établis.

S'agissant du grief tiré de l'atteinte à la dignité des personnels :

9. Il ressort des pièces des dossiers, en particulier des témoignages des trois chefs d'établissement, mais également de ceux tout autant concordants notamment de la psychologue, de l'infirmière, de l'assistance sociale interrogées dans le cadre de l'enquête administrative diligentée par le recteur, que Mme C... a une pratique de la gestion des ressources humaines qui dépasse le seul mode autoritaire, pouvant être qualifié d'irrespectueux, de malveillant, portant atteinte à la dignité des personnes, chacun s'accordant à reconnaître en particulier l'acharnement dont elle a fait preuve à l'égard d'une nouvelle secrétaire de direction nouvellement affectée. Un chef d'établissement indique pour sa part avoir craint pour la santé de celle-ci, et un autre, tout en reconnaissant la nécessité d'un accompagnement professionnel de cette nouvelle secrétaire pour assurer sa montée en compétences, qualifie dans son rapport du 5 juillet 2018 adressé au recteur, d'humiliant le traitement que l'intéressée réservait à cette nouvelle secrétaire, tandis que dans celui du 3 octobre de la même année il précise avoir été le témoin à plusieurs reprises de ce que Mme C... la rabaissait sans cesse, s'adressait à elle en la discréditant. Ces témoignages concernant la secrétaire de direction sont corroborés par ceux de l'infirmière, de l'assistante sociale et de la psychologue, cette dernière dans son rapport élaboré dans le cadre de l'enquête administrative évoquant des faits de " harcèlement très très fort " mais encore un comportement qu'elle décrit comme empreint de " manipulation " et de " mensonge ".

10. Il ressort par ailleurs des pièces des dossiers que dès le printemps 2018 dans des messages électroniques adressés les 18 avril et 14 juin 2018, le principal alors en fonction a alerté le directeur académique des services de l'éducation nationale des Vosges sur l'état psychologique de certains enseignants dont il impute la responsabilité à Mme C..., ciblant selon lui en particulier les enseignants investis pour leur " faire payer " la reconnaissance qu'ils avaient acquise, l'informant de ce que l'un d'eux allait saisir la justice, tandis que son successeur dans son rapport du 2 octobre 2019 explique que depuis sa nomination à la rentrée de cette même année, il a reçu la visite de professeurs qui expriment leur profond malaise en relation avec l'intéressée, disant être déconsidérés, maltraités, quatre ayant " craqué devant lui " tandis que l'un avait, dès le mois de juillet, rédigé un signalement dans le registre de santé et de sécurité au travail, relativement à des commentaires exprimés par Mme C... au sortir d'un conseil d'administration précédant les vacances d'été. Les pratiques ainsi explicitées de l'intéressée dans ses relations de travail, qu'elles soient hiérarchiques ou fonctionnelles, doivent ainsi être regardées comme humiliantes et vexatoires, en particulier vis-à-vis de la secrétaire de direction nouvellement affectée, portant atteinte à la dignité des personnels concernés, constituant également un manque au devoir de correction attendu de l'intéressée.

S'agissant du grief tiré de la méconnaissance du devoir d'obéissance hiérarchique :

11. Il ressort des pièces des dossiers que Mme C... a été invitée par message électronique du 20 novembre 2019 à se rendre au rectorat le lendemain à 18 heures pour une rencontre avec le secrétaire général adjoint d'académie. Toutefois, l'intéressée s'est soustraite à cette convocation malgré la confirmation de ce rendez-vous par message électronique du secrétariat du secrétaire général adjoint du 21 novembre 2019, lequel précisait qu'il s'agissait d'une " convocation à caractère hiérarchique ", après que l'intéressée ait sollicité le report de ce rendez-vous en arguant un motif professionnel, puis un motif médical. Dans ces conditions, et, nonobstant la production d'un certificat médical de son médecin mentionnant que son état de santé n'était pas compatible avec un long trajet en voiture ce jour-là, Mme C... doit être regardée comme ayant manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique.

12. Il est par ailleurs constant que la défaillance de Mme C... à répondre à cette convocation a conduit le directeur académique des services de l'éducation nationale et la secrétaire générale de l'académie à se rendre eux-mêmes le lendemain matin au collège ... à ... pour y rencontrer l'intéressée afin d'avoir un entretien avec elle et lui remettre en main propre la décision de suspension prise à son encontre. Lors de cette entrevue, et en dépit des circonstances particulières qui pouvaient être déstabilisantes, Mme B..., dès qu'elle a été informée de la teneur de la visite, a tenté par différentes manœuvres d'éviter tout entretien avec les représentants de l'académie, arguant par ailleurs de l'illégalité d'une telle remise. Un tel comportement de la part de l'intéressée, y compris dans ces circonstances difficiles pour elle, constitue également un manquement à son devoir d'obéissance hiérarchique, en l'absence par son comportement d'évitement, de toute possibilité d'entretien avec les cadres supérieurs de l'académie.

13. Ces faits, dont la matérialité est suffisamment établie par les pièces du dossier, sont constitutifs de fautes disciplinaires de nature à justifier une sanction. Eu égard à la nature de ces faits, dont Mme C... ne semble pas avoir mesuré la gravité alors même qu'elle a déjà été déplacée de l'établissement dans lequel elle exerçait ses fonctions précédemment et avait fait l'objet de plusieurs entretiens successifs concernant sa manière de servir dont un entretien avec le secrétaire général de l'académie en mai 2013, et à la méconnaissance que ces agissements traduisent de la part de Mme C... des responsabilités particulières qui étaient les siennes en tant que personnel de direction d'un établissement d'enseignement, le ministre n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en prononçant la révocation de Mme C....

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 30 juin 2020 infligeant à Mme C... la sanction disciplinaire de révocation.

En ce qui concerne l'arrêté du 2 octobre 2020 :

15. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'une ordonnance de référé prononçant la suspension d'une décision, prend volontairement une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à cette ordonnance, la décision du juge d'appel statuant au fond a pour effet, si elle annule le jugement d'annulation intervenu à la suite de la procédure de référé, de rétablir la décision initiale dans l'ordonnancement juridique et entraîne, ce faisant, la sortie de vigueur de la décision qui n'avait été prise que pour l'exécution de l'ordonnance.

16. Ainsi qu'il l'a été dit, pour assurer l'exécution de l'ordonnance du 18 septembre 2020 prononçant la suspension de l'arrêté du 30 juin 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a pris à l'encontre de l'intéressée un nouvel arrêté portant exclusion temporaire le 2 octobre 2020. Par le présent arrêt, la cour annule le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il annule la sanction de révocation. Cette annulation a pour effet de rétablir dans l'ordonnancement juridique la décision initiale du 30 juin 2020 et entraîne, ce faisant, la sortie de vigueur de la décision du 2 octobre 2020, qui avait été prise en conséquence de l'ordonnance de suspension.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 2 octobre 2020 sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21NC01424 tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nancy et à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2020.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 mars 2021 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2020 est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C... tenant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., et à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 21NC01424-21NC01452 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01424
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21nc01424 ?
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