Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a assigné à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.
Par un jugement n° 2207240 du 22 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2023, M. C... A..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207240 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 22 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 29 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige du 29 octobre 2022 a été pris par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'il justifie de garanties de représentation suffisantes ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et de venir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... est un ressortissant albanais, né le 13 avril 2002. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France en décembre 2017. Se prévalant de sa qualité de mineur isolé, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Moselle jusqu'à sa majorité par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République de Metz du 12 décembre 2017, confirmée par une ordonnance et un jugement en assistance éducative de la juge des enfants près le tribunal de grande instance de Metz des 20 décembre 2017 et 14 juin 2018. Placé en garde à vue le 10 juin 2022 pour des faits de recel de vol et port d'arme, il a fait l'objet, le lendemain, d'une obligation de quitter sans délai le territoire français, assortie d'une interdiction de retour d'un an, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 2203879 du tribunal administratif de Strasbourg le 27 septembre 2022 et par un arrêt n° 22NC02574 de la cour administrative d'appel de Nancy du 25 avril 2023. A la suite d'un contrôle d'identité par les services de la police aux frontières de Metz, il a été placé en retenue administrative pour vérification du droit au séjour le 29 octobre 2022. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Moselle l'a assigné à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, et lui a fait obligation de se présenter, pendant la durée de son assignation, à l'hôtel de police de Metz tous les mercredis entre quinze et dix-sept heures. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2022. Il relève appel du jugement n° 2207240 du 22 novembre 2022 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 29 octobre 2022 a été signé, " pour le préfet ", par M. D... B..., agent du bureau de l'éloignement et de l'asile de permanence. Or, par un arrêté du 21 octobre 2022, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a consenti une délégation de signature à M. B... à l'effet de signer notamment toutes " les mesures d'éloignement prises à l'encontre des ressortissants étrangers en situation irrégulière prévues aux livres sixième et septième du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", à l'exception des mesures d'expulsion régies par les articles L. 631-1 et suivants de ce code. Si l'exercice de la compétence ainsi déléguée à l'intéressé est limité aux permanences qu'il est susceptible d'assurer les week-ends, les jours fériés ou les jours d'aménagement et de réduction du temps de travail (ARTT) collectifs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle condition n'était pas remplie en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 29 octobre 2022 mentionne les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il fait application. Il indique également que M. A..., qui a fait l'objet d'un contrôle d'identité en gare de Metz par les services de la police aux frontières, puis, en l'absence de document l'autorisation à entrer, à circuler ou à séjourner en France, d'une retenue administrative pour vérification du droit au séjour, n'a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation depuis son arrivée en France et se trouve sous le coup d'une obligation de quitter sans délai le territoire français pris à son encontre le 11 juin 2022. Comportant ainsi, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement, cet arrêté est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ". Aux termes de l'article L. 741-1 du même code : " L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. / Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. ".
6. Il est constant que, par l'arrêté en litige du 29 octobre 2022, le préfet de la Moselle a prononcé à l'encontre de M. A..., non pas son placement en rétention administrative, mais son assignation à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, en application des articles L. 731-1 et L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant ne saurait utilement soutenir, pour contester la légalité de cet arrêté, qu'il justifie de garanties de représentation effectives. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté comme inopérant.
7. En quatrième lieu, si M. A... fait valoir qu'il a fait appel du jugement n° 2203879 du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2022, confirmant la légalité de l'obligation de quitter sans délai le territoire français prononcée à son encontre le 11 juin 2022, il est constant que, à la date de l'arrêté en litige du 29 octobre 2022, son éloignement demeurait une perspective raisonnable et que le préfet de la Moselle a pu légalement décider de l'assigner à résidence. Par suite et alors que, au demeurant, cet appel a été rejeté par un arrêt n° 22NC02574 de la cour administrative d'appel de Nancy du 25 avril 2023, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parents de M. A..., qui ont fait tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement le 9 août 2022, ainsi que son frère cadet, se trouvaient toujours sur le territoire français à la date de l'arrêté en litige du 29 octobre 2022. En tout état de cause, à supposer même que le préfet de la Moselle, en s'abstenant de mentionner les attaches familiales fortes de l'intéressé en France, aurait commis une erreur de fait, celle-ci est sans incidence sur la légalité de la mesure d'assignation contestée. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.
9. En sixième lieu, si M. A... fait valoir que ses parents et son frère cadet seraient présents sur le territoire français, qu'il serait isolé en cas de retour en Albanie, qu'il est inscrit depuis septembre 2021 à l'unité de formation des apprentis du lycée des métiers de l'hôtellerie Raymond Mondon de Metz en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude générale de cuisine et qu'il a souscrit, du 15 septembre 2021 au 15 juillet 2023, un contrat d'apprentissage avec un bar-restaurant de cette ville, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 29 octobre 2022, qui se borne à l'assigner à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable un fois, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à sa liberté d'aller et de venir. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.
10. En septième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que précédemment, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'assignation contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
La présidente,
Signé : S. BAUER
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01057 2