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25/01/2024 | FRANCE | N°22NC02061

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 25 janvier 2024, 22NC02061


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 et des pénalités correspondantes pour un montant total de 208 565 euros.



Par un jugement n° 2002729 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre

de l'année 2015 et a rejeté le surplus de sa demande.



Procédure devant la cour :



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 et des pénalités correspondantes pour un montant total de 208 565 euros.

Par un jugement n° 2002729 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2015 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Montoya, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2022 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées à hauteur d'un montant de 205 543 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la cession, en 2015, des actions de la société B... investissements qu'elle détenait depuis plus de huit années, c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'abattement renforcé de 85 % prévu par les dispositions du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts ; cette société est en effet une société opérationnelle dès lors qu'elle exerce une activité commerciale vis-à-vis de sociétés tierces et ne peut ainsi être regardée comme une société holding animatrice ; les conditions prévues par l'article 150-0 D du code général des impôts étant satisfaites par la société émettrice des droits cédés, l'administration ne pouvait légalement lui opposer la circonstance que trois des filiales de la société B... investissements ne remplissaient pas lesdites conditions ;

- subsidiairement et en tout état de cause, l'interprétation littérale de ces dispositions, laquelle est contraire à l'intention du législateur et contrevient au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, ne peut être retenue ; les textes doivent être interprétés de telle sorte que l'abattement renforcé pour durée de détention bénéficie à une société holding dont la quasi intégralité de l'actif est constituée par les sociétés qu'elle anime et qui remplissent les conditions prévues par l'article 150-0 D, 1 quater, B, 1° du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., co-associée fondatrice et présidente de la société B... investissements, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 4 avril 2001, a cédé à la société Geolou la moitié des 392 actions qu'elle détenait dans le capital de la société B... investissements le 1er mai 2015. Au titre des revenus perçus en 2015, elle a déclaré une plus-value de cession de droits sociaux d'un montant de 1 940 400 euros en faisant application de l'abattement renforcé de 85% pour durée de détention prévu par les dispositions de l'article 150-0 D, 1 quater du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, par une proposition de rectification du 13 novembre 2018, le service a procédé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu pour l'année 2015. A la suite de la présentation, dans le délai prorogé, des observations du contribuable, le supplément d'imposition mis à la charge de Mme B... a été maintenu par le service dans la réponse aux observations du contribuable. Ce complément d'imposition, assorti de l'intérêt de retard et de pénalités, a été mis en recouvrement le 30 juin 2019 pour un montant de 208 565 euros en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015. Mme B... a présenté le 5 août 2019 une réclamation visant à obtenir la décharge de cette imposition supplémentaire. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet du 31 janvier 2020. Mme B... relève appel du jugement du 31 mai 2022 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2015 à raison de la remise en cause du bénéfice de l'abattement renforcé, à hauteur d'un montant de 205 543 euros.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions contestées : " (...) Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés à l'article 150-0 A (...) sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. (...) 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : (...) b) 65'% du montant des gains nets (...) lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession (...) 1 quater A. - Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à : (...) 3º 85'% de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession. / B. - L'abattement mentionné au A s'applique : 1º Lorsque la société émettrice des droits cédés respecte l'ensemble des conditions suivantes : / a) Elle est créée depuis moins de dix ans et n'est pas issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes. Cette condition s'apprécie à la date de souscription ou d'acquisition des droits cédés'; / b) Elle répond à la définition prévue au e du 2º du I de l'article 199 terdecies-0 A. Cette condition est appréciée à la date de clôture du dernier exercice précédant la date de souscription ou d'acquisition de ces droits ou, à défaut d'exercice clos, à la date du premier exercice clos suivant la date de souscription ou d'acquisition de ces droits'; / c) Elle respecte la condition prévue au f du même 2º'; / d) Elle est passible de l'impôt sur les bénéfices ou d'un impôt équivalent'; / e) Elle a son siège social dans un État membre de l'Union européenne (...) f) Elle exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l'exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier. / Lorsque la société émettrice des droits cédés est une société holding animatrice, au sens du dernier alinéa du VI quater du même article 199 terdecies-0 A, le respect des conditions mentionnées au présent 1º s'apprécie au niveau de la société émettrice et de chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations. / Les conditions prévues aux quatrième à avant-dernier alinéas du présent 1° s'apprécient de manière continue depuis la date de création de la société (...) " Aux termes de l'article 199 terdecies-0 A du même code, dans sa rédaction applicable : " (...) 2° Le bénéfice de l'avantage fiscal (...) est subordonné au respect, par la société bénéficiaire de la souscription, des conditions suivantes : (...) e) La société doit être une petite et moyenne entreprise qui satisfait à la définition des petites et moyennes entreprises qui figure à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 (...) f) La société n'accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions (...) VI quater (...) une société holding animatrice s'entend d'une société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend le cas échéant et à titre purement interne des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (...) ". Il résulte clairement de ces dispositions que le législateur a entendu réserver le bénéfice de l'abattement de 85 % à la cession, directe ou au travers d'une société holding animatrice, de titres de sociétés qui satisfont à l'ensemble des conditions posées par le 1° du B du 1 quater précité de l'article 150-0 D du code général des impôts.

3. La requérante soutient, d'abord, que la société B... investissements constitue une société opérationnelle dès lors qu'elle exerce une activité mixte, correspondant, d'une part à une activité de société holding animatrice et, d'autre part, à une activité commerciale pour des sociétés tierces. Il est toutefois constant que l'activité prépondérante de cette société correspondait à l'activité d'une société holding animatrice telle que définie par les dispositions du dernier alinéa du VI quater de l'article 199 terdecies-0 A du même code, dans leur rédaction applicable. Dans ces conditions, la seule circonstance que la société B... investissements ait exercé à titre accessoire une activité de recrutement pour le compte de sociétés tierces ne saurait avoir pour effet de lui faire perdre sa qualité de société holding animatrice. C'est, dès lors, à juste titre, que l'administration a vérifié si les sociétés dans lesquelles la société B... investissements détenait des participations remplissaient l'ensemble des conditions requises par les dispositions précitées au point 2.

4. Mme B... soutient, ensuite, à titre subsidiaire, que l'avant-dernier alinéa du f du 1° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts doit être interprété de telle sorte que les sociétés holding animatrices détenant, pour l'essentiel, des titres de participation dans des sociétés remplissant les conditions prévues par les dispositions précitées pour le bénéfice de l'abattement renforcé de 85%, ne pouvaient se voir opposer la détention de participations dans des sociétés n'y satisfaisant pas lorsque ces dernières ne participaient que de manière résiduelle à l'actif de la société émettrice des droits cédés. Toutefois, il ressort du texte clair de ces dispositions qu'elles subordonnent le bénéfice de l'abattement renforcé pour durée de détention de titres de participation d'une jeune A... à la condition que la société holding animatrice ainsi que chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations remplissent l'ensemble des six conditions requises. La requérante ne conteste pas que trois des sociétés dans lesquelles la société B... Investissements détenait des participations ne satisfaisaient pas à l'une des conditions exigées par les dispositions précitées. Dès lors, l'administration a pu légalement remettre en cause le bénéfice de l'abattement de 85 % pour lui substituer celui de droit commun de 65 %, prévu au b) du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

6. Mme B... soutient que les dispositions contestées feraient peser sur les contribuables cédant les titres d'une société holding animatrice dont certaines des filiales ne respectent pas l'ensemble des conditions précitées, une charge excessive au regard de leurs facultés contributives, en méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, en prévoyant que les contribuables concernés bénéficient du taux d'abattement de droit commun de 65 % et non du taux d'abattement de 85 %, le législateur a retenu des modalités d'imposition qui ne sont pas manifestement inappropriées au regard de l'objectif poursuivi et qui ne sont pas de nature à entraîner une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC02061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02061
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : MONTOYA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;22nc02061 ?
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