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25/01/2024 | FRANCE | N°21NC02230

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 25 janvier 2024, 21NC02230


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) GD Tours a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2012, 2013 et 2014 ainsi que de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts.



Par un jugement no 1900952 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a reje

té sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 2 août 2021, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) GD Tours a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2012, 2013 et 2014 ainsi que de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement no 1900952 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2021, la SARL GD Tours, représentée par Me Favre de la Selarl BPS Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les créances acquises ne peuvent être rattachées qu'à l'exercice au cours duquel intervient la remise effective des billets d'avion, soit près de deux jours avant le départ ;

- le taux de 20% n'a été évoqué que pour désigner des avances provisionnelles versées par les clients mais ne constitue aucunement le taux de marge à appliquer aux prestations en cours non comptabilisées à la fin de chaque exercice ;

- les dépenses de voyage, qui ont été engagées dans le strict intérêt de l'entreprise et n'ont rien d'excessif par rapport aux chiffres d'affaires réalisés avec les clients qui ont participé à ses voyages ou pour lesquels ces voyages ont été organisés, sont déductibles en application des dispositions du 5 de l'article 39 du code général des impôts ;

- le raisonnement de l'administration méconnaît l'instruction administrative BOFIP n° BOI-BIC-CHG-40-60-30 du 12 septembre 2012, paragraphes 30 à 50 ;

- la pénalité pour manquement délibéré est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, en l'absence de constatation d'une infraction de la part de la société ;

- l'amende de l'article 1759 du code général des impôts est dépourvue de base légale dès lors que les dépenses de voyages de repérages ayant été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, il ne peut pas être retenu l'existence de revenus distribués, tandis que l'absence de révélation de l'identité des participants à ces voyages ne caractérise pas une manifestation de " mauvaise foi ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société GD Tours ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société GD Tours, qui a la qualité d'agent agréé IATA, commercialise des billets de transport aérien pour des groupes de plus de dix personnes au profit de professionnels du tourisme. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014, au terme de laquelle, par une proposition de rectification du 24 août 2015 établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et l'a assujettie à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre de ces mêmes années. La commission départementale des impôts, visée à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, a rendu le 11 octobre 2016 un avis favorable aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux rehaussements des bases imposables à l'impôt sur les sociétés. A la suite de la saisine de l'interlocutrice interrégionale, l'administration a, toutefois, par une décision du 17 juillet 2017, abandonné les redressements envisagés en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mises en recouvrement pour un montant total de 161 490 euros en droits et pénalités au titre des années 2012, 2013 et 2014. Ont également été mises en recouvrement, pour un montant de 131 997 euros, des amendes infligées à la société en application de l'article 1759 du code général des impôts, au titre des mêmes années. Les réclamations préalables présentées par la société ont été rejetées par des décisions du 13 août 2018 et du 26 mars 2019. La SARL GD Tours relève appel du jugement du 5 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires et des amendes mises à sa charge.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, et notamment pas de " commenter " chacune des informations et justifications présentées par la société GD Tours, ont répondu de manière suffisamment détaillée aux moyens invoqués à l'appui de la demande de celle-ci. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 (...) est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...). / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...). La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".

6. Il ressort de la proposition de rectification du 24 août 2015 que l'administration fiscale a, d'une part, notamment relevé que l'entreprise n'était pas en mesure de garantir la continuité du chemin de révision entre les factures de vente ou d'achat et les écritures comptables correspondantes et inversement, et ce pour la totalité des enregistrements, le constat ayant été fait que le numéro de pièce inscrit en comptabilité était systématiquement différent de celui figurant sur la facture. L'administration a, d'autre part, constaté que l'entreprise ne respectait pas ses obligations comptables en présentant des enregistrements non effectués selon un ordre chronologique. Le service a ainsi pu, pour ces motifs, au demeurant non contestés, écarter la comptabilité informatisée présentée par la société GD Tours comme comportant de graves irrégularités. Par ailleurs, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mises en recouvrement par l'administration conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Haute-Saône du 11 octobre 2016. Par suite, la charge de la preuve du mal-fondé des rectifications effectuées par le service incombe à la société GD Tours en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le rattachement des créances acquises :

7. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, la créance acquise sur un tiers par une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés doit être rattachée aux résultats de l'exercice au cours duquel cette créance est devenue certaine dans son principe et son montant. Aux termes du 2 bis de l'article 38 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " (...) les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services ".

8. Il résulte de l'instruction que la société GD Tours se présente, dans les contrats qu'elle fait signer à ses clients, agences de voyages ou tours opérateurs, comme mandataire des compagnies aériennes auxquelles elle achète des billets de transport aérien, qu'elle se charge ensuite d'émettre pour ses clients. Elle agit ainsi comme intermédiaire entre les compagnies aériennes et ses clients.

9. Il ressort des modalités d'exercice de l'activité de prestations de services de la société GD Tours, telles qu'elles ressortent notamment des stipulations de l'article 6 des contrats conclus par la société avec ses clients, que ceux-ci versent, au moment de la signature du contrat, un acompte correspondant à 20% du montant hors taxe du prix des billets acquis et que le solde du prix intervient " au plus tard trente jours avant le départ, à l'émission des billets ". L'administration fiscale a considéré que le versement du solde caractérisait l'accord entre la société GD Tours et son client sur la chose et le prix tandis que l'émission des billets manifestait l'achèvement de la prestation unique de services réalisée au profit de son client, si bien que les produits issus de ces prestations de fourniture de billets devaient être rattachés à l'exercice au cours duquel les billets étaient émis trente jours avant le départ des voyageurs. Le service a alors déterminé le montant des commissions perçues par la société correspondant à des départs intervenant entre le 1er et le 31 juillet 2012, 2013 et 2014 respectivement, pour les rattacher, non pas à l'exercice débutant au 1er juillet, mais à l'exercice s'étant clôturé au 30 juin précédant, au cours duquel les contrats de fournitures de billets avaient été signés et les prestations avaient été achevées. Elle a rehaussé les résultats de la société GD Tours en conséquence, après application de la cascade.

10. D'une part, la société GD Tours ne conteste pas que la prestation de service qu'elle vend s'achève avec l'émission des billets, mais soutient que cette date intervient deux jours seulement avant le départ des voyageurs et non trente jours avant comme l'administration l'a retenu. Elle ne produit toutefois aucune pièce permettant de justifier qu'elle émettrait les billets à une date aussi rapprochée des départs, alors en outre qu'une telle possibilité n'est pas prévue par les contrats qu'elle fait signer. D'autre part, la société requérante ne justifie pas davantage que des obligations complémentaires lui incomberaient en vertu desdits contrats au-delà de l'émission des billets trente jours avant le départ. Il ne ressort pas des contrats produits, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle aurait la charge du rapatriement éventuel des passagers ou de la gestion des retards de vol. Quant à l'intervention d'éventuelles annulations totales ou partielles dans le mois précédant le voyage, celle-ci est sans incidence sur le caractère certain de la créance détenue par la société sur son client à la date de l'émission des billets d'avion. Dans ces conditions, la société GD Tours n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les prestations de fourniture de billets d'avion qu'elle réalise s'achèverait deux jours avant le départ des vols. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats des exercices clos les 30 juin 2012, 2013 et 2014 les montants des commissions perçues à raison des voyages dont le départ avait eu lieu au cours du premier mois de l'exercice suivant.

En ce qui concerne les produits en cours :

11. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts cité ci-dessus : " (...) / 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. Les travaux en cours sont évalués au prix de revient ". Aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts : " Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises, des matières premières, des matières et fournitures consommables, des productions en cours, des produits intermédiaires, des produits finis, des produits résiduels et des emballages non destinés à être récupérés, qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire et dont la vente en l'état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours permet la réalisation d'un bénéfice d'exploitation. Les productions en cours sont les biens ou les services en cours de formation au travers d'un processus de production ".

12. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats de la société GD Tours à la clôture de chacun des exercices en litige les produits en cours correspondant aux prestations de fourniture de billets d'avion pour lesquelles les contrats avaient été signés au cours de chacun de ces exercices mais n'avaient encore été que partiellement exécutés, la date d'achèvement de ces prestations intervenant après le 31 juillet de l'exercice suivant. Elle a déterminé le montant de ces produits en cours en appliquant au montant des acomptes encaissés par la société GD Tours un taux de 20% déterminé suivant les déclarations faites par les représentants de la société lors du contrôle et d'après un sondage réalisé par le service vérificateur dont il ressortait que la commission perçue à raison de chacune des prestations vendues variait de 15 % à 70 % du prix de vente des billets.

13. La société requérante ne conteste pas que ces produits en cours devaient être comptabilisés au titre des valeurs d'actif figurant au bilan de chacun des exercices en litige. Elle conteste uniquement le choix du taux de 20 % admis par le service. Toutefois, en se bornant à soutenir qu'il faut y substituer un taux de marge de 5 % au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012, de 6 % au titre de l'exercice clos le 30 juin 2013 et de 7 % au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014, qu'elle a déterminés selon des modalités dont il n'est pas justifié et alors que, ainsi qu'il a été dit, sa comptabilité a été écartée comme non probante, elle n'établit pas que le taux de 20 % retenu par l'administration ne correspondrait pas au coût de revient des prestations de services en cours de formation à la clôture de chacun des exercices concernés. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rehaussé les résultats de la société GD Tours de la variation de l'actif net correspondant à la comptabilisation des produits en cours.

En ce qui concerne les charges :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

14. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5 (...). / (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; / (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. / Lorsqu'elles augmentent dans une proportion supérieure à celle des bénéfices imposables ou que leur montant excède celui de ces bénéfices, l'administration peut demander à l'entreprise de justifier qu'elles sont nécessitées par sa gestion ".

15. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

16. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

17. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, se fondant sur la notion d'acte anormal de gestion, a réintégré dans les bénéfices imposables de la SARL GD Tours les dépenses de " voyages de repérage " que la société GD Tours avait déduites de ses résultats à hauteur de 18 602 euros au titre de l'exercice 2012, de 47 154 euros au titre de l'exercice 2013 et de 66 241 euros au titre de l'exercice 2014. Le service a retenu que l'activité de la société consistait à rechercher des billets au meilleur prix et à les revendre à ses clients, et non à élaborer des voyages, et relevé qu'il ne ressortait pas des contrats signés avec ses clients d'obligation de repérage mise à sa charge tandis qu'elle n'avait remis aucun document au cours du contrôle pour établir qu'elle aurait effectué des repérages pour le compte de ses clients. L'administration a par ailleurs estimé que la société ne justifiait d'aucune contrepartie dans la prise en charge de ces " voyages de repérage ", soit que la société pour laquelle ils auraient été réalisés connaissait les circuits de voyages aux Etats-Unis notamment et n'avait pas besoin de solliciter son gérant et son épouse pour y faire du repérage, soit que le chiffre d'affaires en provenance de telle autre société est trop faible pour constituer une contrepartie à l'engagement des frais de voyages de repérage avec ce client.

18. Si la société requérante soutient qu'elle est une agence de voyages et prospecte de manière régulière afin d'établir des circuits cohérents pour ses clients, elle ne produit toutefois aucune pièce pour établir que, contrairement aux constats opérés par l'administration fiscale, elle aurait une activité de conception de circuits touristiques, ni qu'elle aurait proposé de tels circuits à l'issue des voyages de " repérage " pris en charge au cours des années en litige, ni encore que de tels voyages répondraient à une demande de ses clients. Par ailleurs, la circonstance que les coûts de ces voyages à l'étranger, tels qu'elle les a ventilés entre ses différents clients sans au demeurant établir qu'ils ont été organisés à leur profit, représenteraient systématiquement moins de 1% du chiffre d'affaires rapporté par ces mêmes clients n'est pas de nature, en tant que telle, à établir l'existence d'une contrepartie pour la société GD Tours dans la prise en charge financière de ces voyages. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré le montant des voyages pris en charge par la société GD Tours dans son bénéfice imposable.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi :

19. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " (...). / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

20. La société GD Tours ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine exprimée dans la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-60-30 du 12 septembre 2012, n° 30 à 50, qui est relative à la charge de la preuve et donc à la procédure contentieuse et ne constitue pas dès lors une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A précité.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

21. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

22. En premier lieu, il ressort de la proposition de rectification du 24 août 2015 qu'afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré à raison des charges déduites à tort, l'administration a retenu que les dépenses de voyages de " repérage " n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise mais, pour partie, au profit de son gérant et que la société ne pouvait pas ignorer que ces charges ne se rattachaient pas à une gestion normale. Par suite, la SARL GD Tours n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée quant à la mise en œuvre de la pénalité pour manquement délibéré.

23. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration a établi que les charges de " voyages de repérage " n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de la SARL GD Tours. Par ailleurs, et alors qu'il n'est pas contesté que son gérant en a bénéficié à titre personnel, il est également établi que la comptabilisation de ces prestations injustifiées dans les charges déductibles caractérise la volonté de la société requérante d'éluder l'impôt sur les sociétés. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti une partie des rectifications de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

Sur les amendes de l'article 1759 du code général des impôts :

24. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ". Aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Il résulte de ces dispositions que la circonstance que l'administration connaisse ou soit susceptible de connaître les bénéficiaires de sommes regardées comme des revenus réputés distribués n'est pas de nature à lui interdire d'inviter la société distributrice à désigner l'identité et l'adresse des bénéficiaires dans un délai de trente jours, dans les conditions prévues par l'article 117 du code général des impôts, et ne fait obstacle ni à ce qu'elle applique à cette société, à défaut de toute réponse, l'amende prévue par l'article 1759 du même code, ni à ce qu'une réponse tardive ou manifestement incomplète ou insuffisante soit assimilée à un défaut de réponse.

25. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment quant au bien-fondé de la réintégration dans les résultats de la SARL GD Tours des charges de " voyages de repérage " non engagées dans l'intérêt de son exploitation, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les amendes qui lui ont été infligées en application de l'article 1759 du code général des impôts seraient dépourvues de base légale en l'absence d'existence de revenus distribués correspondant au montant de ces charges.

26. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que la société GD Tours n'a pas répondu à la demande de l'administration fiscale de révéler l'identité des personnes ayant bénéficié de ces dépenses de voyages. En l'absence de réponse, l'administration fiscale a pu lui infliger l'amende prévue par les dispositions précitées, sans que la SARL GD Tours puisse utilement soutenir que sa mauvaise foi ne serait pas établie.

Il résulte de tout ce qui précède que la SARL GD Tours n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société GD Tours est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL GD Tours et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 21NC02230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02230
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL BULLE PITTET SUTTER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;21nc02230 ?
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