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25/01/2024 | FRANCE | N°21NC01932

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 25 janvier 2024, 21NC01932


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2000111 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enre

gistrée le 1er juillet 2021, M. A..., représenté par Me Kempf et Me D'Ooghe, demande à la cour :



1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2000111 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2021, M. A..., représenté par Me Kempf et Me D'Ooghe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le montant des travaux effectués dans l'appartement du rez-de-chaussée de l'immeuble sis 2A rue de Saales à Schiltigheim ont été déduits à bon droit dans la mesure où en 2014, il ne savait pas encore qu'il allait le mettre à disposition de sa fille l'année suivante ; il a opéré ces travaux dans le cadre de la gestion de biens donnés en location ; il a confié la gestion locative de cet immeuble à une agence ;

- les revenus en cause ne constituent pas des revenus d'origine indéterminée puisque l'origine des pièces d'or qu'il a vendues est justifiée par l'attestation qu'il produit ;

- les pénalités mises à sa charge ne sont pas justifiées dès lors que sa mauvaise foi n'est pas établie par l'administration ; le seul montant des sommes en cause ne peut être retenu dès lors que son intention délibérée d'éluder l'impôt n'est pas démontrée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la décharge des majorations pour manquement délibéré appliquée aux revenus fonciers ne sont pas recevables faute d'avoir fait l'objet d'une contestation dans la réclamation préalable et la requête de première instance ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2014 et 2015. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration a réintégré dans ses revenus fonciers des travaux relatifs à un appartement dont il s'était, selon le service, réservé la jouissance et a imposé en tant que revenus d'origine indéterminée une somme de 75 247 euros. En l'absence de réponse à la proposition de rectifications du 13 décembre 2017 au titre de l'année 2014, l'administration a assujetti M. A... à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à hauteur de 2 684 euros en droit et pénalités. Contestées, les rectifications notifiées dans la proposition du 9 janvier 2018 au titre de l'année 2015 ont été maintenues et M. A... a été assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales sur le revenu à hauteur de 45 907 euros en droits et pénalités. M. A... relève appel du jugement du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires contestées.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les revenus fonciers :

2. Aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. " et aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportés par le propriétaire (...) ". II résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. Il appartient au propriétaire qui entend, pour déduire les charges afférentes à un logement resté vacant, se prévaloir de ce qu'il a entendu le louer et non s'en réserver la jouissance d'apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour la location de ce logement.

3. Pour refuser la déduction de la somme de 18 429 euros correspondant à des travaux réalisés dans l'appartement fin 2014 du rez-de-chaussée de l'immeuble sis 2A rue de Saales à Schiltigheim dont il est propriétaire, l'administration a considéré que M. A... s'est gardé la jouissance de cet appartement à la suite du départ du locataire le 8 septembre 2014 afin de le mettre gracieusement à la disposition de sa fille au cours de l'année 2015. Pour démontrer qu'il destinait l'appartement à la location lorsqu'il a réalisé ces travaux, M. A... produit à hauteur d'appel le mandat de gestion conclu le 1er décembre 2006 avec une agence immobilière ainsi qu'un mail du responsable de cette agence du 21 juin 2021 attestant que le mandat de gérance pour l'ensemble de l'immeuble était toujours en cours. Toutefois, ces éléments ne démontrent pas que M. A... a directement, ou par l'intermédiaire de l'agence, réalisé quelque démarche que ce soit pour relouer l'appartement avant de le mettre à disposition de sa fille à titre gracieux en 2015. De plus, l'administration fait valoir sans être contestée que la fille du requérant résidait avant d'intégrer cet appartement au domicile de ses parents et qu'elle a indiqué son changement d'adresse à son établissement bancaire dès le mois de mai 2015. Il s'ensuit que ses parents ne pouvaient ignorer lors de leur déclaration des revenus fonciers 2014 que l'appartement ne serait pas reloué avant l'entrée de leur fille dans celui-ci. Dans ces conditions, l'administration était fondée à refuser la déduction des travaux en litige.

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

4. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " [L'administration] peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. En particulier, si le contribuable allègue la possession de bons ou de titres dont les intérêts ou arrérages sont exclus du décompte des revenus imposables en vertu de l'article 157 du même code, l'administration peut exiger la preuve de la possession de ces bons ou titres et celle de la date à laquelle ils sont entrés dans le patrimoine de l'intéressé. (...) Il en va de même pour les ventes d'or monnayé ou d'or en barres ou en lingots de poids et de titres admis par la Banque de France, lorsque l'identité et le domicile du vendeur n'ont pas été enregistrés par l'intermédiaire ou lorsqu'elles ne sont pas attestées par la comptabilité de l'intermédiaire ". Aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

5. Après avoir constaté, au titre de l'année 2015, que les montants crédités sur les comptes bancaires de M. A... représentaient au moins le double de ses revenus déclarés, l'administration lui a transmis une demande sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales de justifier l'origine de ces crédits bancaires. Ayant estimé insuffisante la réponse de M. A..., s'agissant de trois opérations d'un montant global de 75 247,33 euros relatives à des ventes de pièces d'or, le service a mis en demeure le contribuable, le 21 novembre 2017, de produire des justifications quant à l'origine de ces encaissements. Le contribuable s'étant abstenu de répondre à cette mise en demeure, la somme en litige a été imposée selon la procédure de taxation d'office comme un revenu d'origine indéterminée. En application des dispositions précitées, la charge de la preuve lui incombe.

6. En l'espèce, M. A... produit trois factures provenant de la société le Comptoir de l'or des 3 et 6 août 2015 et 19 octobre 2015, relatives à la vente de pièces d'or afin de justifier l'origine de ces crédits bancaires d'un montant de 75 247 euros. Toutefois, le contribuable n'a pas été en mesure de justifier de la date à laquelle ces pièces d'or sont entrées dans son patrimoine, l'attestation qu'il produit établie par un ancien employé du Crédit agricole indiquant qu'il aurait acquis ses pièces au cours des années 1980, imprécise et peu circonstanciée, dépourvue de valeur probante. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a imposé ces sommes en tant que revenus d'origine indéterminée.

Sur les pénalités au titre de l'année 2015 :

7. L'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; " Il résulte de ces dispositions que, pour établir le manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

En ce qui concerne les pénalités relatives au revenu foncier :

8. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2015, l'appartement du rez-de-chaussée sis 2A rue de Saales à Schiltigheim était soit vacant, soit occupé à titre gracieux par la fille de M. A.... L'administration fait valoir que ces travaux ont excédé de simples travaux d'entretien et que les recettes de l'immeuble ont été minorées d'un montant de 32 749 euros ce qui a permis au contribuable de ne pas être imposable à l'impôt sur le revenu. De plus, ces travaux ont représenté la quasi-intégralité des travaux réalisés dans cet immeuble et la grande majorité des charges déduites des revenus fonciers. Eu égard au montant des sommes indûment déduites et alors que le propriétaire ne pouvait ignorer qu'il ne pouvait les déduire dans la mesure où il avait conservé la jouissance du logement en 2015, l'administration a pu légalement appliquer à M. A... la majoration de 40% instaurée par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées ont été méconnues.

En ce qui concerne les pénalités relatives aux revenus d'origine indéterminée :

9. Ainsi qu'il a été dit point 6, M. A... n'a pas été en mesure, malgré les demandes répétées de l'administration, de démontrer la date et les conditions d'entrée dans son patrimoine des pièces d'or qu'il a vendues en 2015 pour la somme de 75 247 euros. Compte tenu du montant de cette somme qui représente près du triple de son revenu net imposable avant le contrôle fiscal et constitue l'essentiel de ses ressources financières pour l'année 2015, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du manquement délibéré du contribuable à ses obligations fiscales. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à demander la décharge des pénalités correspondant à ce chef de rectification.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin de décharge et, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC01932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01932
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;21nc01932 ?
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